Question orale n° 615 :
Lutte contre la vie chère à La Réunion

15e Législature

Question de : M. David Lorion
Réunion (4e circonscription) - Les Républicains

M. David Lorion attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur la vie chère à La Réunion et ses conséquences désastreuses pour le pouvoir d'achat. Les écarts de prix constatés entre la France métropolitaine et l'île sont très pénalisants pour les consommateurs réunionnais. Dans une note publiée en avril 2016, l'INSEE montrait qu'en moyenne la différence de ces prix était de + 7,1 %. Cet écart en défaveur de La Réunion était déjà de + 6,2 % en 2010. Sur certains produits, les écarts moyens sont très importants : + 28 % pour l'alimentation ; + 12,8 % pour la santé ; +16,7 % pour internet et la communication ; + 12,8 % pour les autres biens et services (banques, assurances, etc.). Le record est atteint par les matériaux de construction qui sont 39 % plus chers dans l'île. Face à ces prix trop élevés, la population dispose malheureusement d'un très faible pouvoir d'achat. Avec un PIB d'environ 21 000 euros, contre 43 551 en métropole, un taux de chômage de 23 % des actifs et environ 40 % de la population insulaire vivant en dessous du seuil de la pauvreté (570 euros contre 1 015 en métropole), la situation actuelle n'est plus tenable, ni acceptable. Les causes de ce fléau sont connues : manque de concurrence avec des filières monopolistiques ou oligopolistiques, ententes et abus de position dominante, taxe liée à l'octroi de mer. En décembre 2018, le Gouvernement a annoncé vouloir « lutter à La Réunion contre la vie chère en apportant des réponses fortes » et « agir vite en ce domaine ». Il a demandé au Délégué à la concurrence en outre-mer de se rendre sur l'île à la mi-février 2019 pour voir comment mieux renforcer la transparence des prix par la lutte contre les pratiques commerciales déloyales. Il souhaite savoir quelles actions concrètes, rapides et mesurables en termes d'efficacité elle compte mettre en place pour faire réellement baisser les prix comme elle s'y était engagée publiquement lors de sa venue à La Réunion fin novembre 2018.

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2019

POUVOIR D'ACHAT À LA RÉUNION
M. le président. La parole est à M. David Lorion, pour exposer sa question, n°  615, relative au pouvoir d'achat à La Réunion.

M. David Lorion. Je voudrais vous faire part, en une poignée de secondes, de quelques chiffres qui concernent un département français, La Réunion. Cela relève de ma responsabilité de député.

En France hexagonale, le PIB par habitant s'élève à 43 000 euros ; dans mon département, La Réunion, il est seulement de 21 000 euros. En France hexagonale, le taux de chômage s'établit à 8,8 %, chiffre assez bon selon vous ; dans mon département, La Réunion, il atteint 23 % de la population active. En France hexagonale, on considère que la grande pauvreté commence au-dessous de 1 015 euros par mois ; dans mon département, La Réunion, elle commence au-dessous de 570 euros par mois et touche 40 000 personnes.

En 2016, il y avait 24 000 contrats aidés à La Réunion. Vous en avez réduit le nombre par un tour de passe-passe, en transformant la moitié d'entre eux en RSA. Le taux de bénéficiaires du RSA a ainsi augmenté de 6 % en 2018. Un grand journal a titré hier : « Quelle catastrophe ! » C'est en effet une catastrophe économique, sociale et environnementale.

Les Réunionnais subissent une double peine : outre cette politique, nous constatons que les prix sont plus élevés à La Réunion qu'en France métropolitaine, de 28 % pour l'alimentation, de 39 % pour les matériaux de construction – Ericka Bareigts l'a encore dénoncé il y a quelques jours – et de 124 % pour les pièces automobiles – la presse locale s'en fait l'écho aujourd'hui même.

Il y a eu le temps de la réflexion, des assises des outre-mer, du livre bleu des outre-mer, des conférences et du grand débat, auxquels s'ajoute aujourd'hui la trajectoire outre-mer 5.0, chère à Mme la ministre des outre-mer. Mais ce temps est désormais révolu : nous attendons un peu de considération ; des actes et des décisions sont absolument nécessaires dans les jours qui viennent afin de diminuer un peu le prix des marchandises et de relever un peu le revenu des Réunionnais. Quelles décisions seront prises en leur faveur ? Que peut nous dire ici le Gouvernement à ce propos ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, qui est en déplacement dans le Pacifique en ce moment.

Vous soulevez un problème important et qui n'est pas nouveau, celui de la vie chère à La Réunion. Les précédents ministres des outre-mer se sont déjà mobilisés à ce sujet, mais les résultats, vous l'avez dit, ne semblent pas toujours correspondre à l'attente des populations.

C'est pourquoi, dès le mois de juin dernier, Mme Girardin a demandé à l'Autorité de la concurrence d'émettre un avis sur le fonctionnement des marchés d'importation et de distribution des produits de grande consommation outre-mer. Cet avis sera rendu au printemps. En attendant, plusieurs mesures ont été prises.

Premièrement, la négociation conduite par le préfet dans le cadre des discussions sur le bouclier qualité prix a abouti à une baisse des prix de près de 12 %.

Deuxièmement, la préfecture travaille également à la création d'un « panier péi » qui permettrait à une famille modeste de préparer au moins un repas par jour à partir de productions locales. En effet, la lutte contre la vie chère doit passer aussi par la réorganisation des filières de production locale.

Troisièmement, la ministre des outre-mer a entendu les Réunionnais en colère qui se sont exprimés lors de la crise des gilets jaunes. Ceux-ci se sont plaints notamment des écarts de prix, qui vont parfois du simple au double, ce qui n'est pas tolérable. Elle a nommé, conjointement avec M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, un délégué interministériel à la concurrence outre-mer, dont la mission principale consiste à renforcer la transparence des prix en luttant contre les pratiques commerciales déloyales, les ententes et les abus de position dominante. Il a effectué son premier déplacement à La Réunion au cours du mois de février ; nous en tirerons tous les enseignements.

Quatrièmement, parler vie chère, c'est aussi parler fiscalité locale. Aussi Mme Girardin a-t-elle annoncé, aux côtés du président de la région, que l'État serait partenaire des réflexions conduites sur l'octroi de mer. Elle a formulé un seul impératif : continuer à protéger la production locale.

Enfin, elle a également souhaité que l'observatoire des prix, des marges et des revenus associe à ses travaux un panel de cinquante Réunionnais tirés au sort. Le tirage au sort a eu lieu. Cette initiative inédite permettra de faire une place plus grande aux citoyens dans la conception des politiques de maîtrise des prix.

M. le président. La parole est à M. David Lorion.

M. David Lorion. Votre réponse, madame la secrétaire d'État, a porté sur la politique des prix, mais non sur la politique des revenus. Les Réunionnais sont pauvres. Qu'allez-vous faire pour leur redonner un peu de pouvoir d'achat, notamment aux 40 000 personnes dont le revenu est inférieur au seuil de 570 euros par mois ?

Données clés

Auteur : M. David Lorion

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 février 2019

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