Question au Gouvernement n° 524 :
organisation du système judiciaire

15e Législature

Question de : M. Sébastien Leclerc
Calvados (3e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 31 janvier 2018


ORGANISATION DU SYSTÈME JUDICIAIRE

M. le président. La parole est à M. Sébastien Leclerc, pour le groupe Les Républicains.

M. Sébastien Leclerc. Monsieur le Premier ministre, le 15 janvier 2018, dans un rapport remis à la garde des sceaux, des orientations dangereuses quant à l'organisation de notre système judiciaire ont été prônées.

M. Erwan Balanant. Dangereuses ?

M. Marc Le Fur. Catastrophiques, même !

Mme Émilie Bonnivard. On veut siphonner les juridictions !

M. Sébastien Leclerc. Outre le regroupement des cours d'appel à l'échelle des nouvelles régions, le rapport préconise également une réorganisation des ressorts des tribunaux de grande instance à l'échelle des départements pour créer, dans chacun d'entre eux, un unique tribunal judiciaire de première instance.

M. Christian Hutin. C'est une très bonne question !

M. Sébastien Leclerc. Les orientations de ce rapport augurent de la prochaine réforme de la justice que vous entendez conduire. Cela signifie que plus de la moitié des départements français vont perdre soit un tribunal de grande instance, soit le siège d'une cour d'appel.

M. Sébastien Jumel. Très juste !

M. Sébastien Leclerc. Après les fermetures des succursales de la Banque de France et des perceptions qui disparaissent par dizaines chaque année, après la fermeture de l'accès au public des sous-préfectures, entendez-vous poursuivre ainsi le démantèlement des services publics dans les territoires, en dehors des chefs-lieux de département ou de région ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. Christian Hutin et M. Sébastien Jumel . Très bien !

M. Sébastien Leclerc. Un tribunal, dans une ville moyenne comme Lisieux, c'est un accès facilité pour nos concitoyens, à une distance raisonnable, ce sont des magistrats, des personnels du ministère de la justice, plusieurs dizaines d'avocats, qui font également travailler des collaborateurs. Bref, c'est tout une économie des métiers du droit dont l'implantation même serait menacée en cas de fermeture.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Sébastien Leclerc. Et de grâce, monsieur le Premier ministre, ne reprenez pas à votre compte le slogan malhonnête qui figure dans le rapport remis à la garde des sceaux, où l'on tente de nous endormir en nous faisant croire qu'aucun site judiciaire ne fermera. Chacun comprend qu'un tribunal qui perdrait 80 % de ses attributions, même si l'on y maintenait ses compétences de base, n'aurait pas le même impact en termes de service public, ni en termes d'activité économique.

Mme Émilie Bonnivard. Très bien !

M. Erwan Balanant. C'est vous qui avez fermé les tribunaux !

M. Sébastien Leclerc. Monsieur le Premier ministre, vous venez déjà de demander d'énormes efforts à nos concitoyens qui vivent à la campagne et qui vont dépenser 500 euros de plus cette année pour aller travailler en voiture et pour chauffer leur maison. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)

Ma question est donc très simple : quelle suite entendez-vous donner à ce rapport ? Envisagez-vous vraiment de demander aux Français de faire plusieurs centaines de kilomètres, sur des routes limitées à 80 kilomètres à l'heure, en utilisant un carburant taxé à 90 %, simplement pour défendre leurs droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes UDI-Agir, NG, FI et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Thibault Bazin. …et de l'injustice territoriale !

Mme Émilie Bonnivard. Faites attention à vos propos, madame la ministre, vous êtes enregistrée !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, à votre excellente question, permettez-moi d'apporter les réponses suivantes.

Il est vrai que le rapport qui m'a été remis par M. Dominique Raimbourg et M. Philippe Houillon formule un certain nombre de propositions, qui sont le fruit d'une large consultation, fondée sur l'audition de plus de 200 personnes et l'exploitation de très nombreuses contributions écrites.

Ce sont des pistes de travail, sur lesquelles je vais m'appuyer pour formuler des propositions, qui seront soumises à concertation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.) Ces pistes de travail reposent sur le postulat que M. le Premier ministre et moi-même avions fixé, à savoir qu'aucun site, ni aucun tribunal ne seraient fermés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Mme Émilie Bonnivard. Mais vous les siphonnez !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Ainsi, monsieur le député, aussi bien à Caen qu'à Lisieux ou à Vire, vous conserverez un tribunal. Je tenais à le préciser ici.

Mme Émilie Bonnivard. La question n'est pas là !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Le rapport suggère de distinguer entre des « tribunaux judiciaires » – ce serait la nouvelle appellation – et des tribunaux judiciaires de proximité. Les premiers géreraient le contentieux complexe, celui qui exige de la collégialité et des juges spécialisés. Les seconds, qui resteraient implantés partout, géreraient pour leur part le contentieux du quotidien, comme les affaires familiales ou celles touchant les baux d'habitation, ainsi que le contentieux pénal simple.

Mme Émilie Bonnivard. C'est une arnaque !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Si je suivais les propositions du rapport, chaque tribunal conserverait donc du contentieux pénal et du contentieux civil. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

M. Erwan Balanant. Bravo !

Données clés

Auteur : M. Sébastien Leclerc

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2018

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