Modalités de production de logements sociaux
Question de :
M. Martial Saddier
Haute-Savoie (3e circonscription) - Les Républicains
M. Martial Saddier attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les modalités de production de logements sociaux, imposées par la loi SRU du 13 décembre 2000. Sans contester la nécessité d'une production soutenue de logements sociaux en France pour répondre à une demande croissante, plusieurs aspects de cette loi comportent des effets pervers. Tout d'abord, la base de référence servant au calcul des objectifs de production de logements sociaux prend en compte la totalité des logements situés sur la commune, y compris les logements sociaux. Cela aboutit ainsi à un effet pervers puisque la construction de logements sociaux augmente elle-même la base de calcul et crée donc de nouvelles obligations pour la commune par effet d'accumulation logarithmique. Ainsi, l'objectif de 25 % de logements sociaux de la loi SRU crée, par effet d'accumulation, une obligation réelle d'en construire près de 30 % en réalité. Par ailleurs, cette production effrénée de logements sociaux pour la plupart des communes n'est pas sans incidence financière : en effet, chaque opération immobilière avec un bailleur social aboutit à une accumulation des garanties des prêts accordés aux bailleurs sociaux par les communes, alors même que celles-ci ne maitrisent pas la solvabilité financière de ces opérateurs. Certaines communes se retrouvent ainsi aujourd'hui à supporter des garanties qui dépassent la totalité de leur budget annuel. De surcroît, de nombreuses communes consentent des efforts financiers importants pour favoriser le logement social, souvent en revendant à perte des emprises foncières municipales. Enfin, la loi n° 2017-86 relative à l'égalité et à la citoyenneté (LEC) du 27 janvier 2017 prévoit désormais que les communes sont tenues de consacrer 25 % de leur contingent aux candidats en grande urgence sociale. Cette disposition a pour conséquence une dilution du contingent réservataire des communes, qui était initialement prévu en contrepartie de la garantie des emprunts. Face à ces problématiques, il lui demande si le Gouvernement envisage une réforme de la loi SRU afin de corriger ces effets pervers et soutenir les collectivités dans leur effort de production de logements sociaux.
Réponse publiée le 11 juin 2019
Dans le cadre de la discussion parlementaire préalable à la promulgation de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), le législateur a procédé à quelques ajustements du dispositif issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), tout en conservant son équilibre, s'agissant de son périmètre d'application et du niveau des obligations assignées aux communes en matière de logement social (20 ou 25% des résidences principales). Le dispositif tel qu'issu de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, et inchangé par Elan, permet d'exempter de cet effort, les communes situées dans des aggomérations, dans des secteurs isolés, mal desservis, et peu attractifs aussi bien pour les ménages modestes que pour les bailleurs sociaux. Le mécanisme en vigueur permet également de suppirmer les obligations de développement de l'offre dans des communes fortement contraintes, dont plus de la motié du territoire urbanisé est grevé par des servitudes ou des dispositions limitant trop fortement ou interdisant la construction (plan de protection des risques, plan d'exposition au bruit, servitudes environnementales…). Le Gouvernement a soutenu des ajustements au dispositif, dans le cadre de la loi Elan, pour apporter des solutions pragmatiques à des difficultés soulevées par les collectiviéts (modification du seuil communal d'application de la loi en Île-de-France - relèvement du seuil de 1 500 habitants à 2 500 habitants, hors agglomération parisienne -, adaptation du rythme et des objectifs de rattrapage SRU pour les communes nouvellement soumises aux obligations SRU depuis 2015, en offrant 5 périodes triennales pleines pour atteindre le taux légal par dérogation à l'échéance de 2025, création d'un dispositif expérimental de mutualisation à l'échelle intercommunale…). Ont été également intégrés au décompte SRU des logements assimilés à des logements sociaux, les logements en accession financés en prêts sociaux location-accession (PSLA) et ceux faisant l'objet d'un bail réel et solidaire, qui s'ajoutent aux logements du parc privé mobilisés à des fins sociales et conventionnés social ou très social. Le flux de logements à développer n'est donc pas exclusivement constitué de logement social au sens strict. S'agissant de l'impact du dispositif SRU sur les finances communales, il convient de rappeler que les prélèvements SRU opérés annuellement sont plafonnés de 5 à 7,5 % des dépenses de fonctionnement communales, et qu'ils ne sont donc pas de nature à bouleverser l'équilibre des finances locales. En outre, toutes les dépenses exposées par les communes en faveur du développement de l'offre sociale de logement, notamment s'agissant des moins-values foncières, sont déductibles des prélèvements SRU. C'est ainsi qu'au niveau national, près de 116 M€ de dépenses ont été défalquées des prélèvements « bruts » 2018, ramenant à 0 € le prélèvement pour 30 % des 1 072 communes soumises à rattrapage. Ainsi, les communes qui veulent respecter la loi, répondre aux aspirations de nos concitoyens les plus modestes, et mettre en œuvre des politiques volontaristes pour ce faire, ne voient pas nécessairement leurs finances communales amputées par le prélèvement SRU. Et la délivrance des garanties de prêts aux bailleurs sociaux n'aggrave pas cette situation, puisqu'elles ne sont quasiment jamais activées, le niveau de risque du secteur étant très faible. Le Gouvernement n'entend pas aujourd'hui modifier davantage l'équilibre du dispositif SRU, même s'il reste attentif aux difficultés rencontrées par les territoires dans l'application de la loi.
Auteur : M. Martial Saddier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Cohésion des territoires
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Dates :
Question publiée le 20 mars 2018
Réponse publiée le 11 juin 2019