Suppression de 140 postes par l'entreprise CKB TE CONNECTIVITY
Question de :
Mme Sylvie Tolmont
Sarthe (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Sylvie Tolmont attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la suppression projetée de 140 postes et le plan de sauvegarde de l'emploi subséquent annoncé par l'entreprise CKB TE CONNECTIVITY. Cette entreprise constitue un centre d'excellence mondial du groupe TE pour ses deux branches d'activités : le ferroviaire, avec des clients historiques tels que la SNCF, la RATP et ALSTOM, et l'offshore. Cette entreprise a, par le passé, rencontré des difficultés. En effet, en 2015, elle a fait l'objet d'un plan de départ volontaire. Puis, en 2016, un chômage partiel pour l'activité offshore a été mis en place pour l'ensemble de l'année. Toutefois, depuis 2018, cette société présentait des indicateurs d'activité tout à fait positifs : accroissement d'activité, conclusion et maintien de contrats avec les leaders en matière de transport, embauches en CDI, CDD et recrutement de plusieurs intérimaires, développement de produits innovants en partenariat avec de grandes sociétés telles que SIEMENS et KAWAZAKI, investissement à hauteur de plus d'un million d'euros injectés dans le secteur de l'usinage. Autant de motifs d'espérance pour les salariés, lesquels étaient maintenus dans la croyance, à l'occasion des dernières négociations annuelles obligatoires et de la dernière réunion trimestrielle de novembre 2018, que leur entreprise s'était finalement remise sur les rails. L'annonce du plan de sauvegarde de l'emploi, le jeudi 10 janvier 2019, est alors tombée comme un imprévisible couperet, laissant les salariés dans un état de sidération, d'incompréhension et de colère. Sur 161 postes en CDI, 140 postes sont portés à disparaître, laissant envisager, à terme, la fermeture définitive du site. Il est annoncé que l'activité ferroviaire serait délocalisée en Pologne. Au-delà de la tragédie que cette suppression représente pour ces salariés, c'est aussi une catastrophe pour le territoire de la Sarthe, lequel doit déjà faire face à la mise en redressement judiciaire des deux usines d'Arjowiggins et au risque de la suppression de plus de 800 emplois, à défaut de repreneur. La fermeture de la société CKB TE CONNECTIVITY impactera des sociétés en lien commercial avec cette dernière : sociétés de transport, de fabrication de produits métalliques, de traitement de surface dans l'industrie. Elle dégradera également l'attractivité économique et sociale de ce territoire. Pourtant, la décision de fermeture ne semble reposer sur aucune difficulté économique rigoureusement établie et semble plus relever d'une stratégie d'optimisation des bénéfices, sans considération aucune pour la situation des salariés et la pérennité économique du territoire. À cet égard, TE CONNECTIVITY a pourtant reçu des aides publiques, notamment au travers d'une prime d'activité du territoire de 700 000 euros, que les collectivités, la région des Pays-de-la-Loire, le département de la Sarthe et Le Mans Métropole, ont accompagné. L'entreprise, étant dans l'incapacité de rembourser à la région Pays-de-la-Loire 50 % du montant de l'aide qu'elle avait reçue d'elle, soit 82 500 euros, compte tenu des difficultés rencontrées sur la branche d'activité offshore, a bénéficié d'un abandon de cette créance. Aussi, malgré l'incapacité pour l'entreprise de tenir ses engagements, la région a décidé l'abandon de cette créance pour « tenir compte des investissements réalisés et de l'implication financière du groupe TE CONNECTIVITY pour le maintien du site sarthois ». Aussi, elle l'interroge sur les mesures urgentes que le Gouvernement compte prendre afin d'apporter une solution respectueuse des intérêts des salariés et du territoire impactés. Elle l'interroge spécifiquement sur les intentions du Gouvernement pour que les entreprises répondent, également devant les collectivités qui l'ont soutenue, de leur décision de délocalisation et de suppression de l'emploi.
Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019
ENTREPRISE CKB TE CONNECTIVITY
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour exposer sa question, n° 557, relative à l'entreprise TE Connectivity.
Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le secrétaire d'État chargé du numérique, je salue votre présence, mais permettez-moi de regretter l'absence de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, que j'ai saisi dès le 11 janvier du sujet qui m'amène devant vous, par un courrier resté à ce jour sans aucune réponse.
Le 10 janvier dernier, les salariés de l'entreprise TE Connectivity, leader de l'industrie connectique, située à Allonnes, dans ma circonscription, ont appris brutalement et contre toute attente, la mise en œuvre d'un PSE – plan de sauvegarde de l'emploi – et la suppression de 140 emplois sur un effectif de 161 salariés, ce qui nous laisse envisager à terme la fermeture du site et la délocalisation des activités en Pologne et au Texas.
Cette société présente pourtant, en particulier depuis 2018, des indicateurs d'activité très positifs : un carnet de commandes qui augure de bons résultats, le maintien et l'accroissement de nombreux contrats avec des leaders en matière de transport, comme la SNCF, la RATP et Alstom, et le développement de produits innovants en partenariat avec de grandes sociétés comme Siemens et Kawasaki. De plus, sa bonne santé financière a été consolidée par des embauches récentes en CDD et en CDI, ainsi que par le recrutement d'intérimaires, et par un investissement récent à hauteur de plus d'1 million d'euros injectés dans le secteur de l'usinage. Autant de motifs d'espérance pour les salariés, lesquels étaient encore maintenus récemment dans la croyance que leur entreprise, dont les voyants étaient au vert, s'était finalement remise sur les rails.
L'annonce de ce plan est donc totalement incompréhensible, voire scandaleuse. Celui-ci semble relever davantage d'une stratégie d'optimisation des bénéfices, venant d'un groupe américain qui emploie 90 000 personnes dans le monde entier et a choisi, je le précise, d'installer son siège social en Suisse. J'ajoute que ce groupe a bénéficié du soutien de collectivités territoriales – région des Pays de la Loire, département de la Sarthe, Le Mans Métropole – à hauteur de 700 000 euros. Au-delà du sort de l'entreprise, cette fermeture représente la perte d'un savoir-faire qui fait de ce site un pôle d'excellence reconnu par les grands donneurs d'ordres, assez mécontents de cette délocalisation.
Quelles mesures urgentes le Gouvernement entend-il prendre pour soutenir les intérêts des salariés de TE Connectivity et préserver le savoir-faire de cette entreprise ? Que comptez-vous entreprendre pour que des entreprises de ce type cessent enfin de se comporter en prédatrices et répondent devant les collectivités qui les ont soutenues de leurs décisions de délocalisation et de suppression d'emplois ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique. Madame Tolmont, Bruno Le Maire, qui n'a pas pu être présent ce matin, vous présente ses excuses et m'a demandé de vous répondre à sa place.
Vous avez souvent abordé la situation bien connue de la société TE Connectivity, dont nous parlons régulièrement. Celle-ci, vous l'avez dit, a engagé sur son site d'Allonnes, dans la Sarthe, un plan de sauvegarde de l'emploi concernant 140 des 161 emplois, ce qui, malheureusement, annonce certainement la fermeture complète du site.
Vous nous avez également interrogés à juste titre sur les aides qui lui ont été versées. Quoi de plus inacceptable en effet qu'une telle fermeture, alors que l'État et les collectivités se sont mobilisés pour financer un beau projet comme celui de 2018 et l'accompagner dans la durée ?
Je tiens à vous le dire, nous déplorons avec vous que l'entreprise TE Connectivity, qui a bénéficié du soutien local et de celui de partenaires économiques situés dans la région et à travers la France, ait fait le choix de mettre fin à ses activités de fabrication en France pour les délocaliser en Pologne. Nous ne pouvons que le déplorer mais nous n'avons pas de moyens d'action pour le condamner.
Nous pouvons néanmoins nous mobiliser sur les conditions dans lesquelles s'opère cette fermeture.
Le ministre de l'économie et des finances a demandé aux services du ministère du travail de faire preuve de la plus grande vigilance quant au strict respect par la société des procédures sociales, en veillant particulièrement à la qualité des mesures d'accompagnement pour les salariés concernés. Vous le savez déjà pour les avoir rencontrées, les équipes, sur place, sont très mobilisées.
Concernant la prime à l'aménagement du territoire de 700 000 euros, qui avait été versée en 2008, comme vous l'avez rappelé, une procédure est en cours. Le non-respect par l'entreprise de ses obligations a été constaté, et l'État est pleinement mobilisé pour s'assurer du remboursement le plus complet possible des sommes versées, y compris aux collectivités qui auraient déjà renoncé à une part de cette dette compte tenu des investissements que l'entreprise devra réaliser dans le cadre de sa délocalisation.
Les deux sites d'Arjowiggins, quant à eux sont en redressement judiciaire, l'actualité nous le rappelle régulièrement. Les représentants locaux de l'État mettent tout en œuvre pour identifier des repreneurs dans les meilleurs délais. Le seul espoir est en effet de trouver un repreneur de qualité, condition du maintien des emplois sur le territoire. C'est à cette fin que nous sommes pleinement mobilisés.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont.
Mme Sylvie Tolmont. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Des actions sont effectivement menées actuellement concernant le site d'Arjowiggins. Il n'en reste pas moins que, s'agissant de TE Connectivity, le Gouvernement fait un aveu d'impuissance. En retournant dans ma circonscription, je vais devoir dire aux 140 salariés, qui comptent sur nous, que le Gouvernement est démuni face à de grands groupes qui détruisent des emplois sur nos sites.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Sylvie Tolmont. Comme je vous l'ai dit, outre les 140 familles de salariés de l'entreprise, tous ses sous-traitants se trouvent également en difficulté, ce qui porte à 200 le nombre de suppressions d'emplois. C'est très dommageable pour l'économie du territoire.
Auteur : Mme Sylvie Tolmont
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019