Difficultés rencontrées par la filière betteravière
Question de :
Mme Marguerite Deprez-Audebert
Pas-de-Calais (9e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
Mme Marguerite Deprez-Audebert attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les difficultés de la filière betteravière. La filière betteravière française connaît une période difficile avec la fin des quotas sucriers, doublée de mauvaises conditions climatiques. En avril 2018, l'Union européenne a interdit trois substances néonicotinoïdes très nocives pour les abeilles, l'imidaclopride, le thiaméthoxame et la chlothianidine. 99 % des semences de betterave utilisées en France sont traitées avec des substances néonicotinoïdes. C'est la raison pour laquelle douze États européens ont d'ores et déjà demandé des dérogations. La betterave sucrière étant récoltée avant floraison, elle ne présente donc pas de risque pour les insectes pollinisateurs. Les concurrents extra-européens - Russie, États-Unis ou Turquie - ne s'embarrasseront pas de telles questions sanitaires. Sa question est double, elle lui demande quel est l'état de ses échanges avec ses homologues européens pour parvenir à une position commune sur les néonicotinoïdes et quelle stratégie il compte mettre en place pour soutenir la filière betteravière française, afin qu'elle traverse cette période difficile dans les meilleures conditions possibles tout en tenant le cap de la diminution des produits phytosanitaires. À l'horizon 2030, avec le développement des biocarburants, la filière des betteraves sucrières est appelée à connaître une forte croissance. Il est donc essentiel pour l'agriculture et l'économie françaises que la filière soit pérennisée dans les prochaines années.
Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2019
DIFFICULTÉS DE LA FILIÈRE BETTERAVIÈRE
M. le président. La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert, pour exposer sa question, n° 654, relative aux difficultés de la filière betteravière.
Mme Marguerite Deprez-Audebert. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés d'une filière pourtant bien réputée et profitable : la filière betteravière.
Mes collègues des Hauts-de-France sont tout aussi préoccupés que moi car, au-delà des récentes conditions climatiques, qui, vous le savez, ont nui à son rendement, la filière betteravière de notre pays connaît une période difficile, pour deux raisons : la fin des quotas sucriers entraîne une baisse plus importante que prévue du cours du sucre ; la consommation de sucre est appelée à diminuer puisque nous faisons tout pour la restreindre dans l'alimentation – ce qui est une bonne chose. La fermeture programmée des usines Südzucker est une manifestation tangible de ces événements.
Rappelons qu'en avril 2018, l'Union européenne a interdit trois substances néonicotinoïdes, très nocives pour les abeilles : l'imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine. Or 99 % des semences de betterave utilisées en France sont traitées avec des substances néonicotinoïdes. C'est la raison pour laquelle douze États européens ont d'ores et déjà demandé des dérogations. La betterave sucrière étant récoltée avant floraison, elle ne présente pas de risque pour les insectes pollinisateurs. Par ailleurs, nos concurrents extra-européens – Russie, États-Unis ou Turquie – ne s'embarrassent pas de telles questions sanitaires. De plus, nous sommes persuadés qu'avec le développement des biocarburants, cet or vert que constitue le bioéthanol, la filière voit s'ouvrir de nouvelles perspectives. Il est donc essentiel pour l'agriculture et l'économie françaises que celle-ci soit préservée et pérennisée dans les prochaines années.
Monsieur le ministre, ma question est double. Quel est l'état de vos échanges avec vos homologues européens pour parvenir à une position commune sur les néonicotinoïdes ? Quelle stratégie mettre en place pour soutenir la filière betteravière française, afin qu'elle traverse cette période difficile dans les meilleures conditions possibles, tout en tenant le cap de la diminution des produits phytosanitaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame Deprez-Audebert, répondre à toutes vos questions en deux minutes va être compliqué ! Je vais donc essayer d'aller au plus court.
Tout d'abord, la situation de la filière sucrière dans le monde est inquiétante, les difficultés actuelles s'expliquant par la surproduction de sucre et la baisse durable des coûts. Je rencontrerai les représentants de la filière betteravière dans les heures ou les jours à venir pour continuer à travailler.
S'agissant de Südzucker, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer. Cette entreprise allemande a choisi de conserver ses sites en Allemagne et de fermer des sites en Pologne et en France. Cela peut se comprendre, pour des motifs de restructuration, du point de vue allemand, mais pas du point de vue français. Je trouve inacceptable, avec l'ensemble de l'exécutif, le choix qui a été fait de fermer les sites français en laissant des personnels à l'intérieur pour échapper aux PSE – plans de sauvegarde de l'emploi – et empêcher une reprise. Nous travaillons à faire évoluer la position de Südzucker afin de rendre possibles des reprises, parce que nous croyons, pour notre part, que la courbe des cours du sucre peut se modifier au cours des prochaines années et qu'il existe une possibilité industrielle pour avancer. La filière betteravière et sucrière en France n'est pas finie ; elle a encore de l'avenir, je tiens à le réaffirmer dans l'hémicycle ce matin.
Quant à la question particulière que vous posez sur les produits phytopharmaceutiques, la décision a été prise par la France d'interdire les trois substances néonicotinoïdes que vous avez évoquées. Cela me semble aller dans le bon sens – je parle devant Brune Poirson, qui ne me démentira pas. La lutte pour se défaire de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques est absolument indispensable, en Europe et en France.
La France est leader en la matière : elle veut être le premier pays en Europe à arrêter cette dépendance aux produits néonicotinoïdes, au glyphosate et à tous les produits phytopharmaceutiques, c'est absolument indispensable. Nous travaillons à faire en sorte que le standard européen soit non pas à la baisse, dans une logique de dumping, mais à la hausse, pour que l'ensemble des pays européens utilisant des substances que nous allons interdire en France ne contribuent pas à pratiquer une concurrence déloyale. Tel est le travail que le Président de la République m'a demandé de mener auprès de mes collègues européens, ministres de l'agriculture, afin que tous les pays fassent monter les standards.
Nous serons tous d'accord, je pense, dans cet hémicycle, pour dire que nous devons aller vers la fin de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques, appliquer le principe de précaution, afin de placer la santé au centre de nos préoccupations sans que cela ne mette à mal les filières économiques agricoles, dont la filière sucrière.
C'est pourquoi, précisément, nous travaillons à des alternatives. J'évoquais précédemment l'agroécologie, secteur avec lequel nous avançons bien, et nous aurons sans doute des nouvelles à annoncer dans les prochaines semaines.
En tout cas, soyez assurée, madame la députée, que nous veillons : je surveille moi-même, comme le lait sur le feu, la situation de la filière sucrière en France ; je ne laisserai pas une entreprise allemande mettre à mal l'emploi de centaines de salariés et la filière sucrière française.
M. le président. La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert.
Mme Marguerite Deprez-Audebert. Démonstration est faite, une fois encore, de la nécessité d'obtenir de la convergence et de l'harmonisation au niveau européen. C'est vraiment un combat indispensable, de tous les instants.
J'aurais souhaité que vous me répondiez aussi sur le bioéthanol, cet or vert, notamment, du territoire des Hauts-de-France. C'est un carburant de proximité, distribué en circuit court, moins cher que celui qui vient de loin.
M. Didier Guillaume, ministre . C'est un carburant d'avenir, et nous allons y arriver !
Auteur : Mme Marguerite Deprez-Audebert
Type de question : Question orale
Rubrique : Agroalimentaire
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2019