15ème législature

Question N° 681
de Mme Valérie Rabault (Nouvelle Gauche - Tarn-et-Garonne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > intervention de l'armée turque en Syrie

Question publiée au JO le : 14/03/2018
Réponse publiée au JO le : 14/03/2018 page : 1755

Texte de la question

Texte de la réponse

INTERVENTION DE L'ARMÉE TURQUE EN SYRIE


M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Nouvelle Gauche.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ma question, qui fait écho à celles qui vous ont déjà été adressées à plusieurs reprises, porte sur l'attaque par l'armée turque du canton kurde d'Afrin au nord-ouest de la Syrie depuis le 20 janvier dernier. Le bilan de cette attaque est déjà lourd : plus de 200 civils auraient été tués, sans compter les pertes au sein des unités de protection du peuple kurde.

Afrin, qui compte 500 000 habitants, est depuis quelques jours encerclée par l'armée turque, ce qui suscite de sérieuses craintes pour la sécurité des populations civiles.

Pour nous Français, cette attaque est inquiétante : inquiétante, parce qu'elle ne saurait s'apparenter à une quelconque légitime défense, puisque les Kurdes de Syrie n'ont pas attaqué la Turquie ; inquiétante sur le plan humanitaire ; inquiétante enfin parce que, comme l'a dit l'ancien président de la République, « il n'est pas possible de laisser mourir des populations entières dont on sait qu'elles ont joué un rôle déterminant » dans la lutte contre Daech. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur plusieurs bancs du groupe NG.)

Monsieur le ministre, le ministre de la défense que vous étiez il y a un an reconnaît-il, oui ou non, que les Kurdes ont apporté une aide à la coalition internationale dans la lutte contre Daech, permettant notamment de reconquérir la ville de Raqqa ? Si le ministre de la défense que vous étiez confirme qu'une aide a bien été apportée par les Kurdes, comment le ministre des affaires étrangères que vous êtes devenu envisage-t-il aujourd'hui de protéger nos alliés kurdes face à la Turquie ?

Enfin, monsieur le ministre, un mot sur la Ghouta et la Russie : sur le compte twitter de l'ambassadeur de France à l'ONU, il est écrit : « Chacun sait aussi que la Russie peut faire arrêter ce bain de sang ». Confirmez-vous ce propos ? Si oui, avez-vous exigé de la Russie qu'elle arrête ce bain de sang ? (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.)

M. André Chassaigne. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la députée, je suis même allé le dire à Moscou ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM et sur quelques bancs du groupe LR.) Vous le voyez, je n'ai pas peur de dire les choses.

M. Pierre Cordier. Même pas peur !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . S'agissant de l'action menée par la Turquie depuis une cinquantaine de jours dans le canton d'Afrin et de la situation dans cette ville, je partage vos inquiétudes. La situation est critique et grave : je l'ai encore dit il y a un instant.

Je ferai quatre observations. La première est que, s'il convient de reconnaître, quand on connaît la configuration de la zone – je pense que c'est votre cas –, que le souci de la frontière est légitime aussi pour la Turquie,…

M. Jean-Paul Lecoq. Les Kurdes syriens ne sont jamais entrés en Turquie !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . …en même temps, il convient d'ajouter que cette préoccupation ne justifie absolument pas l'action en profondeur des troupes turques sur la zone d'Afrin. On ne peut pas être plus clair. Il faut le dire, et nous le disons.

Un député du groupe NG . Pas assez fort !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . Deuxième observation : je rappelle que la lutte contre Daech est la première raison de notre engagement militaire au Levant et que c'est une priorité de sécurité nationale. Or nous craignons que l'action de la Turquie n'aboutisse là à affaiblir la pression mise sur les moyens restants de Daech en Syrie, alors que c'est l'enjeu principal – vous savez par quels moyens cette pression peut se réduire.

Troisième observation – je l'ai dit il y a un instant et je vous le répète, madame Rabault : la résolution 2401 du Conseil de sécurité des Nations unies, soutenue très largement par la France, concerne une trêve humanitaire qui s'impose à tous, y compris à Afrin et à Idlib.

Quatrième et dernière observation : la raison principale de notre détermination sur le sujet est que nous avons une relation très ancienne avec les Kurdes et que nous reconnaissons le rôle essentiel qu'ils ont joué dans la reprise de Raqqa. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)