Critères d'éligibilité du dispositif des cantines à 1 euro
Question de :
M. Thierry Benoit
Ille-et-Vilaine (6e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
M. Thierry Benoit interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et plus précisément concernant les cantines à 1 euro. Les chiffres sont inquiétants : aujourd'hui, un élève sur trois, en moyenne, va à l'école sans avoir mangé. Une proportion qui augmente s'il s'agit d'enfants défavorisés. La nécessité de réduire le nombre d'élèves qui n'ont pas pris de petit-déjeuner s'impose à tous et il convient de souligner que la réussite scolaire passe autant par le fait de bien remplir son ventre que sa tête. C'est une situation d'autant plus inquiétante qu'environ 7 enfants scolarisés sur 10 déjeunent à la cantine et que ceux issus de familles les plus défavorisées y ont en moyenne moins accès que les autres. Cette mesure pourrait concerner jusqu'à 10 000 communes. Mme la Secrétaire d'État Christelle Dubos a précisé que les communes qui s'engagent recevront une aide de l'État de 2 euros par repas, sachant qu'il coûte en moyenne 4,50 euros. Néanmoins, le dispositif actuel manque de précisions et nécessite davantage d'éclaircissements. Ainsi, il lui demande quels sont les critères d'éligibilité du dispositif pour les communes souhaitant mettre en place les cantines à 1 euro et il voudrait savoir s'il est envisager d'appliquer ce dispositif plus largement sur le territoire.
Réponse en séance, et publiée le 22 mai 2019
CRITÈRES D'ÉLIGIBILITÉ AU DISPOSITIF CANTINE À 1 EURO
M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour exposer sa question, n° 725, relative aux critères d'éligibilité au dispositif cantine à 1 euro.
M. Thierry Benoit. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, je voudrais revenir sur la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, plus particulièrement sur le dispositif cantine à 1 euro, en relayant les interrogations d'un certain nombre de maires.
Tout le monde est naturellement conscient de l'importance de l'alimentation et de la nutrition, pour les adultes mais surtout pour les petits, les enfants, notamment en milieu scolaire. Songez qu'un élève sur trois va à l'école le ventre vide : les pouvoirs publics doivent donc s'intéresser à cette question. Ce problème concerne les enfants issus de milieux défavorisés, mais pas seulement : certains ont les moyens mais ne sont pas conscients de l'importance de la nutrition. Le Gouvernement a indiqué qu'il désire accorder aux communes qui s'engagent une aide de l'État de 2 euros par repas, sachant que celui-ci coûte en moyenne 4,50 euros.
Néanmoins, de nombreuses questions restent en suspens, à ce stade, parmi les maires.
D'abord, vous avez annoncé que jusqu'à 10 000 communes pourraient être concernées par ce dispositif. Quels sont les critères précis d'éligibilité ? À l'inverse, quelles considérations empêcheront d'y accéder ?
Ensuite, les maires souhaiteraient connaître les modalités de financement choisies, qui auront des conséquences sur les finances communales, donc sur les finances publiques.
En outre, comment le dispositif s'articulera-t-il avec les politiques sociales menées par les communes ? Dans chaque commune, il y a un CCAS – un centre communal d'action sociale –, dans le cadre duquel les équipes municipales mènent une politique sociale d'accompagnement des familles défavorisées ou rencontrant des difficultés, notamment pour payer la cantine.
Enfin, quand le dispositif sera-t-il officiellement mis en place ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Benoit, le repas à la cantine constitue un point d'appui central pour les politiques de santé publique et les politiques de lutte contre la pauvreté, et fait partie des mesures relevant de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il permet de bénéficier d'au moins un repas complet et équilibré par jour. Il favorise le bon déroulement des apprentissages en contribuant à la concentration des élèves, et participe également à l'apprentissage du vivre ensemble, à l'évolution du regard de l'enfant sur son environnement scolaire et à l'amélioration du climat scolaire.
La tarification sociale des cantines scolaires, avec notamment le dispositif baptisé « cantine à 1 euro », consiste à facturer les repas aux familles selon une grille tarifaire progressive tenant compte de leur niveau de ressources. Elle relève de la seule décision des communes ou des intercommunalités concernées et s'inscrit dans l'objectif de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté visant à garantir à tous un accès à l'alimentation. En effet, une étude souligne que les enfants issus de familles défavorisées sont deux fois plus nombreux à ne pas manger à la cantine que les élèves issus de familles favorisées et très favorisées, vous y avez fait allusion.
Dans une logique d'équité territoriale et d'attention aux contraintes budgétaires, le Gouvernement a proposé un soutien qui se veut incitatif, tout en ciblant les territoires les plus fragiles, les moins susceptibles d'assumer seuls le coût d'une tarification sociale. Pour les communes ayant transféré leur compétence scolaire à l'échelon intercommunal, un critère d'intégration des EPCI a été défini, au regard de la proportion de leur population habitant dans une commune fragile. Quoi qu'il en soit, les mesures reposeront sur le volontariat des communes concernées.
Les collectivités éligibles sont les communes éligibles à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale – la DSR – qui ont conservé la compétence scolaire ainsi que les EPCI ayant la compétence scolaire, lorsque deux tiers au moins de leur population habitent dans une commune éligible à la DSR cible. L'aide s'élèvera à 2 euros par repas facturé à la tranche la plus basse. Elle sera versée aux communes, à deux conditions : une tarification sociale des cantines comportant au moins trois tranches doit avoir été mise en place ; la tranche la plus basse de cette tarification ne doit pas dépasser 1 euro par repas. Enfin, le Gouvernement souhaite rappeler que les communes et les EPCI sont libres de fixer les tarifs des repas à la cantine, et que le soutien financier de l'État doit permettre d'accompagner les collectivités désireuses de s'inscrire dans la démarche de tarification sociale.
Cette mesure est opérationnelle depuis le 1er avril 2019. Elle requiert un formulaire simple et une délibération de la commune qui prend en charge les tarifs. Les communes proposant déjà des tarifs sociaux adaptés peuvent bénéficier également de ce remboursement de 2 euros par l'État.
Pour avoir été travailleuse sociale, dirigé un CCAS et occupé les fonctions d'adjointe chargée d'un CCAS, je peux vous dire que les aides facultatives des CCAS pourront continuer à être versées aux communes à hauteur de 1 euro ou de 1,50 euro, lorsque le coût du repas est de 4,50 euros. À cet égard, j'ai reçu, le 13 mai dernier, l'ensemble des associations représentant les collectivités, y compris l'Association des maires ruraux de France, et le dialogue se poursuivra. J'ai reçu également les représentants des fédérations de parents d'élève. Enfin, nous mettons en place un comité de suivi de cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour une réplique très brève.
M. Thierry Benoit. J'appelle l'attention du Gouvernement sur la pérennité du dispositif.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Jusqu'en 2022 !
M. Thierry Benoit. La modification des rythmes scolaires par le précédent gouvernement a été un fiasco, souvenons-nous en : désormais, une partie du territoire applique la semaine de quatre jours, et l'autre celle de quatre jours et demi. Or le pays a besoin de cohésion, et les maires de lisibilité. Nous verrons donc à l'usage !
Auteur : M. Thierry Benoit
Type de question : Question orale
Rubrique : Pauvreté
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2019