Protéger l'agriculture gardoise contre la concurrence déloyale
Question de :
M. Gilbert Collard
Gard (2e circonscription) - Non inscrit
M. Gilbert Collard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des agriculteurs du Gard et plus généralement d'Occitanie qui n'épargnent pas leurs efforts afin de concourir à la rentabilité de leurs exploitations, qui leur permet de vivre de leur labeur mais aussi d'investir. Leur principal problème, c'est le maintien de leur compétitivité, entre autres dans le secteur viti-vinicole. M. le député avait déjà saisi M. le ministre, à travers deux questions écrites et le dépôt d'une proposition de loi, de la concurrence déloyale dont les agriculteurs sont victimes. Concurrence déloyale d'abord quant aux produits phytosanitaires dont sont gavés certains produits importés, alors que l'utilisation est interdite en France. Concurrence déloyale également du fait des étiquetages trompeurs de certains produits commercialisés par la grande distribution. Donc les exploitants agricoles ont vivement réagi sur un volet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. En effet le projet initial comportait des dispositions catastrophiques induites par la suppression des dispositifs d'exonération de charges pour les employeurs agricoles de travailleurs saisonniers. Heureusement, grâce à l'écoute de M. le ministre, ce dispositif a été graduellement atténué pour 2019, ainsi que pour 2020. Il n'en reste pas moins que le manque à gagner, d'ailleurs admis par le Gouvernement lui-même, va se chiffrer pour la seule année 2019 à 39 millions d'euros au niveau national et à 6 millions d'euros pour la région Occitanie. Comme M. le ministre le sait, l'ensemble des interprofessions souhaite que des dispositions compensatoires viennent combler ce manque à gagner : les exploitants ont besoin de vivre et d'investir. Pour ce faire, ils doivent faire face à une concurrence étrangère qui n'est pas toujours loyale. Il lui demande donc quels sont les moyens financiers compensatoires qu'il souhaite mobiliser pour renforcer la compétitivité d'un secteur clé de l'économie régionale.
Réponse en séance, et publiée le 30 janvier 2019
CONCURRENCE VIS-À-VIS DE L'AGRICULTURE GARDOISE
M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, pour exposer sa question, n° 561, relative à la concurrence déloyale vis-à-vis de l'agriculture gardoise.
M. Gilbert Collard. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, ma question porte sur un sujet que vous connaissez bien et dont vous vous êtes déjà préoccupé, en répondant à une de mes questions écrites, ce dont je vous remercie : les concurrences déloyales techniques dont sont victimes les agriculteurs et les représentants de la filière vitivinicole gardoise, et plus généralement ceux d'Occitanie.
Cette concurrence déloyale porte tout d'abord sur les produits phytosanitaires, dont certaines marchandises importées sont gavées alors que leur utilisation est interdite en France. Je pense essentiellement, vous l'avez compris, aux vins espagnols, qui profitent des interdictions frappant les produits français en enfreignant ces dernières.
La concurrence déloyale réside aussi dans l'étiquetage trompeur de certains produits commercialisés par la grande distribution. Dans le Gard, on voit des vins espagnols portant des étiquettes évoquant les plus belles régions de Camargue ou du Gard ! Il s'agit là d'une tromperie, pour ne pas dire d'une escroquerie sur le produit, qui n'a rien de poétique.
La concurrence déloyale intervient enfin sur le plan social, avec la réforme des travailleurs saisonniers, issue de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
Bien que ma question paraisse simple, il est difficile, je le sais, d'y répondre dans le contexte actuel : quels moyens financiers, juridiques ou techniques le Gouvernement peut-il mettre en œuvre pour lutter contre les conséquences néfastes de cette concurrence déloyale, technique ou juridique, qui conduit le peuple des travailleurs de la terre du Gard à une très grande colère ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je vous remercie pour votre question, monsieur Collard, car elle me permettra de préciser la position du Gouvernement.
Nous reconnaissons que la concurrence déloyale comme le dumping fiscal et social sont réels. Je l'ai dit dans cet hémicycle lors du débat sur le projet de loi de finances, et je le répète sans difficulté ce matin.
En revanche, je ne sais pas si le Gouvernement apportera la réponse que vous souhaitez car nos positions divergent. Pour le Gouvernement, résoudre le problème requiert une Europe plus intégrée, plus forte, une Europe qui harmonise les politiques sociales. Si l'Europe était éclatée, la concurrence serait encore plus déloyale, sachez-le.
C'est pourquoi il faut améliorer les modèles sociaux. S'agissant de la concurrence sociale et des travailleurs saisonniers, il avait été évoqué de supprimer le dispositif des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi – TODE. Après avoir écouté la majorité, j'ai beaucoup insisté pour que cette mesure soit réintroduite. Je peux vous dire que le bilan est largement positif pour l'ensemble de l'agriculture française. La viticulture gardoise, en particulier, enregistrera finalement un bénéfice supplémentaire de 90 000 euros en 2019. De plus, les nombreux viticulteurs de votre région, qui emploient des travailleurs permanents, sont gagnants puisque les charges sur les salaires ont baissé.
La réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, que vous avez évoquée, est indispensable, comme l'est celle des antibiotiques dans l'élevage. Les agriculteurs, quelle que soit leur orientation, vont désormais dans cette direction, pour plusieurs raisons. D'abord, c'est une demande sociétale irréversible : nos concitoyens nous demandent des produits de meilleure qualité, contenant moins de produits phytosanitaires. Ensuite, les agriculteurs, qui vivent à la campagne, sur la terre, savent qu'une grande partie de nos sols sont appauvris, ne captent plus l'azote et ne permettent plus la rotation des cultures. Aussi, nous devons aller dans cette direction.
Évidemment, cela peut conduire à une difficulté : voir des produits importés concurrencer les nôtres. Ainsi, lorsque, voici trois ans, la France a interdit le diméthoate, les cerises ne pouvaient plus être traitées dans la Drôme, comme chez vous, monsieur le député, alors que des cerises espagnoles, traitées à ce produit, entraient en France. C'est de tout cela dont nous devons nous préoccuper. Hier encore, à Bruxelles, lors du conseil des ministres de l'agriculture, nous avons évoqué la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, ainsi qu'une organisation différente de la PAC, la politique agricole commune.
S'agissant de l'étiquetage des produits viticoles, la situation que vous décrivez pour certains produits importés est inacceptable. Nous avons évoqué ce sujet hier et, à sa quasi-unanimité, le conseil des ministres de l'agriculture a refusé l'entrée de nouvelles formes de vins. L'Union européenne, les ministres de l'agriculture et la Commission européenne renforceront encore leur vigilance sur ce point, qui est une tromperie pour le consommateur.
Nous avons besoin de défendre notre culture, notre viticulture, notre agriculture, notre maraîchage et notre arboriculture, et nous nous en donnerons encore plus les moyens.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard.
M. Gilbert Collard. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre réponse, qui contenait des arguments très sages et très recevables. Nous sommes pourtant bien obligés de reconnaître, si l'on a le diplôme du BSP – le bon sens paysan –, que l'Europe actuelle, en attendant ce qu'elle donnera demain, permet d'escroquer facilement nos agriculteurs et nos viticulteurs.
Auteur : M. Gilbert Collard
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2019