Question orale n° 750 :
Les multiples inquiétudes des agriculteurs français sur leur avenir.

15e Législature

Question de : M. Julien Dive
Aisne (2e circonscription) - Les Républicains

M. Julien Dive alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les différentes crises que traversent les agriculteurs français. Les agriculteurs sont inquiets de la future politique agricole commune, qui pourrait non seulement raviver les concurrences au sein de l'Union, mais voir aussi une baisse de 15 % du budget pluriannuel. Les agriculteurs savent qu'il sera très difficile pour eux de continuer leur activité sans les aides européennes, alors qu'ils font déjà face à une concurrence déloyale face à des produits venant du Brésil, de Chine ou des États-Unis où l'agriculture est massivement subventionnée. Une filière est déjà particulièrement atteinte et en difficulté : la filière de la betterave-sucre. Deux ans après la fin des quotas européens qui permettaient la stabilité des prix, la filière du sucre en France traverse une grande crise. Les protections européennes se sont arrêtées alors même que le marché mondial s'effondrait. Les annonces de fermetures d'usines se sont multipliées, plongeant les betteraviers dans une incertitude totale et une crainte sur l'avenir de la filière. La fermeture de ces usines obligerait beaucoup de producteurs qui les fournissaient à arrêter de cultiver de la betterave, pour ceux qui par miracle réussiraient à survivre, il sera difficile pour eux de transmettre dans le futur leur exploitation. Dans l'Aisne, ce sont plusieurs milliers de producteurs qui se retrouveraient à arrêter de produire de la betterave. Les causes qui ont amené à cette crise sont aussi politiques, la fin des protections européennes a hélas convergé au moment de la chute des cours mondiaux. Un autre problème subsiste aussi dans les Hauts-de-France et notamment dans l'Aisne. Depuis plusieurs années, plusieurs agriculteurs belges viennent pour sous-louer des terres agricoles et cultiver des pommes de terre illégalement. Les conséquences sont aussi multiples que dévastatrices : une spéculation foncière empêchant les jeunes agriculteurs de s'installer, certains essayent de s'installer depuis plus de 10 ans et ne trouvent pas ; des conséquences écologiques avec un flux incessant de camions et tracteurs, circulant entre la France et la Belgique ; enfin, une concurrence totalement déloyale puisque ces agriculteurs belges utilisent des produits qui sont souvent non-autorisés en France et qui permettent une surproduction. Cette situation s'explique parce que les agriculteurs n'arrivent plus à vivre de leur métier et sont obligés pour survivre d'arrondir les fins de mois, avec des conséquences graves pour les jeunes agriculteurs, les terres et l'écologie. Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur ces questions.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019

INQUIÉTUDES DES AGRICULTEURS
M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour exposer sa question, n°  750, relative aux inquiétudes des agriculteurs.

M. Julien Dive. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, alors que les élections européennes se sont achevées voici quarante-huit heures, les négociations de la prochaine programmation 2021-2027 de la politique agricole commune – PAC – seront le premier chantier qui occupera les députés européens. Comme cela a été dit, une menace pèse sur son budget, pour plusieurs raisons dont certaines liées au Brexit. Or une diminution, si elle était avérée, pourrait faire courir un vrai risque à nombre de nos paysans, déjà très exposés sur le marché mondial.

La PAC, vous le savez, n'est pas une politique d'aide sociale, mais probablement la première des politiques intégrées de l'Union européenne. Sur la scène internationale, c'est un rempart qu'il convient de préserver, même si son fonctionnement doit sans doute être réformé. Tous nos concurrents internationaux – Brésil, Chine, États-Unis – ont instauré une politique d'aides à leur agriculture, qui garantit un prix minimal à leurs exploitants.

Vous le savez, un exploitant français, exposé à la volatilité des marchés, ne peut pas résister. Citons d'abord l'exemple de la filière de la betterave à sucre, pour laquelle j'avais alerté Stéphane Le Foll en 2016, puis Stéphane Travert.

La fin des quotas betteraviers en Europe, qui assuraient une stabilité des prix, a précipité les planteurs dans une violente crise. Les annonces de fermetures d'usines, comme à Cagny, en Normandie ou à Eppeville, dans les Hauts-de-France, constituent autant de catastrophes non seulement pour les emplois, directs et indirects, de ces sucreries, mais aussi pour les planteurs.

Les députés de tous les bancs de cet hémicycle, de la gauche à la droite, se sont mobilisés, à l'instar de la Confédération générale des planteurs de betteraves – CGB –, pour proposer un plan de reprise au groupe allemand Südzucker. Celui-ci, pourtant, vous le savez car vous connaissez bien le sujet, préfère contourner la loi Florange et laisser mourir ses sites.

Aussi, monsieur le ministre, je vous prie, ainsi que M. le ministre de l'économie et des finances, de durcir le ton face à ces industriels étrangers qui ne respectent pas la loi française. Je vous demande aussi de reconsidérer la position du Gouvernement sur l'éthanol et les carburants biosourcés, notamment l'E85, car dans ce domaine nous n'allons pas assez loin.

Il y a quelques jours, j'ai encore essuyé des revers à ce sujet lors de la discussion du projet de loi d'orientation des mobilités en commission. Le Gouvernement rejette systématiquement les amendements que nous déposons, alors que ceux-ci pourraient créer de vrais débouchés pour les filières agricoles, particulièrement pour la filière betteravière.

Venons-en à un second exemple, celui des pommes de terre. Depuis cinq ans, j'alerte vos prédécesseurs ainsi que les syndicats agricoles sur le fait que des exploitants belges, traversant la frontière, viennent chaque année sous-louer illégalement des terres agricoles dans le Nord et, de plus en plus, dans l'Ouest de la France. En proposant un loyer de 1 500 ou 2 000 euros par hectare, ils profitent du malaise économique de nos paysans.

Les conséquences de cette pratique sont graves : outre la spéculation foncière, qui empêche les jeunes de s'installer, elle a un fort impact écologique car la présence de plants non homologués en France peut conduire à une jachère noire dans certains territoires. Elle a aussi des conséquences structurelles très lourdes, puisqu'elle crée une concurrence déloyale, sur laquelle j'ai le sentiment que tout le monde ferme les yeux. Je demande aux pouvoirs publics de s'emparer de tous ces sujets.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je vais tenter, dans le peu de temps qui me reste, de répondre à l'ensemble de vos questions. D'abord, je l'ai dit, la France veut le maintien du budget de la PAC, mais elle souhaite surtout que celle-ci demeure une politique européenne, et non une juxtaposition de politiques nationales.

En ce qui concerne le protectionnisme et les négociations commerciales, vous connaissez la position du Président de la République : il s'est opposé à l'ouverture de négociations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis au motif que ces derniers ne respectent pas l'accord de Paris sur le climat ; de même, il a prévenu que la France ne signerait pas un traité avec le Mercosur qui mettrait en cause notre agriculture ainsi que nos standards sanitaires et environnementaux.

Le dossier de la betterave est très complexe. Je reçois dans les prochains jours les dirigeants du groupe Südzucker pour essayer de les convaincre de revoir leur position. Il est inacceptable de contourner la loi, de refuser de fermer des sucreries et d'empêcher les planteurs et la CGB – Confédération des planteurs de betteraves – de les reprendre. Je regrette que Sudzücker ait refusé leur offre de reprise. Bruno Le Maire et moi allons de nouveau mettre la pression sur les dirigeants de Südzucker afin qu'ils revoient leur position. Dans le cas contraire, ils devront payer car la France les a aidés. Nous ne laisserons pas faire.

Enfin, concernant les pommes de terre, nous sommes parfaitement informés de la situation en Belgique. J'ai demandé aux services du ministère de faire preuve d'une grande sévérité car la faible qualité peut causer des problèmes sanitaires. Aujourd'hui, le code rural interdit de sous-louer des terres à des fins commerciales. Nous comptons faire respecter la loi.

Données clés

Auteur : M. Julien Dive

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019

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