15ème législature

Question N° 6126
de M. Michel Zumkeller (UDI, Agir et Indépendants - Territoire de Belfort )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Carte judiciaire

Question publiée au JO le : 06/03/2018 page : 1844
Réponse publiée au JO le : 11/12/2018 page : 11478
Date de signalement: 20/11/2018

Texte de la question

M. Michel Zumkeller interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les perspectives de réorganisation de la carte judiciaire et les inquiétudes que celle-ci suscite chez les professionnels du monde de la justice comme chez les élus locaux. Sans nier la nécessité de moderniser le fonctionnement et l'organisation de la justice pour la rendre plus proche des concitoyens, les uns et les autres s'inquiètent des conséquences que pourraient avoir, sur les juridictions existantes, les projets de réorganisation de la carte judiciaire susceptibles d'entraîner la remise en cause de l'existence de certains tribunaux. Le député souhaite évoquer la situation du tribunal de grande instance de Montbéliard qui devrait être transformé en « tribunal de proximité ». L'essentiel de ses compétences actuelles serait par conséquent transféré au tribunal départemental de première instance à Besançon. La perspective de création d'un tribunal départemental de première instance, suscite ainsi de nombreuses interrogations, sachant que l'existence d'un tribunal, au plus près des territoires, est un élément fort de garantie d'accès des citoyens au service public de la justice, et joue ce faisant, un rôle essentiel en termes d'aménagement du territoire. Dans ce cas précis, Besançon est logiquement très éloigné de Montbéliard pour pouvoir jouer pleinement la carte de la proximité, la justice va donc considérablement s'éloigner du justiciable. D'un autre côté, il paraît d'ores et déjà probable que le tribunal départemental de première instance de Belfort ne remplisse pas le critère de taille et sera voué à plus ou moins court terme à disparaître. Or, à l'échelon local, une solution pourrait être trouvée pour pouvoir conserver dans le nord Franche-Comté une juridiction qui remplisse les critères de taille fixée par le Gouvernement. Le regroupement des tribunaux de grande instance de Belfort et Montbéliard permettrait de créer une juridiction pérenne. À eux deux les juridictions du nord Franche-Comté traitent plus de dossiers que le TGI de Besançon. Elles travaillent d'ores et déjà ensemble et mutualisent leurs moyens en ce qui concerne la justice des mineurs, le contrôle des hospitalisations sans consentement, les permanences des parquets et des juges d'instruction. Il ne serait pas illogique qu'un bassin de population de plus de 310 000 personnes et qui constitue le premier bassin industriel de la région Bourgogne-Franche-Comté puisse disposer d'une juridiction disposant de l'intégralité des compétences. Il souhaite donc l'avis de Mme la ministre sur cette proposition de rapprochement bénéfique pour toute une région. Il lui demande aussi de bien vouloir lui préciser ses intentions dans le domaine de l'organisation de la carte judiciaire, et de souligner selon quelles modalités il sera possible d'articuler, dans l'intérêt des justiciables, la modernisation du service public de la justice avec le maintien d'un réseau de juridictions de proximité.

Texte de la réponse

Le projet de loi de programmation et de réforme de la justice a suscité beaucoup d'interrogations, s'agissant notamment du chantier relatif à l'adaptation du réseau des juridictions. Le rapport consacré à ce sujet, rendu à l'issue des « Chantiers de la Justice », préconisait un certain nombre de mesures. La Garde des Sceaux, ministre de la justice, a pris la décision de ne pas suivre un certain nombre d'entre elles. Ainsi, contrairement aux choix opérés par de précédents gouvernements, il a notamment été décidé de ne fermer aucune juridiction, de ne pas desserrer le maillage judiciaire existant et de n'affaiblir aucun site judiciaire. Le statu quo n'apparaissait pas acceptable pour autant. Il a donc été décidé de proposer au Parlement une évolution centrée non pas sur des directives venues de Paris mais fondée sur des propositions émanant du terrain. Cette évolution sera articulée autour de grands principes :  - rendre plus lisible l'organisation des juridictions en proposant une fusion administrative des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI), désormais dénommé tribunal judiciaire ; - rendre une justice plus efficace en offrant aux juridictions la possibilité de spécialiser des contentieux techniques et de faible volume ; - rendre possible des évolutions pour les cours d'appel dans deux régions expérimentales. La fusion des TGI et TI répond à un souci de simplification des procédures. La répartition des contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance est aujourd'hui complexe et peu lisible pour le justiciable. Ce dernier ne devrait pas avoir à se demander s'il doit saisir le TI ou le TGI suivant la nature de son litige. Cette interrogation aura d'autant moins de pertinence que le projet de loi prévoit que le justiciable saisira désormais le tribunal par un formulaire unique de requête introductive d'instance. Cette fusion simplifiera la gestion des contentieux pour le justiciable et aura des conséquences positives pour les chefs de juridiction qui disposeront de plus de souplesse pour gérer leurs ressources humaines. Cependant, aucun lieu de justice ne sera fermé. Ainsi, dans les villes où il existe actuellement un tribunal d'instance isolé, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront préservées par décret. Organiquement rattaché à un tribunal de grande instance, il conservera sa dénomination et continuera à juger les contentieux du quotidien identiques à ceux d'aujourd'hui. Les magistrats et fonctionnaires continueront à y être précisément affectés. Il n'y aura donc aucun recul de la justice de proximité. L'article 53 du projet de loi prévoit même que les chefs de cour pourront attribuer au tribunal d'instance des compétences supplémentaires, après avis du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République, si cela correspond à un réel besoin des justiciables. En ce sens le maillage juridictionnel national sera maintenu et les contentieux continueront à être jugés dans des conditions que nous rendrons encore plus favorables qu'actuellement. Les tribunaux de grande instance ne seront aucunement affectés, conservant leurs présidents et leurs procureurs de la République. La situation particulière des TGI de Belfort et Montbéliard, déjà signalée par différents acteurs locaux, a conduit à l'engagement d'une réflexion afin de satisfaire les intérêts essentiels des justiciables et des territoires. Le Gouvernement a ainsi émis un avis favorable à un amendement au projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, déposé par des parlementaires du territoire concerné à l'article 53 I 8° du texte. Cet amendement permet une spécialisation interdépartementale dans certains contentieux, lorsque des circonstances particulières le justifient. Il s'agit précisément de la situation des juridictions de Belfort et Montbéliard, qui pourront dès lors mutualiser le traitement de certains contentieux et ainsi favoriser le rapprochement que les élus appellent de leurs voeux. Cet amendement a été adopté par la commission des lois.