Acquisition de la nationalité française par déclaration et valeurs républicaines
Question de :
M. Thomas Rudigoz
Rhône (1re circonscription) - La République en Marche
M. Thomas Rudigoz attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'acquisition de la nationalité française par déclaration, dont la compétence revient aux préfectures depuis le 1er janvier 2010. Le régime déclaratif d'acquisition de la nationalité française est un droit, auquel le ministre de l'intérieur peut s'opposer par décret en Conseil d'État. Parmi les conditions de recevabilité figurent la régularité du séjour, le mariage avec un ressortissant français depuis 4 à 5 ans (en fonction du lieu de résidence du ménage, en France ou à l'étranger), l'absence de condamnation pénale à une peine d'emprisonnement supérieure à 6 mois fermes, l'assimilation à la communauté nationale (notamment linguistique), et l'adhésion aux valeurs de la République française. En pratique, cette dernière condition fait l'objet d'une validation quasi-systématique, quand bien même la préfecture décèlerait, au cours de l'entretien d'assimilation, une non-adhésion manifeste aux valeurs attendues. En effet, malgré la transmission d'avis défavorables du préfet et des forces de l'ordre, la sous-direction de l'accès à la nationalité française (SDANF) écarte régulièrement les signalements dès lors qu'un rapport social favorable est réalisé par les services sociaux. En l'absence de tout décret d'opposition présenté en Conseil d'État par le ministre de l'intérieur, le postulant est naturalisé. En somme, un tel défaut de procédure conduit à la naturalisation de postulants qui méconnaissent manifestement, voire rejettent les valeurs de la République française, notamment au regard de l'égalité entre les femmes et les hommes (séparation des hommes et des femmes lors des repas, interdiction pour l'épouse de consulter un médecin de sexe masculin, demande d'horaires adaptés pour les baignades à la piscine, déscolarisation des enfants ou encore refus d'enlever le voile pour travailler). Certains postulants ignorent jusqu'aux couleurs du drapeau ou au nom de l'hymne national, pourtant cela ne justifie pas un signalement de la part de la SDANF. Il lui demande donc si le Gouvernement envisage d'aligner le régime d'acquisition de la nationalité française par déclaration sur celui des naturalisations par décret afin de facilité la prise de décret d'opposition en cas de non-adhésion manifeste aux valeurs de la République.
Réponse publiée le 13 novembre 2018
L'acquisition de la nationalité française par un étranger à raison de son mariage avec un conjoint de nationalité française, prévue par l'article 21-2 du code civil, peut être refusée par le Gouvernement, par décret en Conseil d'État, pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique, ainsi que le prévoit l'article 21-4 du code civil. La procédure destinée à apprécier l'assimilation autre que linguistique du requérant est organisée par le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française. Ce décret précise que l'instruction des dossiers de déclarations donne lieu à des enquêtes, ouvertes dès la souscription de la déclaration, et faisant intervenir les services de police ou de gendarmerie, les services de sécurité ainsi que le casier judiciaire national. Les services sociaux peuvent également être sollicités. À la lumière des résultats de ces enquêtes, un entretien systématique avec le couple, puis avec chacun de ses membres, est organisé par les services de l'autorité de souscription. Le mode de vie au quotidien du déclarant et de son conjoint est examiné lors de cette entrevue. La synthèse de cet examen par les services préfectoraux est formalisée par un avis favorable ou défavorable à l'enregistrement de la déclaration qui accompagne le dossier transmis à la sous-direction de l'accès à la nationalité française. Si cette instruction a fait apparaître un défaut d'assimilation ou un motif d'indignité, un projet de décret d'opposition est présenté devant la section de l'intérieur du Conseil d'État qui examine la légalité et l'opportunité du projet. Le défaut d'assimilation, tel que prévu par l'article 21-4 du code civil, est caractérisé par un comportement ou des propos contrevenant au respect des principes et valeurs essentiels de la société française, au nombre desquels le principe de laïcité et le principe d'égalité homme-femme. Ainsi, le contrôle opéré par l'administration sur la condition d'adhésion du déclarant aux principes et valeurs de la République, dans le cadre de la procédure d'acquisition de la nationalité française par mariage est comparable à celui opéré dans le cadre de la procédure d'acquisition par décret.
Auteur : M. Thomas Rudigoz
Type de question : Question écrite
Rubrique : Nationalité
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 17 avril 2018
Réponse publiée le 13 novembre 2018