15ème législature

Question N° 762
de M. Fabien Di Filippo (Les Républicains - Moselle )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > transports ferroviaires

Titre > réforme de la SNCF

Question publiée au JO le : 04/04/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2346

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME DE LA SNCF


M. le président. La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour le groupe Les Républicains.

M. Fabien Di Filippo. Monsieur le Premier ministre, comment ne pas penser aujourd'hui aux millions d'usagers du train qui, depuis hier soir, payent au prix fort cette paralysie des transports ?

Nous souhaitons une vraie réforme de la SNCF, mais pas, comme vous le proposez, une réforme minimale qui engendre un désordre maximal ! En effet, votre choix de recourir aux ordonnances sur la réforme du rail a des conséquences désastreuses. Cette méthode autoritaire et anxiogène inquiète le personnel de la SNCF, prive le Parlement d'un véritable débat de fond sur l'organisation du rail en France et prend en otage les usagers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Cette réforme du statut, dont vous vous gargarisez, ne résout en rien le problème colossal de la dette de la SNCF, qui se monte à plus de 47 milliards d'euros. Elle n'aborde en rien la question des régimes spéciaux de retraite, qui coûtent à l'État plus de 3 milliards d'euros par an.

Cette réforme est de plus complètement déconnectée des préoccupations des usagers, qui attendent une amélioration concrète et rapide du service. Les investissements indispensables dans la modernisation du réseau peuvent se faire indépendamment de vos ordonnances.

Quid, également, monsieur le Premier ministre, des petites lignes régionales qui sont essentielles pour des millions de nos compatriotes et pour la vie dans nos territoires ?

M. Thibault Bazin. Il a raison !

M. Fabien Di Filippo. Vous les mettez à terme en péril, car vous prévoyez d'en renvoyer la charge aux régions, auxquelles vous demandez, dans le même temps, des efforts d'économies sans précédent pour les années à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Alors que le blocage du pays est au plus fort aujourd'hui, nous vous demandons de jouer cartes sur table. Pourquoi mettre en œuvre une stratégie d'affolement global pour une réforme qui ne règle pas les vraies difficultés de la SNCF, de sa compétitivité et de l'amélioration du service aux usagers ? Allez-vous, oui ou non, renoncer complètement aux ordonnances, qui inquiètent les agents de la SNCF et court-circuitent le Parlement en empêchant un débat serein ? Vous devez abandonner totalement – et non pas partiellement – ces ordonnances et déposer au Parlement un véritable projet de loi qui permette une réforme en profondeur du fonctionnement de la SNCF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, il y a beaucoup de choses à dire et je vais essayer de répondre dans l'ordre aux questions que vous posez.

Oui, nous voulons engager une réforme ambitieuse du monde ferroviaire, donc de la SNCF. Nous voulons le faire parce que le statu quo dans lequel nous sommes installés n'est pas acceptable.

M. Pierre Cordier. Nous ne prônons pas le statu quo !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Des engagements publics considérables sont versés année après année pour faire en sorte que le dispositif ferroviaire fonctionne : 14 milliards de transferts d'argent public se dirigent chaque année vers la SNCF ! 14 milliards, État plus régions !

M. Jean-Paul Lecoq. C'est normal !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Au fur et à mesure que nous augmentons les sommes versées à la SNCF, la qualité du service public se dégrade. C'est un fait, et les Français le savent, le constatent.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est mal géré ! Écoutez les salariés !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Cela veut dire que si nous continuons ainsi, nous n'avons pas la garantie de rendre un meilleur service public aux usagers.

Je dois dire, monsieur le député, que le souci du Gouvernement, celui qui à mon avis nous anime tous, c'est de faire en sorte que demain, les Français aient accès à un service ferroviaire de meilleure qualité. Ce n'est pas une attaque contre ceux qui font vivre le service public ferroviaire, c'est un constat : il se dégrade et il se dégrade rapidement.

Aujourd'hui, nous mettons 22 % d'argent public en plus qu'il y a dix ans, et pourtant, nous avons tous le sentiment, à juste titre, que la qualité du service se dégrade.

UN député GDR . La faute à qui ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Le statu quo dans lequel nous sommes installés n'est pas tenable. Avant que cette majorité n'arrive aux responsabilités, il a été décidé que l'ouverture à la concurrence aurait lieu pour le monde ferroviaire.

M. Stéphane Peu. Il faut revenir sur ce choix !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. C'est pourquoi, monsieur le député, nous nous sommes engagés dans une réforme, réforme dont vous dites qu'elle est a minima et dont on nous dit par ailleurs qu'elle serait une opération de casse sans précédent ! J'ai tendance à penser, monsieur le député, que la vérité est probablement au milieu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La vérité, monsieur le député, c'est qu'il s'agit d'une réforme ambitieuse !

Je vais m'exprimer de la manière la plus claire possible.

Elle permettra, tout d'abord, une ouverture à la concurrence, de façon progressive, de l'ensemble du système ferroviaire. Elle permettra, ensuite, de transformer le statut de l'entreprise pour faire en sorte qu'elle soit plus efficace, qu'elle fonctionne mieux, qu'elle soit plus compétitive. Elle permettra, enfin, d'adapter le statut…

M. Pierre Cordier. Pas par ordonnance !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …de le supprimer pour ceux qui intégreront demain la SNCF, de le conserver pour ceux qui en disposent déjà. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Erwan Balanant. Les Républicains n'ont rien fait !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est l'objet de la réforme. Je vais être très clair, monsieur le député : cette réforme n'a pas pour but de privatiser la SNCF, elle n'a pas pour but de fermer des petites lignes, elle n'a pas pour but de revenir sur le statut de ceux qui bénéficient déjà de ce dernier (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM), mais elle a pour but, monsieur le député, de sortir du statu quo, de faire en sorte que, demain, dans un monde ferroviaire ouvert à la concurrence…

M. Pierre Cordier. Pas par ordonnance !

M. Thibault Bazin. Vous abandonnez les territoires !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …la SNCF puisse être efficace, puisse être compétitive, puisse apporter un service de qualité à l'ensemble des usagers.

Vous m'interrogez sur les ordonnances, monsieur le député. Je ne sache pas qu'il faudrait s'en abstenir par principe. Il n'a pas pu vous échapper, monsieur le député, que vendredi dernier, le Gouvernement a déposé des amendements qui permettront ici, à l'Assemblée nationale, de mener un débat de fond sur l'ouverture à la concurrence, un débat complet (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) ! Je me réjouis, monsieur le député, que ce débat arrive, car il vous permettra de vous exprimer et même, à son terme, de savoir si oui ou non, vous voulez l'ouverture à la concurrence !

M. Pierre Cordier. On ne se gênera pas pour s'exprimer !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ce sera un élément intéressant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Pierre Cordier. Ce n'est pas la question !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Enfin, monsieur le député, je veux vous dire que je respecte les grévistes…

M. Pierre Cordier. Heureusement !

M. Sébastien Jumel. J'espère bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …car le droit de grève est garanti constitutionnellement. Je respecte les grévistes. Ils ont le droit de grève et aucun d'entre nous, ici, n'accepterait que ce droit soit mis en cause. Toutefois, monsieur le député, reconnaissez avec moi que si les grévistes doivent être respectés, les millions de Français qui veulent aller à leur travail, parce qu'ils n'ont pas le choix, parce qu'ils veulent aller travailler, doivent également être respectés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.) Les millions de Français qui veulent se déplacer doivent également être entendus ! (Mêmes mouvements). Sur ce plan-là, monsieur le député, j'entends autant les grévistes – qui se font parfois entendre avec vigueur – que ceux qui n'acceptent pas cette grève ou, plus exactement, ceux qui veulent aller travailler, qui veulent continuer à mener leur vie, à bénéficier de leur liberté constitutionnelle d'aller et de venir.

M. Stéphane Peu. On n'entend que vous dans les médias !

M. Pierre Cordier. C'est une question de méthode !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ceux-là aussi, monsieur le député, ont droit à notre respect. Permettez-moi de les saluer, car ils ont des jours difficiles devant eux…

M. Jean-Paul Lecoq. Les grévistes aussi ont des jours difficiles devant eux !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …la grève ayant été organisée pour avoir un impact maximal sur les usagers et les clients de la SNCF. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM et sur de nombreux bancs du groupe UDI-Agir.)