Production de biodiesel français
Question de :
Mme Séverine Gipson
Eure (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Séverine Gipson attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation de l'usine SAIPOL basée à Grand-Couronne en Normandie et plus largement, sur la filière de biodiesel français. À l'image des sites de production de biodiesel au niveau national, SAIPOL se trouve être également confrontée à l'importation de biodiesel d'Argentine, vendu à un prix inférieur à la matière première. En effet, la réouverture du marché européen au biodiesel de soja argentin et au biodiesel d'huile de palme indonésien touche directement la production française. En septembre 2017, la Commission européenne a pris la décision de lever les droits antidumping sur les importations de biodiesel argentin. En l'absence de contre-mesure efficace, la filière française ne sera pas à même de faire face à cette concurrence déloyale, d'autant plus que les droits antidumping de l'Union européenne sur le biodiesel indonésien (huile de palme) pourraient eux aussi être réduits. Par ailleurs, la Commission européenne entend, dans le cadre d'un projet de révision de la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED-II) en cours de discussion, réduire de moitié entre 2020 et 2030 la part des biocarburants conventionnels dans les transports. Celle-ci serait alors fixée à un maximum de 3,8 % en 2030, alors qu'en France elle atteint actuellement jusqu'à 7 %. Enfin, le développement sur le marché européen des huiles végétales hydro traitées (HVO) pour la production de biodiesel s'accélère, favorisé par le développement des importations à moindre coût d'huile de palme et l'ouverture prochaine d'une unité de production de biodiesel HVO à La Mède (Bouches-du-Rhône). Ces décisions ont un impact direct sur les sites de production français de biodiesel et elle a pu le constater à Grand-Couronne lors de sa visite. Ainsi, au niveau national, 230 des 600 employés de SAIPOL sont directement menacés et concernant l'usine de Grand-Couronne, elle fera face à une mesure de chômage partiel de mars à fin août 2018, ce qui veut dire que l'usine produira à 70 % de ses capacités et que 17 emplois sont directement menacés. Plus largement, ce sont tous les sites de production français qui sont impactés ; en effet, à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), l'usine sera à 15 % de ses capacités ; pire encore, à Sète (Hérault), il n'y aura plus d'activité pendant six mois. C'est donc toute une filière qui souffre et rien que dans l'Eure et la Seine-Maritime, cette dernière représente des centaines d'emplois et 78 000 hectares de colza visant à produire des complétements alimentaires pour le bétail et donc du biodiesel. Cette filière attend une réponse de la part du Gouvernement et c'est pourquoi elle lui demande quelles décisions pourraient être prises afin de préserver la production française de biodiesel et les emplois de cette filière.
Réponse publiée le 21 mai 2019
Les producteurs français de biodiesel ont manifesté leurs inquiétudes face à la recrudescence des importations de ce biocarburant en provenance d'Argentine. Cette hausse des exportations s'explique, notamment, par la baisse en septembre 2017 des droits antidumping européens en vigueur depuis 2013, à la suite d'un contentieux perdu par l'Union européenne (UE) devant l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Au regard des conséquences sur l'industrie européenne, et notamment en France sur la société Saipol, l'Association de l'industrie européenne du biodiesel (European Biodiesel Board - EBB), a déposé une plainte qui a débouché sur l'ouverture d'une enquête par la Commission européenne le 31 janvier 2018. Suite à cette enquête les représentants des États membres de l'UE réunis le 30 janvier 2019 au sein du comité des instruments de défense commerciale ont approuvé à une large majorité la proposition de la Commission européenne concernant le paquet de mesures anti-subventions contre les importations de biodiesel argentin. Les exportateurs argentins s'engagent à limiter les volumes vendus dans l'UE (à 10 % du volume moyen du marché européen aux cours des dernières années soit environ 1,2Mt) avec un prix minimal à l'importation. Au-delà de ce niveau d'importation, le droit compensateur initialement prévu sera appliqué. Par ailleurs, la directive RED-II publiée en décembre 2018 prévoit de conserver la limite de 7 % de biocarburants de première génération en compétition avec un usage alimentaire jusqu'en 2030. Le coût de production des huiles hydrotraitées (HVO) est supérieur à celui de l'éthanol ou des esthers méthyliques d'acides gras (EMAG produits notamment à partir de colza). L'entrée en service de la bioraffinerie de la Mède créera donc peu de concurrence avec les produits issus de l'agriculture française, et devrait au contraire permettre de substituer des produits fabriqués sur le territoire français à des produits qui étaient auparavant importés sous forme de produits finis. Le président directeur général de Total s'est par ailleurs engagé à utiliser au moins 50 000 tonnes de colza français dans son plan d'approvisionnement, soutenant ainsi directement l'agriculture française. L'incorporation des biocarburants est soutenue par la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB) imposée aux fournisseurs de carburant. L'objectif d'incorporation a augmenté au 1er janvier 2019 aussi bien dans le diesel que dans l'essence, ce qui constitue un soutien fort à la production. Certains carburants contenant une large part de biocarburants comme le B100, l'E85 ou l'ED95 bénéficient également d'une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) très réduite. Le Gouvernement est fortement mobilisé sur ces enjeux tant dans le cadre des discussions nationales que dans celui des discussions européennes, et encourage le développement des filières et des pratiques les plus vertueuses, fondées notamment sur les principes de l'économie circulaire, afin d'avoir le moins d'impact sur l'environnement et de limiter la compétition avec l'usage alimentaire. La Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée prévoit notamment de travailler au renforcement des critères de durabilité et de traçabilité pour les biocarburants. Le Gouvernement a par ailleurs demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée. La défense commerciale est une priorité européenne, dans le cadre de l'agenda présidentiel sur l'« Europe qui protège ».
Auteur : Mme Séverine Gipson
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 13 février 2018
Réponse publiée le 21 mai 2019