Reste à charge du RSA : compensation intégrale ou recentralisation
Question de :
Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Huguette Bello alerte Mme la ministre des outre-mer sur la distorsion grandissante entre les dépenses supportées par les départements au titre des allocations individuelles et solidarité, au premier lieu desquelles le RSA, et les compensations versées par l'État. Pour La Réunion, le reste à charge cumulé est estimé à 1,2 milliards d'euros et contraint le département à suppléer sur ses fonds propres au manquement de l'État et ce au détriment de ses actions de prévention, d'insertion et d'accompagnement auprès des plus fragiles. Les différents fonds successifs n'ont pas réussi à inverser cette tendance et il est à craindre qu'il en soit de même pour le fonds national créé par l'article 261 de la loi de finances pour 2019 et pour le nouveau fonds de péréquation horizontale à l'œuvre à l'échelle départementale. C'est pourquoi, ainsi que le souhaitent l'unanimité des conseillers départementaux de La Réunion, comme le permet la Constitution et le suppose le principe de solidarité nationale, elle lui demande de mettre à l'étude le processus de recentralisation du RSA vers l'État comme en Guyane et à Mayotte.
Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019
RESTE À CHARGE DU RSA À LA RÉUNION
M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour exposer sa question, n° 532, relative au reste à charge du revenu de solidarité active à La Réunion.
Mme Huguette Bello. Avec l'article 261 de la loi de finances pour 2019, le Gouvernement a voulu prendre en compte les conséquences de la distorsion grandissante entre les dépenses supportées par les départements en matière d'allocations individuelles de solidarité, au premier lieu desquelles le RSA, et les compensations versées par l'État. En 2017, le reste à charge est chiffré à 9 milliards. Toutefois, outre que le fonds de stabilisation sera alimenté pour une bonne part – 135 millions sur 250 millions – par des ressources destinées au fonds de lutte contre la pauvreté, dont les objectifs sont tout autres, il s'agit d'une solution provisoire qui laisse entier le problème du reste à charge et donc de l'application du principe de solidarité nationale. Elle est aussi en deçà de la solidarité horizontale entre les départements, matérialisée par le nouveau fonds de soutien interdépartemental.
Pour La Réunion, où la dette cumulée de l'État est évaluée à 1,2 milliard, les chances sont faibles de voir ces nouvelles dotations provoquer un retournement voire une stabilisation du reste à charge, dont le montant par habitant est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Année après année, le département est contraint de suppléer sur ses fonds propres aux manquements de l'État, au détriment de ses actions de prévention, d'insertion et d'accompagnement auprès de nos concitoyens les plus fragiles. La baisse drastique des contrats aidés en 2018 s'est traduite par une forte augmentation du chômage – plus 2,2 % contre moins 1,4 % au niveau national – et se répercute sur les demandes de RSA. Pour sortir du paradoxe où ce sont les départements comptant le plus de pauvres, qui sont les plus pénalisés, deux scénarios sont possibles : la compensation intégrale, qui représente la moitié des deux fonds créés, ou la recentralisation du RSA vers l'État, comme le permet la Constitution. En décembre, les conseillers départementaux de La Réunion ont plaidé, de manière unanime, pour la deuxième formule.
Madame la ministre des outre-mer, le Gouvernement va-t-il mettre à l'étude le processus de recentralisation du RSA vers l'État, comme en Guyane et à Mayotte ? Comment comptez-vous réagir face à la hausse du chômage à La Réunion, que l'on ne retrouve nulle part ailleurs en France ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame Bello, le Président de la République a annoncé la recentralisation du RSA pour la Guyane lors de son déplacement dans ce département, en octobre 2017 ; la même mesure a ensuite également été prise pour Mayotte. Cette décision répond à la situation singulière des deux territoires. Comme vous le soulignez, d'autres départements d'outre-mer ont fait la demande d'en bénéficier, notamment La Réunion – j'ai abordé la question lors de mon dernier déplacement sur l'île. En Guyane et à Mayotte, après avoir recentralisé le RSA, l'État souhaite en confier la gestion aux caisses d'allocations familiales, en lieu et place des collectivités concernées. Vous le savez, le Président de la République avait évoqué l'idée de recentraliser le RSA dans l'ensemble des départements, mais les départements métropolitains s'y sont opposés.
Je me suis battue pour que la réflexion soit menée pour les territoires d'outre-mer et je suis heureuse que la décision ait été prise pour la Guyane et Mayotte, les deux territoires français d'outre-mer les plus pauvres. Je connais aussi les difficultés de La Réunion. Le Président de la République, vous le savez, s'est engagé à débattre d'une réforme du système des prestations versées aux ménages modestes, et le processus est en cours. Fabrice Lenglart, qui a été nommé, le 24 janvier, rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité, doit nous apporter, d'ici à 2020, des réponses pour réorganiser les prestations. C'est dans ce cadre que je souhaite évoquer la question de la recentralisation du RSA pour La Réunion.
M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.
Mme Huguette Bello. Madame la ministre, merci pour votre réponse. Vous savez que la situation de La Réunion est spécifique, hors normes. Le tableau du RSA par département montre qu'en valeur relative, c'est là où les bénéficiaires du RSA sont les plus nombreux : 110 344 pour 840 000 habitants. Le département le plus peuplé de France, le Nord, pour 2,6 millions d'habitants, n'en compte que 127 000. Notre situation étant particulière, je souhaite que le travail en vue de recentraliser le RSA pour La Réunion soit mené dans les meilleurs délais.
Auteur : Mme Huguette Bello
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019