Question orale n° 757 :
Lutte contre les déserts médicaux - Mesures d'urgence

15e Législature

Question de : M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

M. Stéphane Demilly appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la difficulté rencontrée par la commune d'Ercheu, dans la 5ème circonscription de la Somme, pour trouver un médecin généraliste. Alors que la commune de 820 habitants a investi significativement dans la création d'un local de santé, elle cherche désespérément un médecin généraliste depuis le départ à la retraite du précédent. Les conséquences de cette absence de médecin sont bien connues : renoncement aux soins, allongement des distances à parcourir et des délais de prise de rendez-vous pour avoir la possibilité de consulter un médecin, saturation des urgences qui apparaissent comme l'unique recours. Cette situation n'est qu'un exemple parmi d'autres mais elle est symptomatique de ce qui se passe dans de nombreuses communes et plus uniquement, d'ailleurs, dans les petites communes. En dépit des efforts déployés notamment en termes de construction d'infrastructures flambant neuves, régulièrement de nouvelles communes sont privées de praticiens. Ce type d'incitation ne suffit pas à lever les freins à l'installation de nouveaux médecins. Alors qu'aujourd'hui, un Français sur dix vit dans un désert médical et que 47 % des médecins généralistes ont plus de 55 ans, il est urgent d'agir. La solution ne peut pas uniquement résider dans la hausse du numerus clausus car l'arrivée de médecins nouvellement formés ne permettra pas, à elle seule, de pallier les prochains départs à la retraite ni de faire face à l'augmentation des besoins liée au vieillissement de la population. La situation est bien connue et la sonnette d'alarme a déjà été tirée à de nombreuses reprises. Il lui demande donc quand et quelles mesures d'urgence vont être déployées pour enrayer ce phénomène au plus vite, pour ne pas laisser de cabinet médical vide et permettre un accès effectif aux soins pour tous.

Réponse en séance, et publiée le 29 mai 2019

LUTTE CONTRE LES DÉSERTS MÉDICAUX
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n°  757, relative à la lutte contre les déserts médicaux.

M. Stéphane Demilly. Je souhaite alerter une nouvelle fois le Gouvernement à propos du problème des déserts médicaux.

Pour que ma question soit claire, je partirai d'un cas concret. À Ercheu, commune de 820 habitants située dans la Somme – le plus beau département de France –, on recherche un médecin désespérément depuis le départ à la retraite du précédent. Et si ce médecin se fait attendre, ce n'est pas faute d'implication de la commune : celle-ci a beaucoup investi dans la communication, pour informer de cette vacance, et dans la création d'un local de santé ; pourtant, rien, rien du tout ! Ce cas n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais il est symptomatique de la situation de nombreuses communes – qui ne sont plus uniquement de petites communes, car, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, la gangrène de la désertification médicale gagne les gros bourgs et les petites villes... sauf peut-être dans le Sud de la France, au bord de la mer !

En dépit des efforts qu'elles déploient, notamment pour construire des infrastructures flambant neuves, chaque semaine, de nouvelles communes sont privées de praticiens. L'incitation matérielle ne suffit donc pas ou plus à lever les freins à l'installation de nouveaux médecins.

Or les conséquences de l'absence de médecin sont bien connues : je ne citerai que le renoncement aux soins, l'allongement des distances à parcourir, des délais insupportables avant de pouvoir obtenir un rendez-vous, ou encore, bien sûr, la saturation des urgences, qui apparaissent souvent comme l'unique recours.

Aujourd'hui, un Français sur dix vit dans un désert médical – et les déserts médicaux ne font que s'étendre – tandis que près d'un médecin généraliste sur deux a plus de 55 ans. Vous l'avez compris, il est urgent d'agir ! Face au phénomène, on ne peut pas uniquement compter sur la hausse du numerus clausus : l'arrivée de médecins nouvellement formés ne permettra pas à elle seule de pallier les prochains départs à la retraite, ni de faire face à l'augmentation des besoins liés au vieillissement de la population.

Le problème, me répondrez-vous, n'est pas nouveau : la situation est connue, et l'alarme a déjà été donnée à de nombreuses reprises – je l'ai moi-même fait en plusieurs occasions ici. Mais, justement, plus nous attendons, plus la situation empire.

Quand va-t-on donc agir, et comment ? Quelles mesures d'urgence vont être déployées pour enrayer le phénomène au plus vite, ne pas laisser vides des cabinets médicaux et empêcher que ne s'instaure une France à deux vitesses en matière d'accès aux soins ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, monsieur le député, de votre question, qui fait écho à l'inquiétude qu'inspire à nombre de nos compatriotes une démographie médicale en baisse. Vous avez voulu partir d'un cas concret, à juste titre, car peu d'approches sont plus parlantes ; je vous apporterai de même des réponses très concrètes, en particulier concernant votre département de la Somme.

Afin d'améliorer l'accès aux soins, l'agence régionale de santé des Hauts-de-France met ainsi en œuvre plusieurs mesures qui relèvent du plan « ma santé 2022 » et du projet régional de santé.

Dans les zones dites en tension, l'ARS soutient les installations par l'intermédiaire de deux types de contrats : le contrat d'engagement de service public – CESP –, aux termes duquel les étudiants de médecine et d'odontologie perçoivent une bourse d'un montant brut de 1 200 euros par mois en contrepartie de leur installation dans un territoire défini comme sous-dense en professionnels de santé pour la durée du versement de l'aide ; et le contrat de praticien territorial de médecine générale – PTMG. En Hauts-de-France, le nombre de CESP conclus a été multiplié par quatre depuis 2012 : 223 CESP – et 57 PTMG – ont été signés.

Le contrat de médecin adjoint – en renfort temporaire d'un médecin déjà installé –, aujourd'hui limité aux zones à fort afflux touristique ou aux cas d'épidémie, sera étendu à l'ensemble des zones sous-denses. Dans les Hauts-de-France, ce dispositif, déjà déployé dans l'Oise, s'appliquera aux quatre autres départements de la région en 2019-2020.

Les stages en médecine générale sont également encouragés afin de faire découvrir aux étudiants des territoires et une pratique. Dans les Hauts-de-France, 100 % des étudiants externes en médecine effectuent un stage chez un médecin généraliste ; 460 maîtres de stage en médecine générale accueillent ainsi des internes.

De même, les coopérations entre professionnels de santé sont facilitées. Il s'agit notamment de former des infirmiers dans le cadre du protocole Asalée – Action de santé libérale en équipe – dans les zones sous-denses, afin de leur permettre d'acquérir des compétences qui seront ensuite reconnues par le biais de rémunérations spécifiques. Douze protocoles de coopération sont autorisés à ce jour dans les Hauts-de-France, pour la vaccination, la radiologie et l'ophtalmologie.

L'ARS a également lancé l'initiative « filière d'excellence santé », qui vise à accroître les chances de réussite de lycéens originaires de territoires prioritaires : ils sont accompagnés de la classe de seconde à la première année commune aux études de santé – PACES. Six lycées participent à l'expérimentation depuis 2015 ; l'un d'eux est situé dans la Somme, à Montdidier, et l'a rejointe en 2016 – peut-être en êtes-vous déjà informé, monsieur le député ; plus de 400 lycéens de première et de terminale ont bénéficié du dispositif.

La télémédecine représente quant à elle une opportunité pour compléter l'offre de consultation des médecins en cabinet en réduisant les contraintes géographiques et démographiques. Plusieurs expérimentations en ce sens ont été lancées et sont financées par l'ARS, dont la télé-expertise pour la détection des tumeurs cutanées dans l'Aisne, l'Oise et la Somme : grâce à ce dispositif, 91 médecins généralistes peuvent demander une expertise à distance à des confrères dermatologues ; à ce jour, plus de 500 avis de dermatologie ont ainsi été rendus, dont 70 % en moins de quarante-huit heures.

Le soutien aux maisons de santé pluriprofessionnelles – MSP –, qui réunissent des professionnels de santé ayant choisi de travailler ensemble et de façon coordonnée au sein d'une même structure, est un autre axe fort de notre politique d'accès aux soins. Dans ce domaine, l'ARS des Hauts-de-France accompagne tous les porteurs de projet, et d'abord ceux dont le projet concerne les zones sous-denses ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans la Somme, vingt-quatre MSP sont en activité à ce jour.

Enfin, le plan d'accès aux soins prévoit que tous les professionnels de santé bénéficient, par téléphone ou par internet, d'un point d'information unique, de manière à pouvoir construire leur projet professionnel et personnel. Il existe aujourd'hui un guichet unique de ce type par département ; il y en a donc un dans la Somme au sein de la région Hauts-de-France.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Demilly

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mai 2019

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