ACTIONS DES ASSOCIATIONS ANIMALISTES ET PROTECTION DES AGRICULTEURS
M. le président. La parole est à M. Didier Le Gac, pour exposer sa question, n° 735, relative aux actions des associations animalistes et à la protection des agriculteurs.
M. Didier Le Gac. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je souhaite appeler votre attention sur les actions que mènent en ce moment certaines associations à l'encontre de nos agriculteurs. Depuis plusieurs mois, on assiste en Bretagne, comme sur l'ensemble du territoire, à une multiplication d'actions choc à l'encontre des exploitations agricoles. Sous couvert de dénonciation de mauvais traitements qui seraient infligés aux animaux, ces associations s'introduisent par effraction dans les exploitations. Dans ma circonscription du Finistère, on a recensé, depuis le début de l'année, plusieurs intrusions dans des élevages avicoles et, surtout, porcins.
Jeudi dernier encore, l'association Direct Action Everywhere a diffusé sur internet une vidéo mettant en scène l'un de nos collègues – eh oui, monsieur le ministre, un député ! – dans une porcherie des Côtes-d'Armor, dans laquelle il était entré sans autorisation, en toute illégalité.
Ces agissements, qui relèvent de l'agri-bashing, à savoir du dénigrement permanent de la profession, suscitent la colère et l'incompréhension de nos agriculteurs.
Chacun doit respecter la loi, mais, avant tout, chacun doit respecter l'autre. C'est pourquoi ces pratiques doivent être condamnées et sanctionnées. Les associations doivent d'abord respecter le travail des agriculteurs.
Bien évidemment, en cas d'attaque de cette nature, les agriculteurs doivent porter plainte. Néanmoins, si nos agriculteurs doivent activer le levier judiciaire quand ils sont confrontés à ces intrusions, ils veulent avant tout montrer et démontrer à tous qu'ils n'agissent pas contre le bien-être animal.
En effet, ne nous y trompons pas : nos éleveurs appliquent rigoureusement la réglementation en vigueur et sont, vous le savez, engagés dans des plans de filière, avec des objectifs clairs pour améliorer encore le bien-être de leurs animaux, qu'ils n'ont d'ailleurs jamais négligé ; ils sont en conformité avec les règles sanitaires et de biosécurité, ce qui permet d'éviter les épizooties, comme la fièvre porcine africaine en ce moment. Bref, leurs journées de travail sont rythmées par les soins qu'ils apportent à leurs animaux.
De plus, la transition vers une organisation plus raisonnée de nos productions se fera, mais elle doit se faire les uns avec les autres, non les uns contre les autres. Selon un sondage récent, 82 % des Bretons ont une bonne image de leurs agriculteurs. S'ils sont en quête d'informations, nos agriculteurs sont prêts à les leur donner, notamment en ouvrant leur exploitation.
La pression ainsi exercée, qui vise à marquer le refus de certains modes d'élevage et à les supprimer, est intolérable. En outre, elle se révèle particulièrement contre-productive, car elle expose en définitive nos producteurs français à subir une concurrence accrue des produits importés, issus d'animaux élevés à l'étranger dans des conditions souvent bien plus discutables.
Ces intrusions provoquent un climat de tension véritable. Compte tenu de l'accélération du phénomène, monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il procéder à un renforcement du dispositif pénal pour protéger les agriculteurs face à ces agissements inacceptables ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je tiens tout d'abord à vous saluer, monsieur Le Gac, pour votre engagement et le sens de votre question. Vous l'avez posée dans la sérénité, en exposant factuellement ce qui s'est passé et en essayant de comprendre et, surtout, de trouver des réponses. Comme vous et vos collègues siégeant sur les différents bancs de l'Assemblée, tous les membres du Gouvernement luttent contre l'agri-bashing – c'est, je crois, un terme de patois du Finistère ?
(Sourires.)M. Didier Le Gac. C'est cela !
M. Didier Guillaume, ministre . Chacun est libre de penser ce qu'il veut, mais il n'est pas acceptable que l'on s'attaque à des personnes et à leur outil de travail. En l'espèce, le Gouvernement fera preuve d'une vigilance et d'une sévérité à toute épreuve. Il y a quelques semaines, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, a adressé une instruction à tous les procureurs de la République pour les inciter à la plus grande fermeté vis-à-vis de ceux qui attaquent les boucheries ou s'introduisent dans les élevages. Je me suis rendu récemment sur un marché parisien, où un jeune boucher s'était fait agresser et frapper ; du sang avait été renversé sur tous ses produits, qui avaient dû être jetés.
Il est indispensable que les éleveurs et les agriculteurs touchés portent plainte. Dans mon département, j'ai moi-même installé, à titre expérimental, un comité qui rassemble les acteurs concernés, notamment le procureur de la République, la justice, la police et la gendarmerie. Nous allons voir comment cet observatoire de lutte contre l'agri-bashing pourrait être généralisé à l'échelle nationale.
Vous avez souligné à juste titre que les éleveurs aiment leurs bêtes et travaillent du mieux qu'ils peuvent. Ils sont les premiers responsables du bien-être animal, dont on parle souvent. Pour ma part, je voudrais que l'on parle aussi du bien-être des éleveurs. Il faut qu'on arrête de les montrer du doigt et de les attaquer. Nous serons intransigeants à cet égard.
Un député de la République est entré par effraction dans un élevage, de façon honteuse. Je le dis ici, monsieur Le Gac : cela aussi doit être condamné. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, j'estime que ce n'est pas l'image que doit donner un député ; ce n'est absolument pas acceptable.
Le cadre législatif répressif est suffisant en la matière. Toutefois, compte tenu de la généralisation du problème à l'ensemble de nos territoires, il a été demandé à la justice et à la police de renforcer la prévention des débordements et d'apporter une réponse systématique et individualisée aux faits.
Mme la garde des sceaux a demandé que la mise en cause de la responsabilité pénale des associations militantes puisse être envisagée le cas échéant, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, en cas d'infraction commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. En complément de la peine d'amende, la peine d'affichage de la décision prononcée pourra être utilement requise, en application de l'article 131-39 du code pénal.
M. Didier Le Gac. Merci, monsieur le ministre !