15ème législature

Question N° 5828
de M. Christophe Blanchet (La République en Marche - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > consommation

Titre > Lutte contre la contrefaçon en France et dans l'Union européenne

Question publiée au JO le : 27/02/2018 page : 1558
Réponse publiée au JO le : 13/11/2018 page : 10190
Date de changement d'attribution: 01/05/2018
Date de signalement: 24/07/2018
Date de renouvellement: 03/07/2018

Texte de la question

M. Christophe Blanchet attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la lutte contre la contrefaçon sur internet. Dans son dernier rapport réalisé conjointement avec l'OCDE et publié en juillet 2017, le CESE révèle des chiffres préoccupants : les produits de contrefaçon représentent jusqu'à 5 % des marchandises importées, occasionnant une perte approximative de 800 000 emplois chaque année et d'environ 14,3 milliards de d'euros de taxes annuelles pour l'Union européenne. En France, le coût de la contrefaçon est estimé à 6 milliards d'euros. Le web est le premier vecteur de distribution des produits contrefaits. Renforcer l'implication de tous les acteurs du paiement sur internet en leur permettant de bloquer l'accès des moyens de paiement pour les contrefacteurs est souhaitable afin de réduire les profits tirés de la vente de produits de contrefaçon. Aussi, mieux informer et protéger les consommateurs en renforçant la sensibilisation à l'occasion de grandes campagnes nationales et en leur proposant un service national d'assistance téléphonique et courriel et cela afin de les renseigner sur leurs droits et sur les moyens de se prémunir permettrait d'assurer une protection plus efficace pour les consommateurs qui ne sont pas toujours informés de la nature illicite de leurs achats. Aussi, intégrer la lutte anticontrefaçon dans les indicateurs de performance des policiers et des gendarmes visant à les encourager à agir et à s'impliquer sur ces affaires constitue un moyen à même de répondre au phénomène de la contrefaçon et à ses ramifications. Surtout, la mise en place d'une véritable politique européenne de sécurisation de l'économie numérique est un impératif à remplir pour acquérir une pleine maîtrise de cette fraude. Enfin, encourager les startups engagées dans la lutte contre la contrefaçon, comme EASY ID présente dans sa circonscription du Calvados (qui propose une technologie de marquage innovante axée sur des algorithmes de chiffrement robustes), en les dotant de subventions afin d'accélérer leur développement, perfectionnerait les moyens déjà existants et les moyens à venir pour une meilleure authentification des produits, une traçabilité améliorée et davantage de sécurité pour le grand public. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer sa position sur chacune de ces propositions visant à renforcer les outils opérationnels de prévention et de lutte contre la contrefaçon en ligne.

Texte de la réponse

Le développement du commerce électronique permet aux contrefacteurs de diffuser plus facilement des contrefaçons : le nombre d'articles saisis par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) dans le fret postal et le fret express est ainsi passé de 75 000 en 2006 à 2,3 millions en 2017, ce qui correspond depuis plusieurs années à pratiquement 1/3 des marchandises de contrefaçon interceptées. L'inflation de la contrefaçon sur internet fragilise la confiance des entrepreneurs et des consommateurs dans le commerce électronique et contribue à une crise de confiance dommageable dans l'économie numérique. Plusieurs mesures ont été prises aux niveaux européen et national pour lutter contre la cybercontrefaçon : le règlement douanier européen n° 608/2013 du 12 juin 2013 et la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, ont permis d'étendre les procédures et les pouvoirs de contrôles des services douaniers à l'ensemble des droits de propriété intellectuelle et des situations douanières, notamment s'agissant des marchandises de fraude transportées par fret express et par fret postal, vecteurs d'acheminement privilégiés des contrefaçons achetées sur Internet. A l'échelle nationale, la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 précitée a étendu la possibilité, pour les agents des douanes habilités, de réaliser des coups d'achats sur les marchandises contrefaisantes, c'est-à-dire d'acquérir, avec l'autorisation du procureur de la République et sans être pénalement responsables de ces actes, des contrefaçons afin de faciliter la constatation de l'infraction de détention de contrefaçons, d'en identifier les auteurs et complices et d'effectuer des interceptions de marchandises de contrefaçon ; par ailleurs, elle permet de mieux contrôler les envois en fret postal et en fret express, en autorisant les agents des douanes à contrôler dans les locaux des opérateurs de fret express et en obligeant ces derniers, ainsi que les opérateurs de fret postal, à transmettre aux agents habilités un certain nombre de données non nominatives postérieurement à la réception du colis par le destinataire. Le traitement informatique des données récupérées par l'administration des douanes permet d'élaborer des analyses de risque afin de mettre en perspective un état de la menace, et ce, à des fins de planification d'opérations de contrôle de portée locale, nationale ou internationale. Par ailleurs, la DGDDI a signé une convention de coopération avec les opérateurs du fret express dont le but est de convenir du cadre d'intervention des services douaniers. La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale permet en outre désormais aux agents des douanes (habilités par décret et sur information du Procureur de la République), notamment en matière de lutte contre la contrefaçon, de procéder à des enquêtes sous pseudonyme, les échanges électroniques pouvant être utilisés en procédure. Grâce à ces nouvelles dispositions, les services douaniers disposent aujourd'hui d'un arsenal juridique élargi pour lutter efficacement contre la contrefaçon et la cybercontrefaçon. Elles permettent de compléter l'action menée en amont par la cellule Cyberdouane, le service de la douane spécifiquement chargé de la lutte contre la cyberdélinquance en matière de contrefaçon. La lutte contre la cybercontrefaçon repose également sur la signature d'accords volontaires de coopération entre les acteurs économiques, à l'instar des chartes de lutte contre la contrefaçon sur internet initiées par le comité national anti-contrefaçon (CNAC) et signées par les titulaires de droits de propriété intellectuelle et des plates-formes de commerce en ligne, des sites de petites annonces entre particuliers et des opérateurs postaux. Une initiative similaire a été lancée en juin 2018 à l'échelle européenne avec la signature, par 28 entreprises et associations, d'un mémorandum d'accord sur la publicité sur internet et les droits de propriété intellectuelle, visant à limiter le placement de publicités sur les sites internet et les applications mobiles ne respectant pas le droit d'auteur ou disséminant des marchandises de contrefaçon. Afin d'impliquer plus directement les opérateurs de paiement en ligne dans la lutte contre la cyber-contrefaçon, une coopération fondée sur la stratégie « Follow the money » a été expérimentée par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) à l'initiative du groupe de travail « cyber-contrefaçon » du CNAC. L'approche « Follow the money » a pour objectif d'assécher les ressources financières des sites vendant de la contrefaçon en ligne, en impliquant les intermédiaires de paiement. Développée aux États-Unis, au Canada, en Italie ou encore en Australie, elle se propose d'obtenir la fermeture effective des comptes en banque liés à ces sites marchands, quelle que soit leur localisation géographique, voire obtenir le gel des avoirs financiers pendant une période permettant de diligenter des enquêtes visant à les saisir. Les dispositifs existants dans les pays mettant en œuvre l'approche « Follow the money » n'étant pas directement transposables en France, l'expérimentation française n'a pas été concluante jusqu'à ce jour. Le CNAC étudie en collaboration avec la DGGN d'autres modalités pratiques pour impliquer les intermédiaires de paiement dans la lutte contre la cyber-contrefaçon. La plateforme d'harmonisation de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) reste aujourd'hui en France le point d'entrée permettant aux internautes de signaler les contenus inappropriés des sites internet. Les signalements des consommateurs et titulaires de droits de ventes de contrefaçons via internet sont renvoyés sur Cyberdouane qui enrichit le renseignement recueilli et diligente d'éventuelles enquêtes sur la base des informations communiquées. S'agissant du devoir de diligence à la charge des acteurs intermédiaires d'internet en vue de prévenir ou d'empêcher la mise en ligne de produits de contrefaçon, qui fait l'objet de discussions au niveau européen, le Gouvernement soutient une vision à la fois exigeante et proportionnée : sans remettre en cause le régime de responsabilité existant, tel qu'il est prévu par la directive n° 2000/31/CE sur le commerce électronique, le cadre législatif européen relatif au respect des droits de propriété intellectuelle pourrait être complété afin d'exiger des intermédiaires en ligne ayant un rôle structurant sur le marché des mesures de précaution et des dispositifs raisonnables dans la prévention et la lutte contre les contenus illicites. Les technologies de détection et de filtrage automatiques sont des outils de plus en plus utilisés pour lutter contre les contenus illicites en ligne et le potentiel des solutions fondées sur la blockchain est important pour renforcer la lutte contre la contrefaçon. Les entreprises qui innovent dans ce domaine peuvent bénéficier des dispositifs de soutien à l'innovation opérés par Bpifrance.