avenir du transport ferroviaire
Question de :
M. Guy Bricout
Nord (18e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 21 février 2018
AVENIR DU TRANSPORT FERROVIAIRE
M. le président. La parole est à M. Guy Bricout, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
M. Guy Bricout. Monsieur le Premier ministre, il y a deux semaines, tandis que j'interrogeais en commission M. Guillaume Pepy sur la ligne Intercités Paris-Cambrai, sur cette même ligne mon collaborateur mettait cinq heures pour rejoindre Paris ! Sept petits centimètres de neige suffisaient à paralyser le trafic !
Je salue le personnel de la SNCF qui a dû et su faire face à l'étonnement et au mécontentement des usagers. Discutant avec lui, j'ai appris que ces retards étaient dus au fait qu'il y avait de moins en moins de personnel affecté à l'entretien des voies en cas de neige. Que d'ennuis pour si peu d'économies ! Quelle image nous offrons aux pays étrangers dont les trains roulent dans de plus mauvaises conditions.
Ce jour-là, monsieur le Premier ministre, j'ai eu honte de cette désorganisation et honte du manque d'information. Que doivent penser les touristes à la veille des Jeux olympiques ! Depuis, le rapport Spinetta est sorti. Bien sûr, au vu de ces dysfonctionnements à répétition, nous en partageons la plupart des constats. Mais l'élu de terrain que je suis n'acceptera jamais le sort qu'il réserve aux petites lignes TER : on veut déshabiller Pierre pour habiller Paul et faire payer à la ruralité et aux régions le manque de stratégie de l'État au cours des dernières décennies. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LR.) Cette politique menacerait plusieurs de nos lignes des Hauts-de-France, notamment la ligne TER Cambrai-Douai. Or j'ai constaté, comme nombre de mes collègues, qu'une meilleure gestion de ces lignes les rendrait plus rentables. Par exemple, les mauvais choix des horaires de dessertes sont un non-sens qui nuit à leur attractivité. Aussi, monsieur le Premier ministre, au lieu de confirmer nos erreurs du passé en condamnant les petites lignes et les territoires qui en dépendent, ne vaudrait-il pas mieux, avant tout, revoir leur gestion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, à partir d'un incident regrettable et pénible, vous m'interrogez sur le rapport Spinetta et l'avenir du système ferroviaire que nous voulons, vous comme nous, garantir.
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas vraiment la question !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. La priorité de ce gouvernement fut, dès sa nomination, de réfléchir avec l'ensemble des acteurs de la mobilité à la façon de mieux organiser la mobilité en France. C'est l'objet de l'intense réflexion engagée par Mme la ministre chargée des transports, qui donnera lieu, le moment venu, au projet de loi de programmation annoncé.
Dès le début, nous avons voulu dresser un constat précis et lucide de ce qui fonctionne bien dans notre système ferroviaire et de ce qui fonctionne moins bien. Nous avons ainsi chargé Jean-Cyril Spinetta d'une analyse globale du système ferroviaire pour avoir un constat à partir duquel nous pourrions construire l'avenir du système ferroviaire.
Comme vous, monsieur le député, comme l'ensemble des parlementaires et plus largement, des Français, nous sommes attachés au transport ferroviaire, qui est un transport d'avenir, essentiel pour beaucoup de nos concitoyens.
M. Alexis Corbière. Vous voulez tout casser !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Or, il ne fonctionne pas aujourd'hui comme il le devrait.
M. Jean-Luc Mélenchon. À cause de vous !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Le constat dressé par Jean-Cyril Spinetta est lucide et, à bien des égards, cruel. Oui, le système ferroviaire ne répond pas aujourd'hui à la totalité de ses missions. Et il ne faut pas chercher à en imputer la responsabilité à tel ou tel, et surtout pas aux cheminots qui font du mieux qu'ils peuvent, malgré un matériel souvent vétuste, un réseau trop ancien, et une organisation parfois contestable. Collectivement, et depuis bien longtemps, le système ferroviaire, tel qu'il a été pensé, tel qu'il a évolué, n'a pas eu les moyens de son développement.
M. Alexis Corbière. À qui la faute ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Les chiffres fournis dans le rapport Spinetta illustrent très bien cette insatisfaction, ce problème du système ferroviaire. J'en donnerai quelques-uns, à commencer par un chiffre budgétaire. En additionnant les fonds des régions, les fonds de l'État, les fonds d'équilibre du système des retraites, nous consacrons aujourd'hui 14 milliards d'euros d'argent public au système ferroviaire, soit beaucoup plus qu'il y a dix ans. Or, malgré cette hausse, nous constatons une perte annuelle de 3 milliards, une dette de 45 milliards pour l'ensemble du dispositif, et une dégradation de la satisfaction des besoins, sauf pour quelques lignes, en particulier les grandes lignes de TGV.
Tous les parlementaires pourraient citer des exemples précis de ces défaillances. Je ne pense pas aux accidents ni aux retards, même s'ils sont malheureusement réguliers et pénalisent le quotidien des Français. En tant qu'élu du Havre, je constate simplement qu'il faut quinze à vingt minutes de plus qu'il y a soixante-dix ans pour aller de Paris au Havre. Et il faut vingt minutes de plus qu'il y a quelques années pour aller de Paris à Limoges. Il est indéniable que la qualité du service s'est dégradée sur un certain nombre de lignes importantes pour les Français.
Que faire ? Nous devons nous autoriser à repenser le cadre dans lequel le système ferroviaire doit s'épanouir. C'est cette mission qui a été confiée à Jean-Cyril Spinetta. Son rapport, qui évoque un certain nombre de pistes, n'est pas celui du Gouvernement. Nous étudierons attentivement ses propositions. Mme la ministre chargée des transports et moi-même avons engagé hier la consultation des organisations syndicales, de la direction, de l'établissement public de sécurité ferroviaire, des fédérations d'usagers. Nous voulons dresser, collectivement, le bilan de ce qui va et de ce qui ne va pas.
Ne nous voilons pas la face : si nous voulons offrir un cadre stable et durable au transport ferroviaire, si nous voulons le sauver, nous devrons prendre des décisions.
M. Ugo Bernalicis. Changer le Gouvernement, par exemple !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Nous devrons ainsi aborder la question, déjà évoquée bien avant nous, de l'ouverture à la concurrence. Certains la redoutent, d'autres l'attendent, mais elle est un fait. Nous devrons l'organiser, et nous le ferons collectivement.
Ces propositions nous permettront également de réfléchir aux modes de gouvernance. Quelle est la meilleure façon d'organiser l'entreprise, d'envisager les dix, vingt, quarante prochaines années de l'entreprise et du système ferroviaire ?
Elles nous permettront également de nous pencher sur la question du statut, …
M. Loïc Prud'homme. Le statut, c'est la sécurité !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …et pas seulement du point de vue du Gouvernement, car l'entreprise a son rôle à jouer aussi dans l'application de ce statut, dans les réformes qui lui permettent de dégager de la productivité et d'affronter la future concurrence dans de meilleures conditions. Nous regarderons ces sujets.
Vous m'interrogez, monsieur le député, sur la question des petites lignes. Ces petites lignes, dont je ne suis pas certain qu'il faille les qualifier ainsi, concentrent une part très faible de la totalité du trafic – beaucoup de kilomètres pour très peu de voyageurs. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier. Vous devriez aller sur le terrain !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Restez calmes, messieurs les députés, nous sommes dans une démocratie, personne n'est une marionnette ici, et je vais vous répondre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
L'avenir de ces petites lignes ne peut pas être déterminé par le Gouvernement, qui est même probablement le moins bien placé pour en décider. Il dépendra d'une discussion qui se tiendra au niveau des régions, lesquelles en partagent la responsabilité, avec l'entreprise, dans le cadre des schémas d'aménagement prévus par la loi. Il ne s'agit pas de prendre des décisions de fermeture, même si certaines sont évoquées par le rapport Spinetta. Il serait absurde d'agir ainsi, d'aussi loin du terrain.
L'important est de s'assurer, ligne par ligne, de la meilleure manière de garantir la mobilité. Je ne doute pas, monsieur le député, qu'au niveau des petites lignes également, il faille conserver du transport ferroviaire. Quant aux autres, il est possible que les régions, dans le cadre de leur politique d'aménagement, choisiront, après une réflexion rationnelle, de recourir à d'autres formes de mobilité.
Une chose est certaine : nous devons sauver le transport ferroviaire, nous voulons continuer à investir dans le transport ferroviaire, nous faisons confiance à la SNCF pour être une entreprise compétitive qui assure un service de qualité à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.– M. Claude Goasguen applaudit également)
Auteur : M. Guy Bricout
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 février 2018