Question orale n° 645 :
Difficultés des PME de la filière spatiale - Principe de retour géographique

15e Législature

Question de : M. Christophe Blanchet
Calvados (4e circonscription) - La République en Marche

M. Christophe Blanchet attire l'attention de Mme la ministre des armées sur les difficultés rencontrées par les PME de la filière spatiale française pour accéder aux appels d'offre et aux marchés de l'Agence spatiale européenne (ASE) en comparaison des grands groupes, plus particulièrement à cause du principe de retour géographique qui y est appliqué. M. le député a appelé l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur ce sujet par courrier, et il lui a été répondu en octobre 2018 que le Gouvernement avait entamé des discussions avec ses principaux partenaires au sein de l'Agence pour y remédier, mais que cela prendrait du temps. Alors que l'entreprise honfleuraise ACMH Aerospace et Defence a encore perdu un contrat face à un concurrent britannique quand le Royaume-Uni s'apprête pourtant à quitter l'Union européenne, il lui demande où en sont les discussions évoquées et ce que le Gouvernement entend faire pour promouvoir davantage les PME de la filière spatiale.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2019

PME DE LA FILIÈRE SPATIALE
M. le président. La parole est à M. Christophe Blanchet, pour exposer sa question, n°  645, relative aux PME de la filière spatiale.

M. Christophe Blanchet. Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, la Revue stratégique de défense et sécurité nationale de 2017 a rappelé l'importance cruciale que revêt l'espace pour l'ensemble de nos missions. Si la France reste une puissance spatiale de premier ordre, c'est naturellement grâce à ses grands groupes aérospatiaux. Je souhaite toutefois évoquer les petites et moyennes entreprises – PME – d'excellence qui y contribuent autant, et qui essaiment sur nos territoires. Je tiens à témoigner ici des difficultés qu'elles rencontrent dans l'accès à certains appels d'offres – notamment aux marchés de l'Agence spatiale européenne – ASE.

L'ASE applique un principe de « retour géographique » selon lequel elle passe ses commandes auprès des industries des États au prorata de leur contribution financière. Or les grands groupes français consomment, à eux seuls, la totalité de leur quote-part, privant les PME de cette aide, ce qui les met en situation de concurrence déloyale en Europe, au risque qu'elles délocalisent leurs activités.

Même le ministère des affaires étrangères reconnaît un manque d'efficacité et des distorsions de concurrences. Plus grave encore, nos propres grands groupes préfèrent acheter plus cher, moins bien, un produit qu'une PME française peut créer, précisément parce qu'acheter français reviendrait à réduire l'enveloppe de retour géographique dans laquelle ils puisent. Ainsi, l'entreprise ACMH – Ateliers de construction mécanique de Honfleur –Aerospace & Defence, dans ma circonscription, a encore vu un contrat lui passer sous le nez au bénéfice des Britanniques, alors même que nous sommes en plein Brexit.

Peut-être me rappellerez-vous, madame la ministre, l'existence du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE. Mais il ne peut représenter qu'une part très modeste du financement, et il comporte des risques quand le retour géographique peut atteindre 70 % des investissements. Madame la ministre, c'est la France qui décide, en dernier recours, quels types de produits et de services entrent dans le calcul du retour géographique. Nous savons que la France a d'ores et déjà entamé des discussions avec l'Agence spatiale européenne sur le sujet des distorsions de concurrences. Au-delà de ces questions qui relèvent de la compétence du ministère des affaires étrangères, pouvez-vous me dire ce que le Gouvernement entend faire pour soutenir les PME de ce secteur ô combien stratégique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Monsieur le député Blanchet, l'industrie spatiale française, secteur stratégique et d'excellence nationale, représente une filière clé de notre économie. Elle a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires de 4,6 milliards d'euros, en croissance de près de 5 % par rapport à 2016, et représente plus de 16 000 emplois directs hautement qualifiés. Cette industrie a également un fort effet d'entraînement sur d'autres secteurs d'activité, fournisseurs ou bénéficiaires de services satellitaires.

Vous l'avez rappelé, il est en effet capital que les entreprises françaises, en particuliers les PME, puissent bénéficier pleinement des contrats industriels issus des programmes de l'ASE. Le principe de retour géographique, s'il ne présente pas que des inconvénients, conduit parfois, comme vous le soulignez justement, à des inefficiences dans les grands programmes spatiaux européens, à l'heure où la concurrence s'intensifie sur les marchés internationaux. Néanmoins, un certain nombre de PME maîtrisent des technologies et des compétences clés dans le cadre de la stratégie spatiale de la France et parviennent à obtenir un nombre significatif de contrats de l'ASE.

Des discussions sont en cours afin de faire évoluer la politique industrielle de l'Agence. Les solutions à l'étude sont de deux types. La première voie envisagée serait de réserver une part entre 3 et 5 % du retour géographique national aux PME. L'Allemagne a déjà mis en pratique cette mesure dans deux programmes ASE. Une autre solution envisagée tendrait à intensifier et à inciter plus fortement les coopérations entre les maîtres d'œuvre et les PME dans les programmes technologiques amont. La France consacre déjà une part significative de la dotation de son programme optionnel de technologie à des actions menées par des PME innovantes. Ces discussions ne sont pas encore achevées mais nous y reviendrons une fois qu'un accord sera défini.

Pour ce qui est de la société ACMH, elle est, vous le savez, en grande partie dépendante de marchés spécifiques passés sous la responsabilité de l'ASE dans le cadre, notamment du programme Ariane. Je rappelle seulement que les grands groupes français du secteur spatial ne proposent pas les produits commercialisés par cette société, et ne peuvent donc capter des contrats à son détriment. Reste néanmoins, vous l'avez souligné, la question de la répartition potentielle du retour géographique. Le projet de délocalisation de cette société comme ses difficultés actuelles pourraient donc s'expliquer par d'autres causes que celles attachées aux limites du principe du retour géographique. Les services de l'État resteront bien sûr vigilants et examineront avec une grande attention tout projet de transformation de cette entreprise afin de garantir à la fois l'activité et l'emploi dans ce territoire.

M. le président. La parole est à M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre. En effet cette entreprise mérite d'être suivie et vous en avez bien saisi tous les problèmes. À la veille des élections européennes, c'est aussi un enjeu que de défendre ce secteur afin de rétablir une égalité de traitement entre les PME et les grands groupes.

Données clés

Auteur : M. Christophe Blanchet

Type de question : Question orale

Rubrique : Espace et politique spatiale

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2019

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