Personnes souffrant d'illettrisme
Publication de la réponse au Journal Officiel du 12 juin 2018, page 5085
Question de : M. Jean-Luc Mélenchon (Provence-Alpes-Côte d'Azur - La France insoumise)
M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les conditions de vie des personnes souffrant d'illettrisme en France. L'illettrisme consiste en une maîtrise gravement insuffisante des compétences de base empêchant les personnes en étant caractérisées d'être autonome dans le cadre de la vie quotidienne. Suivant l'étude nationale Information et vie quotidienne (IVQ) publiée par l'INSEE en 2012, près de 2,5 millions de Français étaient concernés par l'illettrisme en 2011, soit 7 % de la population âgées de 18 à 65 ans, ce qui représente cependant une baisse par rapport aux données de 2004. Ce sujet avait par ailleurs été porté en grande cause nationale en 2013, coordonné par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, ce qui avait abouti à une forte publicisation des enjeux de l'illettrisme ainsi qu'aux assises nationales et européennes de l'illettrisme. Toutefois, cette diminution salutaire du nombre de personnes souffrant d'illettrisme et la forte mobilisation autour de cette cause cachent une réalité invraisemblable dans la République française où l'école est gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans. D'après les données recueillies lors des Journée défense et citoyenneté (JDC), une diminution du nombre de jeunes en situation d'illettrisme entre 2010 et 2014 est observée, tendance qui s'inverse à compter de 2015 avec en moyenne un jeune sur dix en grande difficulté dans les compétences de base. De plus, ces difficultés sont géographiquement inégales, les jeunes des territoires d'outre-mer sont les plus touchés par les grandes difficultés en lecture avec un pourcentage de 35 % en Martinique, ou encore de 48,06 % en Guyane quand la moyenne nationale est de 10,8 %. Aussi, les catégories les plus précaires sont les plus sujettes à ces difficultés, c'est ainsi près de 20 % des allocataires du RSA qui sont en situation d'illettrisme, soit trois fois plus que l'ensemble de la population. Quant aux demandeurs d'emplois, 10 % d'entre eux sont concernés. L'illettrisme concerne donc les catégories de populations les plus défavorisées, il apparaît dès lors d'autant plus complexe pour les citoyens affectés au quotidien par cet état de fait de s'insérer convenablement dans la société. Il lui demande donc quelles seront les mesures prises, premièrement pour poursuivre les efforts en matière de lutte contre l'illettrisme, et dans un second temps pour tenter d'endiguer les inégalités perceptibles entre la métropole et ses départements d'outre-mer.
Réponse publiée le 12 juin 2018
En donnant la priorité à l'école primaire et à la maîtrise des savoirs fondamentaux - lire, écrire, compter, respecter autrui - à l'issue de l'école primaire, le Gouvernement a placé au cœur de son action éducative, dès son installation, la lutte contre les inégalités et contre l'illettrisme. Cette lutte passe d'abord et avant tout par la prévention, grâce à un apprentissage du français qui permette à tous d'acquérir une maîtrise suffisante et durable de la lecture et de l'écriture. Ainsi, le dédoublement des classes de CP dans les écoles de REP+ dès la rentrée 2017 est une réforme structurelle, qui permet dès à présent un meilleur accompagnement des élèves des zones fragiles au moment délicat et crucial de l'entrée dans la lecture et dans l'écriture afin d'atteindre l'objectif de 100 % de réussite dans la maîtrise de ces fondamentaux. Cette disposition sera étendue à la rentrée 2018 aux CE1 de REP+ et aux CP de REP, puis en 2019 aux CE1 de REP. Or, la totalité des écoles de Mayotte, la quasi totalité des écoles de Guyane, plus de la moitié des écoles de Martinique et de La Réunion et un peu moins d'un tiers des écoles de Guadeloupe relèvent des réseaux REP ou REP+, ce qui implique que cette réforme aura un impact important sur les territoires ultramarins. En parallèle, le ministère met en place une véritable mobilisation pédagogique en faveur de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture et, plus généralement, de la maîtrise du français. L'école maternelle joue un rôle fondamental dans la relation de l'enfant au langage, à la culture de l'écrit, au livre et pour compenser les différences dans l'acquisition du vocabulaire et le développement du langage oral, souvent liées aux différences et inégalités sociales et culturelles entre les familles. Elle doit être, plus encore qu'aujourd'hui, une véritable école du langage, en proposant un travail régulier sur l'acquisition du vocabulaire et la découverte du principe alphabétique ainsi que sur l'écoute et la compréhension de textes lus par l'adulte, chantés par les enfants, afin de préparer l'apprentissage de la lecture en classe de CP. Les assises de la maternelle, qui se sont déroulées les 27 et 28 mars derniers, ont constitué une première étape dans cette perspective ; elles ont notamment été l'occasion d'annoncer l'extension de l'instruction obligatoire dès 3 ans, pour mieux marquer l'importance de l'école maternelle dans la réussite scolaire des élèves. De plus, les évaluations conçues par le Conseil scientifique mis en place auprès du ministre sont des outils au service des progrès des élèves, pour permettre aux enseignants de repérer au plus tôt les difficultés de certains, particulièrement en lecture, d'ajuster leur enseignement en conséquence et de l'adapter à chacun. Elles concernent déjà pour cette année scolaire tous les élèves en début de CP et de 6ème, et en REP les élèves de classe de CP en milieu d'année, à titre expérimental ; l'année scolaire prochaine, elles seront systématisées en début et en milieu de la classe de CP ainsi qu'en début de CE1, de 6ème et de seconde. L'apprentissage de la lecture et le développement du goût de lire font l'objet d'une attention toute particulière. Un ensemble d'outils pédagogiques est mis à la disposition des enseignants, comprenant : un état de la recherche pour diffuser les démarches les plus efficaces ; des recommandations sur la pratique de la lecture à l'école élémentaire, au collège et sur l'enseignement de la grammaire et de l'orthographe. En complément, un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles sera organisé : la moitié des 18 heures consacrées à l'animation pédagogique et à des actions de formation continue portera ainsi sur la formation à l'apprentissage de la lecture, avec une attention particulière pour la classe de CP. Enfin, une action interministérielle en faveur du livre et de la lecture, menée avec le ministère de la culture, va se déployer durant les prochains mois et les prochaines années pour mobiliser la société autour de la cause du partage et du plaisir de la lecture. D'autres mesures d'ordre structurel viennent renforcer cette mobilisation pédagogique. À l'école élémentaire, l'heure hebdomadaire d'activité pédagogique complémentaire sera réorientée vers des activités de lecture et de compréhension. Au collège, les deux heures d'accompagnement personnalisé seront consacrées à la compréhension pour les élèves de 6ème qui ont une maîtrise insuffisante ou fragile des compétences en lecture et compréhension de l'écrit selon les évaluations du début d'année ; de plus, le dispositif « Devoirs faits » a aussi pour objetd'accompagner les élèves dans leur travail personnel après la classe. L'ensemble de ces dispositions doit permettre d'assurer aux élèves la maîtrise du français, mais aussi de leur donner le goût de la lecture et de l'écriture, et de prévenir ainsi l'illettrisme. Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale fait partie des membres fondateurs de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme ; au sein de cette structure, il entretient avec les autres ministères impliqués et des partenaires du monde professionnel un dialogue suivi, qui permet de coordonner les différentes actions en faveur des adultes en situation d'illettrisme ou de grande fragilité linguistique. Par son vaste réseau de formation continue (réseau des Greta : Groupement d'établissements publics locaux d'enseignement sur un territoire donné), le ministère occupe une place importante dans l'offre de formation en français et savoirs de base : des dispositifs et offres spécifiques ciblent les publics en situation d'illettrisme. Le dispositif des actions éducatives familiales (AEF), mené en partenariat avec l'ANLCI, vise quant à lui à identifier et prendre en charge les parents d'élèves en situation d'illettrisme ou de grande fragilité linguistique. Les actions proposées leur permettent de se réconcilier avec l'écrit et, ainsi, de mieux suivre la scolarité de leurs enfants. La diffusion par le ministère de l'éducation nationale d'un kit pédagogique, accessible en ligne sur le site Eduscol, a permis de sensibiliser largement les équipes pédagogiques et éducatives et a inspiré plusieurs déclinaisons d'outils en académies, en fonction des contextes territoriaux et des besoins identifiés. En outre, les recteurs des territoires d'outre-mer conduisent, dans leurs territoires respectifs, en complément et en renforcement des mesures nationales, des politiques spécifiques adaptées aux particularités locales. Ainsi, les académies de La Réunion, de Guadeloupe et de Guyane développent et renforcent leurs réseaux d'unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A), notamment pour ceux qui n'ont pas été scolarisés antérieurement. Par exemple, le centre académique de scolarisation des élèves allophones (CASNAV) de La Réunion, qui pilote ces UPE2A, participe à des programmes de recherche nationaux et s'intègre dans le tissu associatif pour mieux accompagner les familles. Celui de Guyane œuvre à améliorer le repérage des décrocheurs et leur suivi. Ces trois académies mènent aussi un travail sur le plurilinguisme pour mieux accueillir l'élève en tenant compte de sa langue maternelle. Cela passe par la formation initiale et continue des enseignants et l'habilitation de certains d'entre eux en langue et culture régionale, ainsi que par la formation en français langue de scolarisation (FLSco), en français langue étrangère (FLE) et en français langue seconde (FLS) pour faire en sorte que le multilinguisme soit un atout au service de la réussite de tous les élèves. Ces territoires mettent l'accent sur l'accueil des jeunes enfants, incitent les familles à une scolarisation plus systématique en maternelle, parfois dès l'âge de deux ans, en classe de très petite section. En outre, sur un territoire aussi vaste que la Guyane, un effort logistique de construction est entrepris afin de situer les lieux de scolarisation au plus près des lieux d'habitation et de faciliter cette entrée des jeunes enfants à l'école. Les académies de Martinique et de La Réunion ont également recours à des outils spécifiques comme le programme de prévention de l'illettrisme PARLER, tout en l'adaptant au territoire. Ce programme favorise l'apprentissage de la lecture dès la grande section de maternelle et permet de réduire les écarts entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Ces actions et dispositifs locaux confortent donc les mesures engagées sur le plan national et contribuent à la lutte contre l'illettrisme et à la réduction des inégalités entre la métropole et les territoires d'outre-mer dans ce domaine.
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon (Provence-Alpes-Côte d'Azur - La France insoumise)
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 21 mai 2018
Dates :
Question publiée le 20 février 2018
Réponse publiée le 12 juin 2018