plan d'action contre le racisme et l'antisémitisme
Question de :
Mme Sandrine Mörch
Haute-Garonne (9e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 22 mars 2018
PLAN D'ACTION CONTRE LE RACISME ET L'ANTISÉMITISME
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour le groupe La République en marche.
Mme Sandrine Mörch. Monsieur le ministre de l'intérieur, il peut suffire d'un mot, d'un regard méprisant, d'une moquerie assénée à un enfant, et le mal est fait pour longtemps.
Les derniers chiffres de votre ministère montrent une baisse globale de 16 % des actes racistes et antisémites en 2017, mais on constate en parallèle une hausse inquiétante des actes violents. Et puis, il y a cette violence ordinaire, quotidienne, qui fait des ravages.
Elle touche ce jeune, chaque fois qu'il met en ligne une vidéo sur les réseaux sociaux, cet adolescent qui a peur de se faire agresser s'il sort avec sa kippa ou cette jeune femme qui redoute les regards désapprobateurs lorsqu'elle porte le voile, cette jeune diplômée qui attend désespérément un entretien d'embauche et qui se dit qu'elle ferait mieux de changer de nom, ce retraité qui songe avec amertume à la carrière qu'il aurait sans doute pu avoir s'il avait été un peu moins typé ou encore cet élu, peut-être député, qui, quoi qu'il fasse, est toujours renvoyé à ses origines.
Nous devons regarder en face toutes ces figures du racisme. Nous devons nous mobiliser massivement contre cette peur de l'autre véhiculée par les médias, relayée par les familles et par chacun d'entre nous lorsque nous entendons des propos condamnables et que nous laissons dire.
Il faut prévenir ces préjugés, s'y attaquer dès l'école – évidemment – mais aussi dans tous les lieux où s'exprime ce racisme, par exemple en ouvrant nos administrations, qui sont le reflet des valeurs de notre République mais qui sont bien loin d'être le reflet de notre diversité.
Il y a six ans, nous avons vécu à Toulouse le drame qui a emporté plusieurs élèves et un enseignant de l'école juive Ozar Hatorah. Il nous rappelle chaque fois avec douleur l'impérieuse nécessité d'un combat quotidien contre cette haine capable de pousser au pire.
Le nouveau plan national expérimente de nouveaux moyens pour repérer et sanctionner les actes racistes. C'est là, monsieur le ministre, qu'il faut être inflexible.
Un député du groupe LR . Quelle est la question ?
Mme Sandrine Mörch. La voici : pouvez-vous exposer devant nous tous les principales mesures que vous envisagez pour lutter contre ce fléau et pour réamorcer ce plaisir du vivre-ensemble qui n'est jamais bien loin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, lundi matin, accompagné de huit ministres, j'ai présenté le plan qui doit nous permettre d'obtenir des résultats en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Vous l'avez évoqué : ces propos, ces attitudes, ces actes dirigés contre des Françaises, des Français, en raison de leurs origines, de la couleur de leur peau, de leur religion sont parfaitement inacceptables.
M. Vincent Descoeur. Très bien !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous voulons donc agir dans tous les domaines où le combat est nécessaire. J'insiste sur ce mot de « combat », car il s'agit bien d'un combat toujours recommencé. Il n'est pas récent. Il est ancien et il durera. L'essentiel, c'est de le livrer, d'aider les combattants à le faire, de leur donner de bons instruments, c'est-à-dire les armes et les moyens d'obtenir des résultats.
Je n'énumérerai pas l'ensemble des mesures, mais nous avons voulu concevoir ce plan dans quatre domaines principaux.
Le sport, d'abord, car nous voyons bien qu'il y a là une nouvelle frontière dans les clubs, sur les terrains, où il existe un combat à mener pour éviter soit la radicalisation, soit l'expression de préjugés ou d'opinions délictueuses en matière de racisme ou d'antisémitisme.
M. Fabien Di Filippo. Dites-le clairement !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. L'accompagnement des victimes, ensuite : il est absolument essentiel qu'il soit plus facile de porter plainte. Nous connaissons tous les statistiques. Nous savons tous qu'elles sont biaisées, pour une raison simple : beaucoup de victimes d'actes, d'injures, d'insultes ne portent pas plainte. Nous devons les encourager à le faire, car mesurer le phénomène, engager des poursuites est indispensable pour obtenir des résultats. Pour cela, il faut que les plaintes soient mieux enregistrées, plus simples à enregistrer et qu'on y mentionne plus facilement le caractère antisémite ou raciste de l'acte qui, le cas échéant, sera poursuivi.
L'école, en troisième lieu. Bien entendu, le combat se joue, s'est toujours joué à l'école. J'ai eu l'occasion de rappeler lundi que si cette belle expression dans laquelle nous nous retrouvons tous, « les hussards noirs de la République », est une métaphore guerrière, ce n'est pas par hasard. En 1870, à la fin du XIXe siècle, lutter contre les préjugés, contre l'obscurantisme était évidemment un combat. Et c'était évidemment un combat violent.
C'est toujours le cas, madame la députée. En 2018, c'est toujours un combat violent. C'est toujours un combat violent de dire ce qui s'est passé dans notre histoire. C'est un combat violent, parfois, dans certains quartiers, d'enseigner ce qu'a été la Shoah. Dans ce combat, il faut accompagner les professeurs, accompagner ceux qui ne doivent pas céder à la pression, à la tentation d'édulcorer parfois ou de renoncer à enseigner ce qu'est notre histoire.
Internet est le dernier domaine dans lequel nous voulons intervenir. Vous l'avez évoqué : les réseaux sociaux, qui sont parfois les instruments de communication du meilleur, sont aussi parfois les réceptacles du pire.
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Pour lutter contre cela, nous devons modifier le droit, car rien de ce qui est publié, rien de ce qui est diffusé en France ne peut s'exonérer des lois de la République.
Je ne me résous pas à cet anonymat,…
M. Erwan Balanant. Bravo !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …à ce statut qui permet aux hébergeurs de s'exonérer de toute responsabilité sur ce qui est diffusé grâce à eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes MODEM, UDI-Agir et LR.) Nous ne devons pas nous résigner. Le Président de la République l'a dit : nous devons convaincre, d'abord, mais aussi imposer, en vérité, à ces réseaux sociaux, à ces hébergeurs, de retirer sans délai toutes les mentions contraires à la loi. C'est indispensable.
Peut-on admettre que certains réseaux sociaux, qui réussissent à enlever très rapidement des contenus contraires à des lois commerciales, n'y arrivent pas quand il s'agit d'atteintes à la dignité de la personne ou d'atteintes fondamentales aux droits de la République ? Il n'en est pas question.
C'est la raison pour laquelle nous voulons avancer dans le droit national. Nous voulons aussi que le droit communautaire prenne en compte cette exigence. Là encore, nous allons livrer un combat. Je suis convaincu qu'entre le statut d'éditeur, très contraignant en matière de responsabilité pénale, et celui d'hébergeur, qui l'est très peu, il existe une voie médiane, qui permettra de lutter efficacement contre ce torrent de boue raciste et antisémite que l'on trouve trop souvent sur internet. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG, GDR et FI.)
Auteur : Mme Sandrine Mörch
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2018