15ème législature

Question N° 632
de M. Adrien Quatennens (La France insoumise - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > climat

Titre > Pour la mise à l'ordre du jour de la règle verte

Question publiée au JO le : 19/03/2019
Réponse publiée au JO le : 27/03/2019 page : 3068

Texte de la question

M. Adrien Quatennens interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la mise à l'ordre du jour de la règle verte. La France a-t-elle commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est « non ». La France a-t-elle commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est « non ». La France a-t-elle arrêté l'artificialisation des sols ? La réponse est « non ». Ces mots ils sont ceux du ministre Nicolas Hulot alors qu'il démissionnait. Alors que la jeunesse du pays se lève et somme d'agir pour le climat, le Gouvernement poursuit les politiques de libre échange en rupture avec les engagements peu ambitieux de la COP21. Alors que la jeunesse du pays se lève et somme d'agir pour le climat, M. le ministre refuse d'inscrire dans la loi l'interdiction du glyphosate. Alors que la jeunesse du pays se lève et somme d'agir pour le climat, le Gouvernement reporte à plus tard la transition énergétique. L'urgence climatique ne peut s'accommoder de petits pas et de reculades. L'écologie n'est pas soluble dans le libéralisme. Elle ne l'est pas davantage dans le macronisme. A Lille, les pics de pollution sont parmi les plus fréquents de France : 60 jours par an alors que l'OMS est en alerte au-delà de 3 par an. L'absence de planification écologique permet de poursuivre et de faciliter des projets d'urbanisation toujours plus fous. A Lille, le projet controversé d'aménagement de la friche Saint-Sauveur est une illustration parfaite de la course au béton. Martine Aubry, maire de Lille et Damien Castellain, président de la métropole, soutiennent la création d'une piscine olympique en lieu et place d'un des derniers lieux non urbanisés de la ville qui pourrait constituer un véritable poumon vert que réclament beaucoup d'habitants. La loi ESSOC de juillet 2018 remplace la procédure d'enquête publique par une simple consultation numérique pour certains projets. Sous prétexte de simplifier, l'accès au débat des citoyennes et des citoyens est complexifié. Le défi climatique est un péril assuré pour l'humanité si son entrée se fait par la loi du marché. Il lui demande pourquoi ne pas mettre à l'ordre du jour la règle verte qui ferait qu'on ne prélèverait pas davantage à la nature que ce qu'elle peut constituer, véritable défi technique lancé à toute l'humanité, au service duquel la France peut déployer toutes ses capacités.

Texte de la réponse

RÈGLE VERTE


M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, n°  632, relative à la règle verte.

M. Adrien Quatennens. « Est-ce que nous avons commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à se mettre en situation d'arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non ». Ces mots, madame la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, vous les connaissez, bien sûr : ce furent ceux du ministre Nicolas Hulot alors qu'il démissionnait.

Alors que la jeunesse du pays se lève et vous somme d'agir pour le climat, vous poursuivez les politiques de libre-échange, en rupture avec les engagements, pourtant peu ambitieux, de la COP21. Alors que la jeunesse du pays se lève et vous somme d'agir pour le climat, vous refusez d'inscrire dans la loi l'interdiction du glyphosate. Alors que la jeunesse du pays se lève et vous somme d'agir pour le climat, vous reportez à plus tard la transition énergétique.

Selon les experts climatiques, il nous reste à peine douze ans, non pas pour verdir un peu votre programme, mais pour changer de modèle économique. L'urgence climatique ne peut s'accommoder de vos petits pas et de vos reculades – j'en ai la conviction, c'est peut-être une différence entre nous. L'écologie n'est pas soluble dans le libéralisme ; je crois qu'elle ne l'est pas davantage dans le macronisme – même si j'observe que des écologistes de salon rejoignent les rangs de La République en marche à l'occasion des échéances électorales. Vous devez savoir que, dans le cadre des traités qui interdisent de dépasser 3 % de déficit, notre pays ne peut pas investir de manière conséquente, comme il le faudrait, pour relever le défi climatique.

À Lille, les pics de pollution sont parmi les plus fréquents de France : nous en sommes à soixante jours par an, alors que l'OMS – l'Organisation mondiale de la santé – estime la situation alarmante au-delà de trois jours par an. L'absence de planification écologique permet de poursuivre et de faciliter des projets d'urbanisation toujours plus fous. Par exemple, le projet controversé d'aménagement de la friche Saint-Sauveur illustre parfaitement la course au béton : Martine Aubry, maire de Lille, et Damien Castelain, président de la métropole, soutiennent la création d'une piscine olympique en lieu et place d'un des derniers lieux non urbanisés de la ville, qui pourrait constituer le véritable poumon vert réclamé par beaucoup d'habitants, pendant que se joue sur place une opposition stérile entre le besoin de logements et le besoin de respirer.

La loi pour un État au service d'une société de confiance de juillet 2018 remplace la procédure d'enquête publique par une simple consultation numérique pour certains projets : sous prétexte de simplifier, vous complexifiez en fait l'accès des citoyens au débat.

Madame la secrétaire d'État, le défi climatique est un péril assuré pour l'humanité si nous y entrons par la loi du marché. Pourquoi ne pas mettre à l'ordre du jour la règle verte, selon laquelle on ne prélèverait pas davantage à la nature que ce qu'elle peut reconstituer ? Il s'agit d'un véritable défi technique lancé à toute l'humanité, au service duquel, je le crois, la France peut déployer toutes ses capacités technologiques, son savoir-faire et ses compétences techniques.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Cela vous étonnera peut-être, monsieur Quatennens, mais je partage certaines de vos conclusions : oui, l'érosion de la biodiversité a lieu toujours plus vite ; oui, il faut faire bien plus, aller plus vite et plus loin en matière de lutte contre le réchauffement climatique, et c'est aussi ce qu'a affirmé le Président de la République ; j'étais aux côtés de la jeunesse et je continuerai à l'être parce qu'ils ont raison de se lever pour demander une société qui fasse plus sens et aussi une transformation profonde du système économique.

C'est justement ce que notre gouvernement engage. Alors que « la jeunesse du pays se lève », comme vous dites, vous en restez dans les belles paroles. Vous critiquez les « écologistes de salon » mais je vois ici de l'écologie d'estrade. Oui, il faut changer en profondeur le système économique, ce capitalisme parfois totalement absurde et cette finance qui ne fonctionne que pour elle-même, et nous avons commencé à le faire, notamment à travers la présidence du G7 et notre engagement au niveau international. Le monde financier doit se mettre au service de l'environnement. À ce propos, j'étais la semaine dernière à nouveau à Bruxelles pour défendre l'idée qu'il faut prendre en compte les risques climatiques autant que les risques financiers. De même, nous voulons transformer le système économique, j'ai eu l'occasion d'en parler dans ma réponse à Laurent Furst, en changeant nos modes de production et de consommation ; à cette fin, il s'agit de réduire les quantités d'objets consommés, notamment en plastique, en encourageant fortement le recyclage et en favorisant le plus rapidement possible le réemploi, et le Gouvernement mène une politique en ce sens, à travers notamment le pacte national sur les emballages plastiques.

Voyez-vous, ce dont notre pays a besoin, c'est d'actions, monsieur le député. Les propos d'estrade, c'est bien, mais ils ne nous expliquent pas comment faire. Il faut entrer dans le débat sur la méthode, commencer à se salir les mains. Oui, c'est cela la réalité si l'on veut lutter activement contre le réchauffement climatique et en faveur de la biodiversité. Là est l'essentiel. Quand on en reste aux grands principes, on est bien sûr tous d'accord, mais il faut maintenant sortir de l'idéologie. Or quelles solutions proposez-vous ? Quelle voie pour marcher de l'avant ? J'entends dans vos propos beaucoup de constats, mais je peux en faire autant ! C'est en effet très confortable, mais quand apporterez-vous des solutions vraiment concrètes ? Ce que vous proposez s'apparente parfois à une dictature verte ! Voilà aussi ce que j'entends à travers vos propos sur la règle verte !

Je vous invite à parler avec les personnes qui se retrouvent face aux réalités du changement climatique : il faut à la fois concilier certains impératifs – je pense à l'emploi pour les familles qui risqueraient de le perdre – et l'accélération de la lutte contre le changement climatique. Car il s'agit de penser « à la fois » quand on veut faire basculer des systèmes.

M. le président. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . Voilà la réalité qu'il faut prendre en compte quand on est en position de décider, et c'est bien plus difficile que quand on reste tranquillement assis sur son banc.

M. le président. J'appelle chacun à veiller à respecter le temps de parole total, qui, réplique comprise, ne peut dépasser six minutes, car il y a trente-trois questions ce matin. La parole à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Je serai le plus bref possible, monsieur le président.

Madame la secrétaire d'État, je regrette que, sur la fin de votre réponse, vous ayez employé à mon égard un ton politicien alors que je pense vraiment que nous sommes tous, vous et moi compris, au pied du mur. Vous me reprochez de faire des effets de tribune, mais les solutions que mon groupe propose vous permettraient de sortir du régime de l'incantation dans lequel, pour votre part, vous vous situez. En réponse à la question précédente, vous avez dit qu'il fallait…

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Le temps de parole est écoulé !

M. Adrien Quatennens. …changer de modèles de production et de consommation : je vous propose ici une méthode réellement applicable, consistant à se fixer une règle politique qui obligerait à se mettre en mouvement.

M. le président. Je vous demande de conclure, cher collègue.

M. Adrien Quatennens. Je vais conclure.

Par ailleurs, vous devez savoir, madame la secrétaire d'État, qu'il n'est pas possible de faire ce que vous appelez de vos vœux sans investir massivement, mais que le cadre actuel nous en empêche.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Stop !

M. le président. Je vous remercie.

M. Adrien Quatennens. Je termine, monsieur le président.

La différence entre vous et moi sur ce sujet, c'est que, contrairement à vous, je ne crois pas que, face à l'urgence temporelle, les petits ruisseaux puissent faire les grandes rivières : notre pays a besoin de grandes décisions politiques.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Je veux répondre !

M. le président. D'une phrase, madame la secrétaire d'État.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Il ne suffit pas de dire qu'il faut investir massivement ; il faut s'en donner les moyens. Or c'est exactement ce que nous sommes en train de faire,…

M. Adrien Quatennens. Les traités de l'Union européenne nous en empêchent !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État . …notamment au niveau européen.

Je suis entièrement d'accord avec vous pour dénoncer le fait que des banques et d'autres institutions financières investissent massivement dans des projets néfastes pour la planète. Non, ce n'est pas normal, il faut lutter contre, et c'est exactement ce que nous sommes en train de faire !

M. Adrien Quatennens. Vous faites le même constat que moi ! Tirez-en les leçons !

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. On pourrait continuer le débat !

M. le président. Nous allons clore cet échange riche et vif, dont je vous remercie tout en appelant à la maîtrise du temps de parole.