Question orale n° 721 :
Risques liés à la déconcentration des autorisations de travaux en sites classés

15e Législature

Question de : Mme Sarah El Haïry
Loire-Atlantique (5e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Mme Sarah El Haïry alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les risques liés à la déconcentration totale des autorisations de travaux en sites classés au niveau du préfet de département, à la suite d'une alerte de la part d'élus et acteurs de la politique des sites de son territoire sur les conséquences d'une telle décision. Ceux-ci craignent en effet que ce dessaisissement vers le niveau local soit de nature à engendrer une moindre protection des sites classés. Ainsi, ils estiment que le niveau national est à même de garantir une décision indépendante et libre de toute pression relative à des questions extérieures à celles de la protection des sites, ainsi qu'une doctrine de protection uniforme sur l'ensemble du territoire. La prise de décision au sein du ministère constitue aujourd'hui un garde-fou contre des projets qui viendraient dénaturer le patrimoine. La protection des sites classés est un enjeu majeur, et cette politique mise en place en 1906 et renforcée en 1930 a su prouver son efficacité quant à la préservation de l'environnement, la résistance à l'anthropisation, et la préservation du patrimoine. La politique française des sites est reconnue par l'UNESCO, qui considère le classement des sites et les procédures limitant les travaux sur ceux-ci comme une manière efficace de protéger l'environnement. Sur le territoire de Mme la députée, se trouve la rivière de l'Erdre. Qualifiée de plus belle rivière de France par François Ier, elle est aujourd'hui préservée grâce à cette politique qui limite la dégradation de ces espaces et paysages remarquables. Or une déconcentration des décisions pourrait mener à des atteintes à ces sites exceptionnels, qui font partie de notre patrimoine national, et ce en particulier dans les zones où la pression est forte pour mettre en place de nouveaux aménagements. Ici encore, l'Erdre est un exemple parlant. Située non loin de Nantes, ses abords sont soumis à une pression considérable. Si le niveau de protection de ce site exceptionnel venait à baisser, les effets seraient très rapidement préjudiciables à l'environnement. C'est également le cas pour d'autres sites sensibles, comme les zones littorales et de montagnes, qui sont aujourd'hui soumis à une forte pression, et pour lesquelles l'autorisation ministérielle est garante de la protection. Ces paysages couvrent moins de 2 % du territoire national, et l'on doit aux générations futures de les préserver. Cette politique centenaire de protection des sites a démontré son efficacité, et une déconcentration excessive viendrait déconstruire les efforts accomplis jusqu'à aujourd'hui pour préserver notre patrimoine. De plus, la politique de protection des sites classés est déjà organisée au plus près du citoyen. Ce sont aujourd'hui les DREAL qui instruisent les dossiers au cas par cas, dont les agents se déplacent sur le terrain pour examiner les situations, et qui accompagnent les dossiers. Le ministère n'intervient qu'en dernière étape, après que la commission départementale des sites, la DREAL et l'Architecte des bâtiments de France aient formulé leurs avis. Une instruction technique locale, ainsi qu'une concertation avec les acteurs locaux existent donc déjà. Il convient également de noter que le niveau de déconcentration actuel, qui rend compétent le préfet pour les aménagements légers nécessaires à la gestion des sites, à la condition qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable desdits sites, permet déjà de lier protection de sites et prise de décision rapide. C'est pourquoi elle l'interroge sur les garanties qu'il compte apporter aux élus et acteurs de la politique des sites quant à la préservation de ceux-ci, mais aussi quant à l'unicité de la doctrine de protection de l'environnement sur le territoire. Elle souhaiterait enfin connaitre les raisons qui justifieraient cette déconcentration.

Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019

RISQUES LIÉS À LA DÉCONCENTRATION DES AUTORISATIONS DE TRAVAUX EN SITES CLASSÉS
M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour exposer sa question, n°  721, relative aux risques liés à la déconcentration de travaux en sites classés.

Mme Sarah El Haïry. Ma question est relative aux risques liés à la déconcentration totale des autorisations de travaux en sites classés au niveau du préfet de département. Cette alerte fait suite à diverses interpellations sur les conséquences d'une telle décision.

Un projet de décret fait craindre, dans mon territoire, que ce dessaisissement vers le niveau local n'entraîne un affaiblissement de la protection des sites classés.

Le niveau national paraît être le plus à même de garantir une décision indépendante et libre de toute pression relative à des questions extérieures à celles de la protection des sites, ainsi qu'une doctrine de protection uniforme sur l'ensemble du territoire. La prise de décision au sein du ministère constitue un garde-fou contre des projets qui viendraient dénaturer le patrimoine.

La protection des sites classés, qui couvrent moins de 2 % du territoire national, constitue un enjeu majeur, et la politique mise en place de longue date a su prouver son efficacité en matière de préservation de l'environnement, de résistance à l'anthropisation, et de préservation du patrimoine.

Ma circonscription abrite l'Erdre que François Ier qualifiait de « plus belle rivière de France ». Aujourd'hui, l'Erdre préservée grâce à cette politique qui permet de limiter la dégradation des espaces et paysages remarquables. Une déconcentration totale des décisions pourrait avoir pour conséquence des atteintes à ces sites exceptionnels, en particulier dans les zones où la pression est forte pour procéder à de nouveaux aménagements. Les abords de l'Erdre, situés non loin de Nantes, sont soumis à une pression considérable, comme bien d'autres sites du littoral ou de la montagne. L'autorisation ministérielle est aujourd'hui garante de leur protection.

La politique de protection des sites classés est déjà organisée au plus près du citoyen. Le ministère intervient à la dernière étape du processus, après une instruction technique locale et une concertation avec les acteurs locaux. Le niveau de déconcentration actuel, qui rend le préfet compétent pour les aménagements légers nécessaires à la gestion des sites, permet déjà de lier protection des sites et prise de décision rapide.

Madame la secrétaire d'État, quelles garanties apporterez-vous aux élus locaux et aux acteurs de la politique des sites classés, quant à la préservation de ceux-ci ? Comment assurerez-vous l'unicité de la doctrine de la protection de l'environnement sur le territoire ? Enfin, pour quelles raisons modifier – au risque de dénaturer notre patrimoine – un système qui a fait ses preuves et qui fonctionne efficacement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, qui ne peut être présent ce matin, m'a chargé de vous répondre. Vous nous alertez sur les risques liés à la décision prise par le Gouvernement de déconcentrer l'ensemble des autorisations de travaux en site classé. J'entends vos inquiétudes, mais je tiens à vous rassurer.

Conformément aux orientations fixées en juillet 2018 par le Premier ministre, l'objectif de cette réforme est de renforcer la prise de décision au plus près des citoyens – comme moi, vous avez entendu leurs demandes nombreuses de déconcentration, d'écoute et de participation. Il s'agit non pas d'opposer, mais de concilier la protection de la qualité des sites classés et le développement durable des territoires. Il s'agit aussi de simplifier les démarches administratives et de réduire les délais de décision, autant de demandes pressantes de nos concitoyens – je suis certaine que vous les avez également entendues.

Cette réforme correspond donc entièrement à la volonté du Gouvernement de rapprocher l'administration des usagers et de la rendre plus efficace et plus transparente. Concernant « la plus belle rivière de France », soyez rassurée, madame la députée : notre politique demeure la préservation de l'état des sites classés, afin qu'ils ne soient ni dénaturés, ni victime d'anthropisation – tout autre choix nous amènerait à revenir sur des acquis fondamentaux qui nous ont permis de préserver des lieux tels que les abords de l'Erdre.

Des garde-fous sont donc maintenus. Le caractère dérogatoire et exprès des autorisations de travaux en site classé demeure, ainsi que la règle « le silence vaut rejet ». La réforme de la déconcentration ne remet pas non plus en cause le rôle clé des services de l'État dans les territoires, en particulier celui les inspecteurs des sites des directions régionales du ministère de la transition écologique et solidaire.

Par ailleurs, l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites restera obligatoire, et le ministre chargé des sites conservera et exercera son pouvoir d'évocation. Au niveau national, la commission supérieure des sites, perspectives et paysages conservera, elle aussi, ses missions.

Enfin, le ministre d'État veillera à ce que l'application de la réforme dans les territoires soit uniforme et respectueuse des fondamentaux de la politique des sites. Cette exigence sera rappelée aux préfets auxquels une instruction sera adressée.

Nous voulons trouver un équilibre entre une politique centralisée et uniforme, et la nécessité de lâcher du lest afin de donner des capacités d'initiative et de favoriser l'efficacité des politiques publiques au plus près du terrain.

Nous dresserons un bilan de la réforme un an après sa mise en œuvre. Madame la députée, je sais votre souci d'évaluer l'action du Gouvernement : je compte sur vous pour vous souvenir de cette réponse et nous rappeler à nos obligations dans ce délai.

M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Le pouvoir d'évocation existe bien, mais il ne constitue qu'une possibilité et non une garantie. Nous serons au rendez-vous de l'évaluation, mais nous vous mettons d'ores et déjà en garde : c'est l'unité de la préservation des sites qui est en jeu, ceux-ci pouvant être soumis à des pressions folles par les métropoles.

Données clés

Auteur : Mme Sarah El Haïry

Type de question : Question orale

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019

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