15ème législature

Question N° 7616
de M. Sébastien Leclerc (Les Républicains - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > voirie

Titre > Période d'interdiction des élagages

Question publiée au JO le : 17/04/2018 page : 3132
Réponse publiée au JO le : 12/06/2018 page : 5009

Texte de la question

M. Sébastien Leclerc appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la contrainte que représente, depuis 2015, l'interdiction de la taille des haies entre le 1er avril et le 31 juillet. Même s'il comprend les enjeux de maintien de la faune en période de nidification, il considère que le créneau de quatre mois est beaucoup trop large à cet effet, la période la plus cruciale étant en réalité en avril et mai. En outre, il lui fait remarquer que les gestionnaires de voirie, qu'il s'agisse des communes ou des conseils départementaux, ont souvent, en zone bocagère, des difficultés à faire respecter les obligations d'élagage permettant une libre circulation des véhicules, sans que la végétation n'empiète sur le domaine public et que cette interdiction d'élaguer sur une période de quatre mois rend leur tâche encore plus difficile. Enfin, il lui fait part des réelles difficultés que cette interdiction entraîne pour les entrepreneurs agricoles spécialisés dans l'élagage, qui se retrouvent, du fait de cette réglementation, contraints à arrêter totalement leur activité pendant une trop longue période. Il lui demande de bien vouloir réexaminer ce sujet et de mettre en place une période d'interdiction raccourcie.

Texte de la réponse

La mesure de bonne conduite agro-environnementale (BCAE) 7 impose aux agriculteurs de ne pas tailler leurs haies entre le 1er avril et le 31 juillet et conditionne le versement des aides du premier pilier. La convention sur la diversité biologique (CDB) a réaffirmé le caractère fondamental d'une prise de conscience internationale, et de nombreux rapports d'experts tels que ceux de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (équivalent, pour la biodiversité, de ce qu'est le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat pour le changement climatique) ou de l'organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ont montré très récemment l'état alarmant dans lequel se situent, en particulier, les territoires agricoles. Au niveau français, la CDB se décline en une stratégie nationale pour la biodiversité qui comporte des volets agricoles non négligeables. Les politiques nationales ont tenté d'enrayer ce déclin, au travers de nombreuses mesures mais dont les résultats ne peuvent être immédiats. En particulier, la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (votée le 8 août 2016) a constitué une étape, et les mesures de la politique agricole commune représentent d'autres moyens pour essayer de limiter les pertes de biodiversité constatées grâce à de nombreux observatoires et autres dispositifs (observatoire agricole de la biodiversité, suivi temporel des oiseaux communs, travaux du centre national de la recherche scientifique de Chizé, etc.). La haie constitue un habitat important pour une grande diversité d'espèces animales en milieu agricole. Il est important de préciser quelques exemples de périodes de reproduction d'oiseaux fréquentant les haies [d'après également « tout le gibier de France », co-rédaction office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) -fédération nationale de la chasse, Ed. Hachette, 2008] : - la tourterelle des bois, classée « vulnérable » par l'union internationale pour la conservation de la nature, et qui fait l'objet d'un projet de plan d'action international auquel collabore l'ONCFS, se reproduit entre la fin du mois d'avril et la fin du mois d'août ; - la perdrix rouge, qui présente un intérêt cynégétique certain, se reproduit en pied de haies entre fin mai et fin août ; - le pigeon colombin niche dans les cavités des arbres entre mi-février et mi-septembre ; - le merle noir, qui se reproduit entre début mars et mi-juillet, ou la grive musicienne (entre mi-mars et mi-août), sont également des oiseaux à protéger durant la majeure partie de l'été ; - la mésange bleue s'installe dans les cavités des arbres pour s'y reproduire d'avril à juillet : c'est une espèce qui est très utile en agriculture, car elle consomme de nombreuses chenilles au moment de l'élevage des jeunes, en particulier en arboriculture (où elle peut être utilisée pour lutter contre le carpocapse). Par ailleurs, les chiroptères (qui font l'objet d'un plan national d'action) ont besoin de toute la végétation pendant l'été, les arbres des haies constituant des gîtes essentiels au maintien des populations de ces auxiliaires de lutte contre les ravageurs des cultures (exemple : Eudemis et Cochylis, dites « tordeuses » de la vigne). Il serait aussi possible d'évoquer d'autres groupes de taxons (reptiles, batraciens), mais aussi des éléments de botanique : l'importance des fleurs fournies par les haies, y compris en juillet-août, est souvent vitale car elles représentent des ressources alimentaires majeures pour de nombreux insectes, entre autres les abeilles (domestiques et sauvages) qui font par ailleurs l'objet de nombreuses mesures et plans d'action. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation comprend que diverses difficultés soient rencontrées, par les agriculteurs parfois mais aussi par les collectivités. Une des solutions peut se situer dans la généralisation de plans de gestion des haies qui intègrent ces difficultés et proposent des dispositifs adaptés au niveau du territoire. Ainsi, le plan de développement de l'agroforesterie, coordonné par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, travaille sur la mise au point, voire ultérieurement sur la généralisation de ces plans de gestion adaptés à de multiples enjeux. Il faut enfin signaler que les haies sont au centre de travaux importants qui ont été lancés, en 2017, à l'initiative de l'institut national de l'information géographique et forestière et de l'ONCFS et se retrouvent dans le « dispositif de suivi des bocages », co-financé par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le ministère de la transition écologique et solidaire et l'agence nationale pour la biodiversité. Ce dispositif vise à identifier et caractériser tous les bocages de France, en particulier en matière de biodiversité. De nombreux « utilisateurs » sont associés au projet [l'association française arbres champêtres et agroforesterie (AFAC-Agroforesteries), l'institut national de la recherche agronomique, l'institut national de l'origine et de la qualité, enseignement agricole, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, etc.].