Expérimentation - Méthanisation par mélange de boues
Question de :
Mme Véronique Hammerer
Gironde (11e circonscription) - La République en Marche
Mme Véronique Hammerer interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur les difficultés d'ordre règlementaire auxquels sont confrontés les promoteurs du développement de méthaniseurs par mélange de boues et de bio déchets alors même qu'ils constituent une solution de diversification des ressources de production durable d'électricité dans le mix énergétique pour certains territoires. À la lecture des contributions de juin 2018 au groupe de travail sur les mélanges d'intrans en méthanisation, Mme la députée est vigilante, dans le développement de ces méthaniseurs, quant à la nécessité de privilégier les solutions locales et respectueuses du principe de précaution. Quelques conditions lui semblent importantes tel que le respect de périmètres d'approvisionnement locaux des bio déchets, un taux maximum de bio déchets autorisé, une obligation de contrôle de ces méthaniseurs par des tiers, un encadrement et une autorisation du retour au sol des mélanges via un plan d'épandage ou en logique produit après compostage. Considérant le potentiel méthanogène des bio déchets pour les méthaniseurs du mélange de boues et les conditions suscitées, elle l'interroge sur les réponses qu'il entend apporter pour permettre un cadre d'expérimentation soucieux du développement d'une énergie d'avenir.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019
MÉTHANISATION PAR MÉLANGES DE BOUES
M. le président. La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour exposer sa question, n° 740, relative à l'expérimentation de méthanisation par mélanges de boues.
Mme Véronique Hammerer. Le 1er février 2018, M. Nicolas Hulot a lancé un groupe de travail sur la méthanisation qui avait vocation à définir des orientations politiques et des mesures de nature à favoriser le développement de cette filière. C'est ainsi qu'a émergé l'objectif d'accélérer les projets de méthanisation en vue de « faire baisser les coûts de production et de développer une filière française ».
Cette proposition s'appuie sur plusieurs moyens, parmi lesquels la généralisation de la méthanisation des boues de grandes stations d'épuration et l'élargissement des gisements pour la méthanisation. Selon le dossier de presse à l'appui de ce projet, le potentiel méthanogène de ces boues est important en ce qu'elles représentent un fort gisement. Le même document indique que « les mélanges d'intrants deviendront donc possibles parce qu'ils sont nécessaires à la bonne performance de la méthanisation mais seulement dans des conditions de sécurité renforcées pour les terres agricoles en cas d'épandage du digestat ».
Pourtant, certaines structures volontaires pour développer ce type de méthanisation n'obtiennent pas les autorisations nécessaires. Pour ma part, je suis convaincue que des expérimentations obéissant à la fois au principe de précaution et à des critères précis nous permettraient d'adopter un positionnement clair sur le sujet.
La station d'épuration de Porto, du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de Cubzadais-Fronsadais, qui se trouve dans ma circonscription, est l'initiatrice d'un projet de méthanisation ambitieux susceptible d'alimenter 300 foyers. Situé sur un territoire dépourvu d'autres méthaniseurs concurrentiels, il fonctionnerait par approvisionnement local en biodéchets, avec un taux maximal défini. Ces critères, ajoutés à l'obligation de contrôle des méthaniseurs, à un encadrement et à une autorisation du retour au sol via un plan d'épandage, permettraient d'expérimenter en toute sécurité la méthanisation par mélange des boues avec des intrants.
Je partage l'idée que la nécessaire transition écologique et solidaire doit s'appuyer sur des solutions locales et respectueuses du principe de précaution. En la matière, l'expérimentation permet, me semble-t-il, l'innovation. C'est pourquoi je souhaite connaître le cadre expérimental et territorial que le ministère entend mettre en place pour permettre à la méthanisation de contribuer à la diversification du mix énergétique.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, vous appelez fort justement mon attention sur les difficultés que rencontrent certains porteurs de projets de méthaniseurs qui souhaitent pouvoir les alimenter en mélangeant des déchets alimentaires produits par les ménages et des boues de station d'épuration.
La méthanisation est, vous l'avez rappelé, une filière prometteuse aux bénéfices multiples, tant en termes environnementaux que de création d'emplois. La production de biogaz doit effectivement prendre une part importante dans la transition énergétique, en s'appuyant notamment sur l'obligation de généralisation du tri à la source des biodéchets, qui a été avancée à la fin 2023 par la révision de la directive-cadre européenne relative à la gestion des déchets. Ces biodéchets présentent, en effet, un potentiel de valorisation élevé. Leur tri à la source est donc indispensable pour une valorisation sous forme de méthanisation puis de réutilisation comme fertilisant de qualité élevée. En conséquence, la filière dispose à la fois d'un soutien fort de la part du Gouvernement et d'un cadre réglementaire adapté à ses enjeux.
À la suite des travaux, que vous avez rappelés, du groupe de travail sur le développement de la méthanisation lancé par Nicolas Hulot et successivement repris par Sébastien Lecornu puis moi-même, le Gouvernement a acté, au début de cette année, des orientations portant sur les mélanges en amont de la méthanisation, qui tiennent compte des retours de l'ensemble des parties prenantes concernées. Il en ressort que le mélange de boues issues de différentes stations d'épuration sera rendu possible alors qu'il est interdit à ce jour, sauf dérogation préfectorale, souvent obtenue au terme d'une procédure administrative trop lourde.
Il est également prévu de faciliter le mélange de ces boues avec d'autres déchets organiques similaires issus de l'assainissement, qui représentent un potentiel de développement de la méthanisation non négligeable. Cette mutualisation facilitée entre plusieurs stations d'épuration permettra, en outre, de contribuer à la diversification des ressources de production d'énergies renouvelables.
Cependant, le mélange de boues issues de stations d'épuration urbaines avec des biodéchets n'apparaît pas pertinent au regard de la montée en puissance d'une filière autonome des biodéchets, qui permet un usage de qualité, présente des garanties plus élevées en matière de prévention des pollutions et donc une valeur économique accrue des digestats qui en sont issus. C'est d'ailleurs pour ces raisons que la nouvelle directive-cadre européenne sur les déchets de 2018 interdira de tels mélanges d'ici à quelques années.
Il n'apparaît donc pas pertinent de permettre l'émergence de projets de méthanisation dont le modèle économique serait uniquement basé sur le mélange de boues de stations d'épuration et de biodéchets alors que cette pratique sera, à terme, proscrite au niveau européen. En revanche, tout projet de méthanisation fondé essentiellement sur des boues de stations d'épuration ou lié à une activité agricole peut être soutenu.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Hammerer.
Mme Véronique Hammerer. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse. J'aurais aimé que l'on puisse expérimenter ce procédé, mais je comprends que l'on prend le chemin de l'impossibilité de mélanger intrants et boues. Je le regrette vivement, car la station de Porto, dans ma circonscription, aurait pu disposer d'un outil très intéressant en portant ce type de projet. J'en prends acte.
Auteur : Mme Véronique Hammerer
Type de question : Question orale
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019