Question orale n° 753 :
Divorces - Couples franco-allemands

15e Législature

Question de : M. Frédéric Petit
Français établis hors de France (7e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

M. Frédéric Petit appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur les cas de divorces chez les couples franco-allemands. Sa circonscription comprend entre autres 116 000 Français établis en Allemagne. Ils s'y sont installés, parfois depuis longtemps, ils s'y marient, ils y voient grandir leur famille, mais parfois aussi, ils divorcent. Depuis deux ans, M. le député reçoit un grand nombre de cas extrêmement douloureux de ces divorces pour lesquels le jugement est rendu en Allemagne, principalement à cause de décisions peu claires, plus administratives que judiciaires, en faveur du parent allemand. Ces décisions assez déséquilibrées ont de graves conséquences pour les parents et les enfants, sans parler du sentiment subjectif, certes, mais terrible, de se sentir discriminés par une machine administrative. De plus, cette douleur n'est pas que subjective, le Parlement européen a largement approuvé le 28 novembre 2018 la résolution sur le rôle du Jugendamt dans les litiges familiaux binationaux entre la France et l'Allemagne. Le constat des eurodéputés est sans appel : les pétitions pour des discriminations de parents non allemands se sont multipliées, l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas pris en compte objectivement, procédures et attitudes discriminatoires (documents non traduits, délais irréalistes), négation de la double culture et de la deuxième langue maternelle. Ce sujet dépasse les compétences d'un député puisqu'il s'agit de procédures judiciaires. Médiateur de formation, M. le député a d'abord encouragé, au cas par cas, la mise en place de médiations, et a même soutenu un projet pilote de co-médiation biculturelle qui semble se développer aujourd'hui de façon autonome. Mais, dans le contexte actuel de rapprochement entre les deux pays et afin d'assurer équité et justice dans le règlement des divorces entre la France et l'Allemagne, il pense que le Gouvernement doit s'investir en particulier, comme le propose le Parlement européen, pour des échanges et des formations communes, aux fonctionnaires des deux administrations familiales, et de protection de l'enfance. Il souhaite qu'elle puisse dire quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement dans ce domaine.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019

DIVORCES DE COUPLES FRANCO-ALLEMANDS
M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit, pour exposer sa question, n°  753, relative aux divorces de couples franco-allemands.

M. Frédéric Petit. Ma question porte sur les cas de divorce chez les couples franco-allemands. Vous le savez, ma circonscription comprend l'Allemagne, l'Europe centrale, les Balkans ; j'habite moi-même à Varsovie. Des Français se sont installés dans ces pays, parfois depuis longtemps, ils s'y marient, ils y voient grandir leur famille, mais parfois aussi, ils divorcent. Depuis deux ans maintenant, je suis saisi d'un grand nombre de cas extrêmement douloureux de ces divorces pour lesquels le jugement est rendu en Allemagne, principalement à cause de décisions peu claires, plus administratives que judiciaires, systématiquement rendues en faveur du parent allemand.

Ces décisions assez déséquilibrées ont de graves conséquences pour les parents et les enfants, sans parler du sentiment subjectif, certes, mais terrible, de se sentir discriminé par une machine administrative.

Or, depuis quelques mois, cette douleur n'est plus seulement subjective : le Parlement européen a largement approuvé le 28 novembre 2018 la résolution sur le rôle du Jugendamt dans les litiges familiaux binationaux entre la France et l'Allemagne. Le constat des eurodéputés est sans appel : les pétitions pour des discriminations de parents non allemands se sont multipliées, l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas pris en compte objectivement ; on constate l'existence de procédures et attitudes discriminatoires, des documents ne sont pas traduits, les délais sont irréalistes. La double culture et la deuxième langue maternelle sont niées.

Ce sujet dépasse les compétences d'un député, puisqu'il s'agit de procédures judiciaires. Médiateur de formation, j'ai d'abord encouragé, au cas par cas, la mise en place de médiations, et j'ai même soutenu un projet pilote de co-médiation biculturelle qui semble se développer aujourd'hui de façon autonome.

Mais, dans le contexte actuel de rapprochement entre les deux pays et afin d'assurer équité et justice dans le règlement des divorces entre la France et l'Allemagne, je pense que le Gouvernement doit s'investir en particulier, comme le propose le Parlement européen, pour développer des échanges et des formations communes aux fonctionnaires des deux administrations qui s'occupent de la famille et de la protection de l'enfance.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement dans ce domaine ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, permettez-moi de répondre en lieu et place d'Amélie de Montchalin, qui est en déplacement pour des raisons liées au scrutin de dimanche dernier.

Dans toute l'Union européenne, le nombre de couples binationaux ne cesse d'augmenter, ce qui traduit probablement – et nous pouvons nous en réjouir – le développement d'une identité européenne.

Le droit européen n'ignore pas cette réalité ; il évolue régulièrement pour tenir compte des besoins particuliers des familles concernées et afin que les décisions de divorce ou celles relatives à l'autorité parentale soient rendues en vertu de règles communes dans tous les pays de l'Union européenne.

Il existe ainsi plusieurs règlements relatifs au droit de la famille, qui permettent de déterminer le juge compétent et la loi qui doit être appliquée. Je pense notamment au règlement dit Bruxelles II bis, dont la refonte est en cours, qui porte sur le divorce et la responsabilité parentale, ou au règlement du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux, qui est entré en application le 29 janvier dernier.

Ces instruments comportent aussi des règles permettant d'assurer la reconnaissance transfrontière des décisions de justice dans l'espace européen. Ces règles s'imposent à tous les juges de l'Union européenne et consacrent la notion clé d'intérêt supérieur de l'enfant, à laquelle je suis particulièrement attaché. Elles sont un outil pour que les divorces entre des époux de nationalité différente puissent se régler dans l'équilibre et la sécurité juridique.

Avec votre question, j'entends néanmoins que ces objectifs ne sont pas toujours atteints et que le manque de connaissances sur le droit et les pratiques des États voisins peut être une source de difficultés et de souffrance pour les personnes concernées.

L'Union européenne fournit pourtant de nombreuses informations sur le droit de chaque État, avec le portail internet e-Justice, qui est accessible à tous, notamment aux professionnels du droit. Elle finance et organise, par le biais du Réseau européen de formation judiciaire, des formations et des stages pour que les magistrats de l'Union connaissent mieux les textes européens et puissent découvrir concrètement le système judiciaire des autres États.

Chaque année, des magistrats français vont ainsi rencontrer des collègues allemands dans leur juridiction et, réciproquement, des magistrats allemands sont accueillis en France. Ces stages améliorent les liens de confiance mutuelle, comme la connaissance des systèmes judiciaires.

En France, le ministère de la justice s'efforce de faire connaître ces outils auprès des magistrats. L'Allemagne participe elle aussi activement à organiser la coopération entre autorités judiciaires.

J'ajoute qu'un magistrat de liaison français est en poste en Allemagne et qu'un de ses homologues allemands travaille en France. Ces magistrats concourent tous deux à faciliter les échanges et à favoriser l'entraide judiciaire internationale entre nos deux pays.

Votre question met en lumière la nécessité de poursuivre les efforts en ce sens, afin que les magistrats français et allemands puissent traiter de manière équilibrée les dossiers transfrontières qui leur sont confiés, dans l'intérêt des enfants et de leurs parents.

Il me semble qu'il existe, au sein du Parlement européen, un poste de coordinateur sur les droits de l'enfant, dont la fonction première est de faire office de médiateur dans le cas de divorces transfrontaliers. Sa titulaire actuelle s'apprêtant à partir, du fait des élections, j'aurai à cœur, par mes attributions, de faire en sorte qu'une candidature française soit proposée.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères soutiendra donc la poursuite d'un dialogue actif avec ses partenaires européens, notamment avec ses partenaires allemands, afin de rendre plus efficaces encore les outils indispensables qui ont été développés en matière familiale dans l'intérêt des familles multiculturelles de l'Union européenne que vous représentez.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Je vous remercie de ce petit signe amical aux familles biculturelles. Je crois cependant que la réponse n'est pas judiciaire. Les difficultés que j'ai décrites trouvent leur origine dans le rôle du Jugendamt, une institution propre à l'Allemagne. Loin de s'affronter, il faut que nos administrations collaborent. Il est ici bien question des administrations, non des magistrats car, une fois les jugements rendus, il faut veiller à leur application, qui engage deux traditions administratives différentes.

M. le président. Je vous prie de conclure, cher collègue.

M. Frédéric Petit. Monsieur le président, mon temps de parole de quatre minutes n'est pas achevé !

Le Jugendamt, créé avant la Première guerre mondiale, n'a pas été modifié depuis. Nous avons besoin que les administrations qui appliquent les décisions de justice fassent un effort de compréhension. Il s'agit non pas d'une non-reconnaissance de décisions de justice, mais d'administrations dans le domaine du droit de la famille, dont les représentants ne doivent pas se faire la guerre mais se former ensemble. Il faut donc mettre en place des formations communes.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le député. Je rappelle que le temps de parole est limité à six minutes pour l'ensemble des interventions autour d'une question.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Petit

Type de question : Question orale

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019

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