15ème législature

Question N° 668
de M. Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI, Agir et Indépendants - Lozère )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > politique carcérale

Question publiée au JO le : 08/03/2018
Réponse publiée au JO le : 08/03/2018 page : 1595

Texte de la question

Texte de la réponse

POLITIQUE CARCÉRALE


Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.

M. Pierre Morel-À-L'Huissier. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux. Régulièrement pointé du doigt, le système carcéral français est à bout de souffle. Les maux qui accablent notre système sont bien connus : surpopulation carcérale, conditions de détention indignes, taux de récidive élevé. Conscient de l'urgence d'agir, le Président de la République a annoncé poursuivre la construction de 7 000 places de prisons supplémentaires et le développement de peines alternatives à la prison.

Cela dit, je ne vois pas apparaître, dans les propositions du Président de la République, un mode d'incarcération alternatif utilisé par beaucoup de pays, à savoir les prisons dites « ouvertes ». De conception plus conviviale, ces prisons mettent l'accent sur la réinsertion mais aussi sur le respect de l'individu. Ce mode d'incarcération alternatif semble avoir fait ses preuves : taux de récidive plus faible, taux d'emploi meilleur à la sortie, coût journalier d'incarcération inférieur, taux d'évasion et de suicide largement contenus. En Norvège par exemple, 70 % des établissements pénitentiaires ont désormais recours au modèle ouvert. En France, seule une prison fonctionne sur ce modèle depuis plus de soixante-dix ans : la prison de Casabianda.

Les chantiers de la justice ouverts par le Gouvernement sont l'occasion d'une réforme ambitieuse. Sous l'impulsion de la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, plusieurs de mes collègues et moi-même travaillons sur ce sujet et sommes allés sur place, au Danemark, visiter ce type d'établissements. Cette semaine, un rapport publié par le think tank GenerationLibre et le Conseil de l’ordre des avocats de Paris a proposé la création de 5 000 places en centres de détention ouverts d'ici à la fin du quinquennat.

Madame la garde des sceaux, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet et sur la perspective d'une expérimentation dans des régions pilotes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe REM.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question qui retient tout l'intérêt du Gouvernement. Le Président de la République a présenté hier une nouvelle politique de la peine axée sur une conception renouvelée du sens de la peine.

M. Pierre Cordier. Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Aurélien Pradié. C'est une belle phrase, mais que fait-on avec ça ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il va de soi que cette conception renouvelée repose à la fois sur l'effectivité de la peine et sur la dignité des conditions de détention. Il va de soi que nos peines, nos sanctions n'auront d'efficacité que si elles empêchent réellement la récidive. Pour cela, force est d'admettre que nous avons besoin de conditions de détention adaptées aux sanctions qui ont été prononcées.

C'est la raison pour laquelle, je le dis ici clairement, oui, nous avons besoin de maisons d'arrêt à sécurité renforcée ; oui, nous avons besoin de centres de détention pour des peines longues ; oui, nous avons aussi besoin de quartiers de préparation à la sortie pour des détenus en fin de peine qui ont besoin de se réinsérer – pour cela, les conditions de détention, peut-être, méritent d'être différenciées de celles précédemment énoncées – ; et oui, nous avons besoin de prisons à sécurité adaptée, sur le modèle des prisons ouvertes que vous avez évoquées, qui permettent effectivement de prendre en charge des condamnés dans des conditions différentes.

Dans ce type d'établissements – nous souhaiterions développer, dans le cadre de ce quinquennat, une quinzaine d'établissements, qui devraient pouvoir accueillir une centaine de détenus, peut-être davantage : les choses restent à préciser, en fonction d'ailleurs du travail de votre commission des lois –, le suivi des détenus sera singulier, leur relation avec leur environnement familial sera favorisée pour une meilleure réinsertion et, surtout, nous pourrons y développer de véritables activités de travail et d'autres types de prise en charge. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM, MODEM et UDI-Agir.)