priorités du Gouvernement pour l'hôpital public
Question de :
Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel
Alpes-de-Haute-Provence (2e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 14 février 2018
PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT POUR L'HÔPITAL PUBLIC
M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, pour le groupe La République en marche.
Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Monsieur le Premier ministre, vous étiez ce matin avec la ministre des solidarités et de la santé à l'hôpital Simone-Veil d'Eaubonne, pour annoncer le plan gouvernemental destiné à transformer l'offre de soins en France.
Nous sommes tous très fiers de notre système de santé : fondé sur la solidarité, il participe grandement à notre cohésion sociale et contribue à faire de nous une communauté nationale.
M. Thibault Bazin. Supprimez l'AME !
Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Chacun de nous est concerné, les soignants bien entendu, mais surtout les patients. Notre responsabilité aujourd'hui est de maintenir ce haut niveau d'exigence.
Si nous sommes fiers de notre système d'offre de soins, nous ne devons pas moins le regarder avec exigence et responsabilité. Monsieur le Premier ministre, comme l'a déclaré Mme Buzyn, nous arrivons au bout d'un système qui, très performant sur le plan curatif, n'en demeure pas moins perfectible sur bien des points.
Sur la prévention, il est urgent d'investir, car il vaut mieux se prémunir de la maladie que d'avoir à remercier ceux qui nous ont soignés. Pour l'égal accès aux soins, il est urgent de repenser notre organisation territoriale. Quant au parcours de soins, sa complexité fait que le système repose souvent uniquement sur le patient.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, nos hôpitaux sont à bout de souffle.
M. Jean Lassalle. Très juste !
Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Quelles mesures entendez-vous prendre pour nous permettre de conserver un système de santé solidaire et accessible, situé, en somme, au cœur de notre pacte social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe REM. – M. Jean Lassalle applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, je vous remercie pour votre question. En effet, je me suis rendu ce matin, avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, à l'hôpital Simone-Veil pour présenter la façon dont nous envisagions le travail à venir, dont le but sera non pas d'ajouter une mesure ou une réforme supplémentaire, mais d'essayer de préparer une transformation globale, cohérente et efficace du système hospitalier et, plus généralement, du système de soins.
Pourquoi une transformation globale du système hospitalier ? Parce que depuis trop longtemps, nous lui demandons beaucoup, et il fait beaucoup, mais dans des conditions qui rendent l'exercice de la médecine et du soin de plus en plus difficile. Tous ceux qui fréquentent l'hôpital, soit pour des raisons professionnelles soit pour y être soignés, le savent.
Notre objectif, madame la députée, est de transformer ce système qui, aujourd'hui, ne met pas suffisamment l'accent sur la prévention, ne garantit pas dans de bonnes conditions l'égal accès aux soins et se révèle trop complexe. En effet, l'absence de coordination entre le service hospitalier, la médecine de ville et le médico-social aboutit à un paradoxe, celui de transférer la tâche de coordonnateur de soins au patient lui-même. Quand il peut le faire, cela peut bien se passer, mais quand il est trop faible ou trop malade, cela se passe beaucoup moins bien.
Pour travailler efficacement et ne pas en rester à une approche superficielle, Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons demandé que cinq pistes de réflexion soient suivies.
Tout d'abord, comment placer le chantier de la qualité et de la pertinence des soins au cœur de la pratique médicale ?
M. Ugo Bernalicis. 4 milliards d'euros !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous savons qu'il y a un sujet sur la qualité et la pertinence des soins.
Mme Marie-Christine Dalloz. Rien de nouveau !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Il s'agit non pas d'un sujet administratif, mais d'un sujet médical et scientifique sur lequel je me garderai bien de donner un avis. Lorsque l'on regarde les indicateurs fournis par les hôpitaux, on constate que telle ou telle pratique hospitalière est deux ou trois fois plus fréquente, en proportion de la population, dans un département plutôt que dans un autre, sans qu'il y ait de véritable justification scientifique à cet écart.
M. Fabien Di Filippo. Il faut mettre les médecins au bon endroit !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous travaillerons donc sur la qualité et la pertinence des soins.
Le deuxième chantier est celui du financement. Le choix fait il y a quelques années d'une tarification reposant exclusivement sur l'activité – la fameuse T2A – présente, comme nous le savons tous ici, des effets pervers et des inconvénients. J'ai annoncé ce matin que notre objectif était non pas de revenir complètement sur la tarification à l'activité, mais de l'enrichir avec des indicateurs relatifs à la pertinence et à la qualité des soins, afin que le système favorise non pas la compétition ou l'accumulation des actes, mais bien leur coordination et la complémentarité des services. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.) Et tout le monde sait qu'il est indispensable d'avancer dans ce domaine.
Le troisième chantier est celui du numérique. Il est indispensable de tenir compte de cette révolution numérique et d'en faire profiter les patients et les personnels médicaux. Cela fait longtemps que ce thème est évoqué, et nous pouvons constater ensemble qu'en matière de coordination et d'accès aux données de santé des patients, nous ne sommes pas au niveau où nous devrions être. L'objectif, en réorganisant les services placés auprès de Mme la ministre des solidarités et de la santé, et en y consacrant des moyens importants, est d'avancer dans une révolution numérique bénéficiant aux patients et à la communauté médicale.
Le quatrième chantier, qui n'est pas celui de moindre importance, a trait aux relations et aux ressources humaines. Il comporte évidemment une réflexion ouverte sur la formation initiale. Osons poser la question de la formation initiale ! Elle est souvent d'exceptionnelle qualité, mais tout le monde sait qu'un gâchis considérable a lieu à la fin de la première année d'études à cause du numerus clausus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) Posons-nous la question : que signifie aujourd'hui un numerus clausus ? Faut-il l'augmenter ? Faut-il le supprimer ? Faut-il le faire varier selon les universités ? Je n'ai pas d'avis, madame la députée, à ce stade,…
M. Pierre Cordier. C'est grave !
Mme Émilie Bonnivard. On en parle depuis vingt ans !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …mais je suis certain qu'il faut réfléchir à cette question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.) Ce sujet de la formation et des ressources humaines nous impose également de repenser l'organisation du travail dans l'hôpital…
Mme Émilie Bonnivard. Bla-bla-bla
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …et de la transformer. Nous avons tous à l'esprit les nombreux exemples, parfois dramatiques, de souffrance voire d'épuisement au travail. Il faut donc repenser l'organisation du travail.
Mme Caroline Fiat. Il faut des moyens !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Cela peut se faire en enrichissant le dialogue social et en soutenant la communauté qui est capable de réfléchir à l'organisation du travail dans l'hôpital. C'est ce que nous allons faire. (Exclamations sur de nombreux bancs.) Cela a l'air de gêner, mais c'est ce que nous allons faire.
Le dernier chantier a trait à l'organisation territoriale des soins. Nous devons avancer dans ce domaine, pas simplement en organisant le tissu public ou en nous reposant sur ce qui a déjà été créé, à savoir les groupements hospitaliers de territoire, mais en faisant en sorte que l'organisation territoriale intègre non seulement l'offre publique, mais également l'offre privée (Exclamations sur les bancs du groupe FI), pour qu'elles puissent se compléter et pour que la médecine de ville – que vous n'avez pas, je crois, mesdames, messieurs les insoumis, envie de supprimer – puisse parler et échanger avec l'hôpital, afin de garantir une continuité de soins, une bonne préparation et une belle offre médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
Ces cinq chantiers sont importants et seront portés par Mme la ministre des solidarités et de la santé. L'objectif est de formuler des propositions à la fin du mois de mai et de mener une réflexion globale. Des moyens spécifiques, hors Objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM –, seront consacrés à l'accompagnement de la transformation à l'hôpital. Des expérimentations seront conduites dès l'année 2018. C'est un plan global, madame la députée, que je résume beaucoup trop vite même si ma réponse excède de beaucoup celui d'une réponse traditionnelle dans le cadre des questions au Gouvernement, et un sujet essentiel ! Le Gouvernement est déterminé à apporter des solutions qui ne soient pas des petites mesures, mais une réforme complète. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Auteur : Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 février 2018