15ème législature

Question N° 534
de M. Dominique Da Silva (La République en Marche - Val-d'Oise )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > droits fondamentaux

Titre > agressions antisémites

Question publiée au JO le : 01/02/2018
Réponse publiée au JO le : 01/02/2018 page : 673

Texte de la question

Texte de la réponse

AGRESSIONS ANTISÉMITES


M. le président. La parole est à M. Dominique Da Silva, pour le groupe La République en marche.

M. Dominique Da Silva. Ma question s'adresse au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre d'État, lundi dernier, en début de soirée, à Sarcelles, un garçon de huit ans qui se rendait à un cours de soutien scolaire a été lâchement agressé, frappé au sol par de jeunes adolescents, sans que ceux-ci ne lui dérobent rien. La seule raison de cet acte odieux, c'est la confession juive de l'enfant – c'est parce qu'il portait une kippa !

À ce stade, le parquet de Pontoise a retenu le mobile antisémite. Mais déjà, le 10 janvier dernier, à Sarcelles encore, une lycéenne juive de quinze ans, qui revenait de son lycée confessionnel du Raincy, en Seine-Saint-Denis, a vu un inconnu lui entailler la joue, sans rien dire, sans rien lui dérober.

Comme l'a rappelé le Président de la République cette nuit, « chaque fois qu'un citoyen est agressé en raison de son âge, de son apparence ou de sa confession, c'est toute la République qu'on agresse ».

Monsieur le ministre d'État, vous l'avez vous-même rappelé jeudi dernier, depuis le début de l'année 2018, on voit se multiplier à nouveau les actes antisémites. Vous l'avez souligné, ceux-ci portent atteinte aux principes qui font l'unité de notre nation.

Monsieur le ministre d'État, je vous interpelle de manière très claire. Ces actes ne sont pas anodins ni isolés. Faut-il rappeler les faits de Bagneux, de Toulouse ou de Paris ? Au-delà de la violence des faits commis, j'y vois aussi une remise en question de notre intégration républicaine, notamment quand des enfants s'en prennent à d'autres enfants.

Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous assurer que tous les moyens sont utilisés par le Gouvernement pour lutter contre l'antisémitisme et contre toutes les formes de violence raciste ou xénophobe qui menacent la cohésion nationale ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, lorsqu'on envisage l'action du Gouvernement en matière de lutte contre l'antisémitisme, il convient de le faire avec détermination et humilité.

Avec humilité, parce que le combat est ancien, qu'il est difficile et que vous et moi savons qu'il durera longtemps. Si l'expression de la détermination est indispensable, la conscience de l'humilité ne l'est pas moins.

Pourtant, il faut être déterminé, et nous le sommes. Nous ne pouvons pas accepter que des Français s'en prennent à d'autres Français en raison de leurs convictions religieuses. Nous ne pouvons pas accepter qu'un enfant de huit ans soit agressé en raison de signes extérieurs qui disent ses convictions religieuses. Il s'agit d'une agression antisémite – c'est en tout cas la qualification que le parquet a retenue.

Monsieur le député, je veux dire, en plein accord avec l'ensemble de la représentation nationale, j'en suis sûr, que nous souhaitons que la justice passe, et qu'elle passe bien entendu avec sévérité.

Hier, dès que nous avons appris l'agression, le ministre de l'intérieur a demandé au délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme de se rendre sur place, de rencontrer l'ensemble des acteurs locaux qui, émus, choqués et en colère après cet acte, voulaient exprimer leurs angoisses, et d'imaginer quelles solutions pourraient être trouvées. J'ai moi-même eu tout à l'heure au téléphone le président de l'Union des communautés juives du Val-d'Oise, qui m'a fait part, dans des termes très clairs, bien que retenus, à la fois de son émotion et de sa colère.

Je l'ai dit en décembre : j'annoncerai dans quelques semaines, à l'occasion de la semaine d'éducation et d'actions contre le racisme et l'antisémitisme, le contenu du nouveau plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Ce plan, je le veux large et ambitieux.

Lutter contre le racisme et l'antisémitisme, c'est avoir le courage de nommer les choses, de reconnaître qu'il existe bien une nouvelle forme d'antisémitisme violente et brutale, qui s'exprime de façon de plus en plus ouverte sur notre territoire.

Lutter contre le racisme et l'antisémitisme, c'est évaluer de manière précise et transparente ce qui est accompli dans le cadre de cette lutte, les résultats qu'elle produit. J'ai demandé à deux inspections générales de l'État un rapport d'évaluation sur ce qui avait été fait jusqu'à présent. Ces rapports seront bien évidemment publics ; nous n'avons rien à gagner à ne pas communiquer directement sur le contenu de nos politiques et leurs résultats.

Lutter contre le racisme et l'antisémitisme, c'est agir pour assurer avec la plus grande détermination l'effectivité des principes républicains ; c'est agir en matière de prévention – le combat sera long ; c'est aussi agir en matière judiciaire et en matière pénale. Il existe au Royaume-Uni, notamment, la possibilité pour celui qui porte plainte de qualifier lui-même l'infraction. La justice est ensuite libre de retenir ou non cette qualification, cela va sans dire. Cela n'existe pas en France, où c'est à l'agent qui prend la plainte de procéder à la qualification. J'ai demandé que l'on évalue la portée de cette possibilité qui pourrait être offerte. Nous allons réfléchir sur le sujet et examiner dans quelle mesure cela permettrait de mieux identifier et de mieux reconnaître le caractère antisémite d'une agression – ce qui est parfois au cœur de la première polémique, au cœur des premières incompréhensions.

Le travail sera long, monsieur le député, vous le savez – nous le savons tous. Beaucoup avant nous ont agi avec, je crois, une immense bonne foi et une immense détermination, mais nous devons aller encore plus loin. Sachez, monsieur le député, mesdames et messieurs les députés, qu'en la matière, la détermination du Gouvernement est totale. (Applaudissements sur tous les bancs.)