Question orale n° 696 :
Droits sociaux, santé et conditions de suivi des chômeurs

15e Législature

Question de : Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise

Mme Mathilde Panot interroge Mme la ministre du travail sur les droits sociaux, la santé et les conditions de suivi des chômeurs La question que Mme la députée entend soulever à l'occasion de cette semaine de contrôle mérite une attention toute particulière. En effet, l'une des dimensions centrales du droit social français est l'accès à la santé pour les travailleurs. C'est en ce sens qu'une visite annuelle à la médecine du travail est obligatoire. La pérennité de ce droit pour les citoyens qui perdent leur emploi n'est pour l'heure pas assurée. Il s'agit d'une situation extrêmement préoccupante tant elle est déconnectée de la réalité vécue par les chômeurs. En effet, une étude de l'INSERM réalisée en 2015 montre que 10 000 à 15 000 décès par an sont liés au chômage. L'alarme doit être lancée et le Gouvernement doit tenter de trouver des solutions rapides et immédiates pour accompagner les chômeurs dans ce moment toujours difficile dans l'existence des citoyens. Le traumatisme psychologique lié à la perte d'emploi est l'un des facteurs majeurs de dépression et de suicide. Le risque de suicide pour les personnes au chômage est deux fois plus élevé que pour le reste de la population. Les comportements addictifs se multiplient et un ancien fumeur sur deux fume de nouveau une fois son emploi perdu. Leur espérance de vie est plus courte que celle du reste des Français. La politique générale du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage est désastreuse tant elle aggrave ces facteurs à risque, la difficulté de plus en plus grande de trouver un emploi correspondant à ses qualifications accroît les dangers pour la santé des chômeurs. Les logiques de contrôle de plus en plus resserrées et oppressantes pour les individus vont dans le même sens, aucune prévention en termes de santé, mais des situations de stress montées de toutes pièces par des gouvernants qui ont oublié de voir les gens derrière les chiffres de leurs tableaux Excel. À l'embauche, une visite médicale est obligatoire. Il faudrait qu'elle le soit également au début de la période de chômage, afin que tous soient informés des risques qu'elle implique. Une deuxième visite devrait être programmée à l'issue de la première année de chômage. Elle devrait être convoquée par Pôle emploi pour les chômeurs qui y sont inscrits et par la CAF pour ceux qui n'y sont pas inscrits. Elle doit avoir lieu à la médecine du travail. Enfin, la question de la continuité de ces droits sociaux se pose également pour l'accès aux mutuelles, maintenue pour une durée arbitraire de neuf mois, alors qu'il serait plus juste que cet accès devrait être garanti jusqu'à la reprise d'emploi. Cet accès devrait être financé par l'employeur qui, par sa décision de licencier, doit assumer financièrement les risques liés aux impacts sur la santé des travailleurs. Elle souhaiterait connaître la position du ministère sur ces deux points précis : visites médicales obligatoires pour les chômeurs et continuation de l'accès aux mutuelles. Ces revendications sont portées au niveau national par l'APEIS et s'appuient sur les travaux du professeur Michel Debout.

Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019

DROITS SOCIAUX, SANTÉ ET CONDITIONS DE SUIVI DES CHÔMEURS
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, n°  696, relative aux droits sociaux, à la santé et aux conditions de suivi des chômeurs.

Mme Mathilde Panot. Madame la ministre, l'une des dimensions centrales de notre droit social est l'accès à la santé pour les travailleurs. C'est pourquoi une visite annuelle à la médecine du travail est obligatoire.

Cependant, la pérennité de ce droit pour nos concitoyens qui perdent leur emploi n'est pour l'heure pas assurée. Il s'agit d'une situation extrêmement préoccupante, tant elle est déconnectée de la réalité vécue par les chômeurs. En effet, une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale réalisée en 2015 montre que 10 000 à 15 000 décès par an sont liés au chômage.

L'alarme doit être lancée, et le Gouvernement doit tenter de trouver des solutions rapides et immédiates en vue d'accompagner les chômeurs dans ce moment toujours difficile. Le traumatisme psychologique lié à la perte d'emploi est en effet l'un des facteurs majeurs de dépression et de suicide. Ainsi, le risque de suicide pour les personnes au chômage est deux fois plus élevé que pour le reste de la population. Les comportements addictifs se multiplient : un ancien fumeur sur deux fume de nouveau une fois son emploi perdu, et l'espérance de vie des personnes au chômage est plus courte que celle du reste des Français.

La politique générale du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage – ou plutôt, devrais-je dire, en matière de lutte contre les chômeurs – est désastreuse, tant elle aggrave ces facteurs de risque. La difficulté de plus en plus grande que rencontrent les chômeurs pour trouver un emploi correspondant à leurs qualifications accroît les dangers pesant sur la santé. Les logiques de contrôle de plus en plus resserrées et oppressantes vont dans le même sens : aucune prévention n'est organisée en termes de santé, mais des situations de stress sont montées de toutes pièces par des gouvernants qui ont oublié de voir les gens derrière les chiffres de leurs tableaux Excel.

À l'embauche, une visite médicale est obligatoire. Il en faudrait également une au début de la période de chômage, afin que tous soient informés des risques qu'il implique.

Une deuxième visite devrait être programmée à l'issue de la première année de chômage : Pôle Emploi devrait y convoquer les chômeurs qui y sont inscrits, et la caisse d'allocations familiales ceux qui ne le sont pas.

Ces visites doivent avoir lieu à la médecine du travail.

Enfin, la question de la continuité des droits sociaux se pose également pour l'accès aux mutuelles, qui est maintenu pour une durée arbitraire de neuf mois, alors qu'il serait plus juste que cet accès soit garanti jusqu'à la reprise d'emploi.

Cet accès devrait être financé par l'employeur : celui-ci doit assumer financièrement les risques que crée sa décision de licencier sur la santé des travailleurs.

Je souhaiterais donc connaître la position du ministère sur ces deux points précis : visites médicales obligatoires pour les chômeurs et continuité de l'accès aux mutuelles.

Ces deux revendications sont défendues au niveau national par l'Association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires ainsi que par le Mouvement national des chômeurs et précaires. Ils s'appuient sur les travaux du professeur Michel Debout.

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la députée, nous sommes au moins d'accord sur un point, un seul, qui est très important : l'accès aux droits en matière de santé est une question fondamentale pour les salariés, mais également pour les demandeurs d'emploi.

Tous les demandeurs d'emploi sont bien entendu automatiquement affiliés à l'assurance-maladie. En ce qui concerne les assurances complémentaires, la portabilité des droits existe déjà : sa durée est non pas de neuf mois, comme vous l'avez affirmé, mais de douze. Elle a fait l'objet de contrats passés entre des assurances privées et les entreprises.

Le délai de douze mois de prolongation au cours de la période de chômage semble raisonnable. En effet, à un moment, le lien avec l'entreprise n'a plus de sens et d'autres systèmes doivent prendre le relais, notamment des systèmes de solidarité . Ce qui est important est qu'il n'y ait pas de discontinuité.

En revanche, il faut absolument garantir l'accès aux droits, notamment à la couverture maladie universelle complémentaire pour les demandeurs d'emploi qui perçoivent de faibles revenus. Les agents du service public de l'emploi sont sensibilisés à ce sujet.

Je réfute d'ailleurs vos propos, selon lesquels ces agents seraient rivés à leur tableau Excel et ne verraient plus les gens qu'ils ont en face d'eux. Pour me rendre tout le temps dans des agences Pôle emploi, je peux vous assurer qu'ils ne poursuivent qu'un seul but : que les demandeurs d'emploi retrouvent un travail. Ils entretiennent avec ces derniers une relation humaine et ne les réduisent pas à des chiffres dans un tableau Excel.

Des visites médicales systématiques n'auraient pas de sens dans un contexte où la grande majorité des personnes consultent tout à fait normalement leur médecin et où leurs frais sont déjà pris en charge. Il faut en revanche être très attentif aux situations de fragilité. Les personnes qui rencontrent des problèmes d'emploi, mais parfois également de logement et de santé, bénéficient ainsi d'un accompagnement global. C'est également le cas de certains jeunes suivis par les missions locales, pour lesquels le recours aux médecins est parfois incomplet. C'est enfin le cas des personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi. La coopération désormais renforcée entre Cap emploi et Pôle emploi permettra de s'assurer que toutes les personnes en situation de handicap bénéficient de ce suivi.

Dans tous ces cas, nous faisons du sur-mesure. L'expérience a prouvé que cette approche était plus efficace et plus adaptée aux besoins comme aux souhaits des personnes concernées.

Cela étant, des échanges sur ces questions auront lieu prochainement avec les partenaires sociaux dans le cadre des travaux du conseil d'orientation des conditions de travail, sur la base du rapport de la députée Charlotte Lecocq.

Nous évaluerons, selon les conclusions de ces travaux, les ajustements nécessaires.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Madame la ministre, je n'ai pas remis en cause l'engagement des agents de Pôle emploi, mais il me semble inacceptable que l'on retire, comme votre Gouvernement l'a fait au mois de janvier, certains droits aux chômeurs, que l'on publie une circulaire visant à augmenter les radiations après un certain temps, et que l'on supprime dans le même temps 2 600 postes chez Pôle emploi – tout en augmentant le nombre de contrôleurs…

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Mais non, c'est faux.

Mme Mathilde Panot. Je vous assure, madame la ministre, qu'aujourd'hui, on supprime des postes à Pôle emploi. C'est vous qui remettez en cause le sens du travail des agents de Pôle emploi et la manière dont ils peuvent l'effectuer en vue d'accompagner réellement les gens vers l'emploi.

Hélas, le temps me manque pour poursuivre.

M. le président. Vous aviez encore dix secondes, chère collègue !

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Panot

Type de question : Question orale

Rubrique : Chômage

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019

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