Droit de préemption SAFER
Question de :
M. Jean-Noël Barrot
Yvelines (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Jean-Noël Barrot interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la SAFER, dont la vocation première est de préserver les terres agricoles et maîtriser la spéculation foncière. Cependant, elle ne peut pas exercer son droit de préemption dans le cas de cession de parts sociales. Il est observé un nombre croissant de transactions foncières dont le montage juridique, au travers de la création de SCI et de vente partielle de parts, vise précisément à contourner volontairement le droit de préemption. Il lui demande ce qui est envisagé pour lutter contre ce processus désormais bien connu et qui va directement à l'encontre de la préservation des terres agricoles.
Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019
DROIT DE PRÉEMPTION DES SAFER
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour exposer sa question, n° 754, relative au droit de préemption des SAFER.
M. Jean-Noël Barrot. Je souhaite vous interroger sur les terres agricoles, notamment en Île-de-France, qui sont de plus en souvent l'objet de comportements prédateurs d'investisseurs soit pour alimenter la spéculation foncière, dans le cas d'investisseurs étrangers, soit pour utiliser lesdites terres à d'autres fins, y compris pour détourner les règles d'urbanisme.
Dans ma circonscription, dans les Yvelines, pas un trimestre ne passe sans que l'une de ces situations ne nous soit rapportée. C'est le cas récemment d'un terrain situé au cœur d'un plateau agricole, à cheval sur les communes de Saint-Lambert-des-Bois, Saint-Forget et Chevreuse et qui couvre une surface d'environ 4 hectares. Le montant des promesses de vente s'élève à 250 000 euros, soit 65 000 euros l'hectare – dix fois le prix moyen agricole dans le secteur. L'acquéreur n'a évidemment pas l'intention de poursuivre la culture sur ces terres.
Il existe un rempart contre de tels comportements : les SAFER – sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural – peuvent préempter les terres lorsqu'elles jugent que leur usage futur ne serait pas conforme à la stratégie agricole de la France. Cependant, ce droit de préemption peut être contourné dès lors que la transaction s'effectue au travers d'une cession de parts de SCI. C'est le cas dans l'exemple que je viens de citer.
J'invite donc le Gouvernement à trouver des solutions pour lutter contre ce procédé désormais bien connu et qui s'amplifiera dans les années à venir, à mesure que les terres agricoles deviendront des objets de plus en plus prisés par les investisseurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Votre question s'inscrit dans le cadre de la future loi sur le foncier agricole sur laquelle nous travaillerons ensemble, je l'espère. Elle porte sur le détournement du droit de préemption des SAFER.
Aujourd'hui, des prédateurs fonciers achètent des terres agricoles. Ce n'est pas acceptable. Le Gouvernement défend l'objectif « zéro artificialisation » des terres, notamment aux abords des métropoles. Nous devons conserver les terres agricoles pour nourrir nos concitoyens et assurer notre autonomie alimentaire. C'est la raison pour laquelle nous devons être intransigeants.
La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014, dont j'avais été le modeste rapporteur au Sénat, prévoyait une meilleure information, plus complète, des SAFER. Mais aujourd'hui, cela ne suffit pas. J'ai évoqué avec le président de la Fédération nationale des SAFER la spéculation sur les terres agricoles.
Dans le cadre de la future loi sur le foncier agricole, nous travaillerons, avec tous les groupes politiques, les associations, et les syndicats agricoles afin de trouver les moyens juridiques de lutter contre la spéculation dont les investisseurs étrangers ne sont pas toujours responsables.
Le travail conséquent mené par la mission d'information commune sur le foncier agricole a déjà permis de dégager un consensus sur la nécessité de rénover nos outils de régulation. Les moyens pour y parvenir n'ont certes pas fait l'unanimité. Je salue Jean-Bernard Sempastous qui en était le président. Les divergences qui sont apparues à la fin de la mission ne sont pas gênantes, toutes les propositions sont versées au dossier.
J'espère que la grande consultation sur le foncier en France qui doit débuter la semaine prochaine permettra d'apporter des réponses à vos questions. Je sais, monsieur Barrot, que vous ne manquerez pas de vous engager à nos côtés pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés : favoriser l'installation des jeunes, faciliter l'accès aux terres, et maintenir l'agriculture traditionnelle.
Installation, transmission, interdiction de la spéculation, zéro artificialisation : voilà une belle feuille de route sur laquelle nous pourrions travailler ensemble.
Auteur : M. Jean-Noël Barrot
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019