Question orale n° 638 :
Réforme du statut de l'élu local

15e Législature

Question de : M. Lionel Causse
Landes (2e circonscription) - La République en Marche

M. Lionel Causse interroge M. le ministre de l'intérieur sur le statut de l'élu local. Les conditions d'exercice des fonctions d'élus locaux ont profondément évolué depuis la loi NOTRE. Le temps nécessaire pour un élu local à la réalisation de ses missions nécessite un engagement, passionnant, mais chronophage pouvant aller jusqu'au temps plein. La multiplication des réunions, du fait notamment des intercommunalités, mobilise de manière croissante les élus. Dans les plus petites communes, les élus réalisent quotidiennement des missions normalement dévolues à des agents municipaux. Cette situation est à mettre en regard des indemnités très faibles des élus, de l'ordre de quelques centaines d'euros pour les plus petites communes, par rapport à la charge induite. Ramenée à l'heure, l'indemnité d'un élu local est de quelques euros. Très souvent, ces indemnités ne suffisent pas à compenser les dépenses liées à leur fonction. Les revalorisations de leurs indemnités, par des augmentations de la valeur du point d'indice de la fonction publique en 2016 et 2017, sont à mettre en regard de mesures qui sont venues les grever ces dernières années. Il en est ainsi de hausses de charges sociales (contribution sociale généralisée - CSG, cotisation pour le droit individuel à la formation - DIF, etc.) qui ont diminué leur montant net. Depuis le 1er janvier 2017, les indemnités de fonction sont fiscalisées au même titre que les autres revenus. Ce nouveau régime a des conséquences, en particulier pour les élus dont les indemnités de fonction sont supérieures à celles des maires des communes de moins de 500 habitants ou pour ceux qui poursuivent une activité professionnelle. La conciliation du mandat d'élu avec l'exercice d'une activité professionnelle est particulièrement difficile. Si des autorisations d'absence sont bien prévues, elles sont limitées aux séances de conseil municipal et à certaines réunions. Le crédit d'heures attribué à un conseiller communal d'une commune de moins de 3 500 habitants est de 7 heures par trimestre. Ces heures libérées par l'employeur pour l'exercice du mandat local ne sont pas rémunérées. La loi prévoit la prise en compte de ce temps pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations sociales. Si la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat a introduit un statut de salarié protégé pour certains élus, l'effectivité de celui-ci ne semble pas pleinement garantie comme le montrent des jurisprudences récentes. Enfin, leur fonction intrinsèquement précaire nécessite que leur réinsertion professionnelle, leur formation ou encore leurs droits sociaux acquis soient améliorés, plus encore si le nombre de mandats cumulés dans le temps venait à être limité. Aussi, il aimerait connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre afin de créer enfin un véritable statut de l'élu devenant nécessaire afin d'éviter une crise de l'engagement à la veille du renouvellement municipal de 2020.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2019

STATUT DE L'ÉLU LOCAL
M. le président. La parole est à M. Lionel Causse, pour exposer sa question, n°  638, relative au statut de l'élu local.

M. Lionel Causse. Les conditions dans lesquelles les élus locaux exercent leurs fonctions ont profondément évolué depuis la loi NOTRe, portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La réalisation des missions de l'élu local est passionnante mais chronophage, allant jusqu'à nécessiter un temps plein. En effet, la multiplication des réunions, dues notamment à l'intercommunalité, mobilise de plus en plus les élus. Dans les communes les plus petites, ceux-ci réalisent de surcroît quotidiennement des missions normalement dévolues à des agents municipaux. Cette charge est à mettre en regard des indemnités très faibles des élus : de l'ordre de quelques centaines d'euros pour les plus petites communes. Ramenée à l'heure, l'indemnité d'un élu local est de quelques euros et, très souvent, elle ne suffit pas à compenser les dépenses liées à leurs fonctions.

Les revalorisations des indemnités des élus par des augmentations de la valeur du point d'indice de la fonction publique, en 2016 et 2017, ont été grevées, ces dernières années, par plusieurs mesures, dont la hausse des charges sociales – la CSG, la contribution sociale généralisée, et la cotisation au DIF, le droit individuel à la formation –, qui ont réduit leur montant net. Depuis le 1er janvier 2017, les indemnités de fonction sont en outre fiscalisées au même titre que les autres revenus ; ce nouveau régime a notamment des conséquences pour les élus dont les indemnités de fonction sont supérieures à celles des maires des communes de moins de 500 habitants et pour ceux qui poursuivent une activité professionnelle.

Par ailleurs, il est particulièrement difficile de concilier un mandat d'élu avec l'exercice d'une activité professionnelle. Si des autorisations d'absence sont prévues, elles sont limitées aux séances du conseil municipal et à certaines autres réunions. Le crédit d'heures attribué à un conseiller communal d'une commune de moins de 3 500 habitants est de sept heures par trimestre, et ces heures libérées par l'employeur ne sont pas rémunérées. La loi prévoit que ce temps soit pris en compte pour la détermination de la durée des congés payés et du droit aux prestations sociales. Si la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leurs mandats introduit un statut de salarié protégé pour certains d'entre eux, son effectivité, d'après plusieurs jurisprudences récentes, ne semble pas pleinement garantie.

Enfin, la fonction intrinsèquement précaire de ces élus nécessite d'améliorer leur réinsertion professionnelle, leur formation et leurs droits sociaux acquis, particulièrement si le nombre de mandats cumulés dans le temps venait à être limité.

Aussi souhaiterais-je connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de créer un véritable statut de l'élu et éviter que ne se produise une crise de l'engagement à la veille du renouvellement municipal de 2020.

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur Causse, je vous remercie pour votre question qui me permet, à mon tour, de saluer l'engagement des 600 000 élus locaux de notre pays, dont la grande majorité – près des trois quarts – sont des bénévoles, qui incarnent la démocratie locale de proximité et exercent de surcroît un service public au profit de leurs concitoyens.

Le statut de l'élu local est un vieux dossier, bien connu sur les bancs de cet hémicycle. Il est devenu urgent que nous le fassions avancer dans la mesure où notre société connaît une crise globale de l'engagement qui touche l'engagement associatif mais aussi les élections municipales, notamment dans les villages ruraux les plus reculés. Dans la perspective des élections municipales de l'an prochain, il s'agit donc là d'un enjeu majeur.

Des travaux sur ce sujet ont été commis par le Parlement, à l'Assemblée nationale mais aussi au Sénat. Un rapport remis à Jacqueline Gourault il y a quelques semaines a permis de dessiner des perspectives et d'envisager des avancées.

La première de ces améliorations concerne le volet du régime social des élus locaux. La création d'un site dédié sur ameli.fr améliore l'information des élus locaux sur ce sujet et permet un meilleur traitement des questions de protection sociale.

La deuxième avancée, réalisée dans le cadre du PLF pour 2019, est l'augmentation, pour les communes de moins de 3 500 habitants, de la fraction représentative des frais d'emplois, qui ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. Pour ces communes, il s'agit tout de même d'un début de solution.

Il est également crucial d'améliorer tous les à-côtés de l'engagement. À cet effet, des travaux et des réflexions sont en cours, notamment avec la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale. Il nous faut ainsi faire progresser nettement le droit individuel qu'est le droit à la formation.

Le sujet du statut des élus locaux est d'autant plus complexe qu'il touche aussi à la question des finances communales. Il n'est pas rare que les élus dirigeant des collectivités locales souhaitent prendre des mesures afin de mieux accompagner leurs collègues, mais ils ne veulent pas pour autant augmenter les sommes qui y sont consacrées. La question des indemnités est particulièrement délicate dans l'actuel climat d'« élus-bashing ».

Nous sommes ouverts à toutes les solutions proposées. Il est à craindre que, pour la première fois, il soit difficile, dans certains villages ruraux, de constituer des listes complètes de candidats aux élections municipales de 2020. Nous avons donc collectivement le devoir impérieux de trouver, au cours de cette année, des solutions aussi réalistes que possible.

M. le président. La parole est à M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Un point est essentiel : si l'on veut voir des ouvriers et d'autres salariés s'engager dans des mandats d'élus, il faut pouvoir leur garantir un revenu ainsi qu'une réinsertion professionnelle. Certains pays garantissent le maintien du salaire. Peut-être faut-il réfléchir dans cette direction. Quoi qu'il en soit, je remercie beaucoup le Gouvernement de sa volonté d'avancer sur tous ces sujets.

Données clés

Auteur : M. Lionel Causse

Type de question : Question orale

Rubrique : Élus

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2019

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