15ème législature

Question N° 659
de Mme Laetitia Avia (La République en Marche - Paris )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Égalité femmes hommes
Ministère attributaire > Égalité femmes hommes

Rubrique > femmes

Titre > verbalisation des outrages sexistes

Question publiée au JO le : 08/03/2018
Réponse publiée au JO le : 08/03/2018 page : 1587

Texte de la question

Texte de la réponse

VERBALISATION DES OUTRAGES SEXISTES


Mme la présidente. La parole est à Mme Laetitia Avia, pour le groupe La République en marche.

Mme Laetitia Avia. Madame la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, « je verbaliserai le harcèlement de rue ».

Un député du groupe LR . Amen !

Mme Laetitia Avia. Tels sont les mots qu'Emmanuel Macron, candidat à la présidence de la République, prononçait il y a tout juste un an, à vos côtés, lors de la présentation de son programme pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Et pourtant, que de railleries à l'idée que l'on fasse de la sécurité des femmes dans la rue la priorité d'un programme présidentiel ! Que de scepticisme quand vous avez lancé, avec Nicole Belloubet et Gérard Collomb, le groupe de travail sur la verbalisation du harcèlement de rue en octobre dernier ! Mais c'était avant. Avant l'affaire Weinstein, avant les hashtags médiatiques, avant cette libération de la parole et surtout, comme cela a été souligné, la libération de l'écoute.

L'espace public n'est pas un lieu neutre pour toutes celles qui doivent redoubler d'ingéniosité afin de trouver des stratégies d'évitement, changer de trottoir, feindre des conversations téléphoniques afin de ne pas avoir à subir de comportements sexistes, dégradants, humiliants et insistants, sous couvert de drague lourde.

Notre groupe de travail vous a remis vingt-trois recommandations, dont la définition d'une nouvelle infraction pénale : l'outrage sexiste et sexuel, qui ferait l'objet d'une amende forfaitaire de 200 euros, potentiellement ramenée à 90 euros en cas de paiement immédiat. Nous proposons également, en cas de circonstances aggravantes, de récidive ou si des mineurs sont concernés, d'imposer le suivi d'un stage de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes. Enfin, parce que nous souhaitons que cet interdit soit surtout impensable demain, nous proposons de renforcer l'éducation dès le plus jeune âge et tout au long du parcours de citoyenneté de nos jeunes.

Mme Émilie Bonnivard. Quelle est votre question ?

Mme Laetitia Avia. Madame la secrétaire d'État, dans l'attente de votre prochain projet de loi, pouvez-vous nous indiquer quelles orientations vous avez retenues pour mieux protéger celles qui revendiquent la liberté de ne pas se faire importuner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

M. Michel Herbillon. Allô, Allô ? Voilà une question inattendue !

Mme la présidente. Allons, mon cher collègue ! Je donne la parole à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, et à elle seule.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame Avia, il y a un an, nous étions effectivement ensemble au théâtre Antoine, avec celui qui allait devenir Président de la République et Mounir Mahjoubi, qui introduisit cet événement. Emmanuel Macron s'était alors engagé à verbaliser le harcèlement de rue.

Depuis, un groupe de cinq députés s'est constitué, qui a remis à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, à Mme la garde des sceaux et à moi-même plusieurs propositions visant à assurer l'intégrité physique et la sécurité des femmes dans l'espace public.

Qu'est-ce que le harcèlement de rue ? C'est ce qui fait que huit jeunes femmes sur dix ont peur quand elles sortent toutes seules le soir, en France, en 2018. On a effectivement entendu parler de liberté de séduction, de liberté d'importuner. Mais le harcèlement de rue, la réalité de ce que nous avons appelé « outrage sexiste », ce n'est pas un passant qui vous fait gentiment une révérence et un compliment. Ce n'est pas comme au cinéma, dans Les Enfants du paradis, un homme qui vous suit pour vous déclamer : « Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.) Non, le harcèlement de rue, ce n'est pas cela. Le harcèlement de rue, ce sont des femmes intimidées, menacées, suivies ; c'est l'extrême limite avant l'agression sexuelle.

Nous sommes en train d'examiner les propositions formulées par votre groupe de travail. Nous avons écrit la première version d'un projet de loi qui est actuellement en lecture au Conseil d’État. Nous retenons votre proposition d'introduire une amende de classe 4 : les forces de l'ordre pourront verbaliser en flagrant délit, comme l'a indiqué le ministre d'État, ministre de l'intérieur. Nous retenons également votre proposition d'instituer des stages, ainsi que celles relatives à l'éducation, qui ont été annoncées hier par le ministre de l'éducation nationale et qui seront également passées en revue lors du comité interministériel.

Il ne s'agit pas de morale. Comme l'écrivait Nietzsche, il n'y a pas de phénomènes moraux, mais une interprétation morale des phénomènes. Il ne s'agit pas de morale, je le répète, mais de liberté : la liberté d'aller et de venir paisiblement en République française. (Mmes et MM. les députés des groupes REM et MODEM se lèvent et applaudissent.)