15ème législature

Question N° 724
de M. Philippe Gosselin (Les Républicains - Manche )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > Parlement

Titre > droit d'amendement

Question publiée au JO le : 22/03/2018
Réponse publiée au JO le : 22/03/2018 page : 1900

Texte de la question

Texte de la réponse

DROIT D'AMENDEMENT


M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Gosselin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je devrais évoquer la hausse de la CSG, l'abandon des territoires ruraux ou la limitation de la vitesse à 80 kilomètres à l'heure… (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Erwan Balanant. Vous le faites toutes les semaines !

M. Philippe Gosselin. Je savais bien que j'allais susciter des réactions ! Mais je m'arrête là, car je souhaite évoquer la réforme et l'amoindrissement du Parlement, qui est peut-être moins visible pour nos concitoyens, mais non moins importante. Au cours des semaines à venir, vous allez peut-être priver les parlementaires d'un droit d'expression, monsieur le Premier ministre.

Je ne vise pas ici la diminution du nombre de parlementaires, quoique : à trop le diminuer, on privera de représentation les territoires ruraux et on fera disparaître toute proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir, NG et GDR.)

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Philippe Gosselin. Je ne vise pas non plus la représentation proportionnelle, quoique : vous avez fait le choix des partis plutôt que des territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et NG et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

M. Olivier Marleix. C'est grave !

M. Philippe Gosselin. Je ne vise pas davantage les ordonnances, encore que : il s'agit plutôt d'une pochette-surprise.

Non, je vise ici le droit d'amendement, dont on nous dit qu'il devrait bientôt dépendre du poids politique des groupes parlementaires. Cela signifie que seuls les membres de la majorité pourront demain s'exprimer dans cet hémicycle, ce qui est inqualifiable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, NG et GDR et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

Nous ne pouvons pas accepter que l'opposition soit muselée, à moins de considérer – tel est peut-être votre cas, monsieur le Premier ministre, mais j'en doute, vous allez nous rassurer sur ce point – qu'un bon opposant est un opposant bâillonné, muet et incapable de s'exprimer ! Nous ne voulons pas être les muets du sérail ! (Mêmes mouvements.)

Peut-être tentez-vous de refaire le coup de 1981, lorsque certains déclaraient ici : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ! » Je croyais que c'était le vieux monde ! C'était en 1981 !

M. Stéphane Le Foll. Et d'André Laignel, un grand penseur !

M. Philippe Gosselin. Le monde a changé et je ne doute pas que l'actuelle majorité saura s'adapter et nous rassurer. Nous ne pouvons pas accepter que les oppositions soient bâillonnées. C'est alors le peuple qui serait bâillonné ! Ce sont les Français qui seraient bâillonnés ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Oui ou non, monsieur le Premier ministre, allez-vous renoncer à vos projets de réforme constitutionnelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG et GDR.)

M. Fabien Di Filippo. C'est la France soumise !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je ne crois pas que le Gouvernement ait pour ambition de bâillonner nos représentants.

M. David Habib et M. André Chassaigne . Il le fait déjà !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Je crois en revanche que, dans le cadre de la réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République lors du discours qu'il a prononcé devant le Congrès le 3 juillet dernier, celui-ci souhaitait que notre République soit forte et dotée d'institutions puissantes.

M. Sébastien Jumel. Marche au pas !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Pour y parvenir, il faut, me semble-t-il, en revenir – je suis certaine que vous ne pourrez qu'être d'accord avec moi, monsieur le député – aux fondamentaux de la Ve République.

M. Julien Aubert. Justement !

M. Christian Hutin. L'autoritarisme ?

M. André Chassaigne. Le respect du Parlement !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Ceux-ci comportent évidemment le respect du Parlement et l'instauration d'un parlementarisme rationalisé, mais surtout des institutions qui doivent être plus représentatives, plus efficaces et plus responsables. J'insiste sur ces trois termes, qui me semblent très révélateurs de ce que nous devons construire ensemble.

Dans ce cadre, le Gouvernement, sous l'égide de M. le Premier ministre, a engagé des consultations avec les principaux groupes parlementaires. Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont engagé des travaux.

M. Olivier Faure. Il n'est pas d'accord, le président de l’Assemblée nationale !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Des propositions sont sur la table, dont certaines portent sur la question de l'amendement. Je ne suis pas sans savoir, comme vous, monsieur le député, que l'amendement fait partie du droit d'initiative législative.

Il me semble néanmoins qu'il faut cesser de confondre la forme – c'est-à-dire leur nombre – et le fond – c'est-à-dire leur qualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Très vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG et GDR.)

Au cours de la précédente législature… (Mêmes mouvements.)

M. André Chassaigne. De quel droit jugez-vous que certains amendements sont de qualité et d'autres non ?

M. Alexis Corbière. Monsieur le président, c'est scandaleux ! Nous ne sommes pas là pour nous faire insulter ! Êtes-vous parlementaire, oui ou non ? À vous de nous faire respecter !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Au cours de la précédente législature, l'Assemblée nationale a examiné 60 000 amendements, alors même qu'elle avait débattu… (Mesdames et messieurs les députés des groupes LR, UDI-Agir, NG, GDR et FI ainsi que les députés non inscrits quittent l'hémicycle.)

Mme Marine Le Pen. Quelle honte !

M. Laurent Furst. Sous la terre, il y a vous !

M. Erwan Balanant. On va pouvoir travailler ! Venez en commission !

M. le président. Merci, madame la ministre d'État. Je constate que la réforme institutionnelle passionne notre assemblée, ce qui est une très bonne chose !