15ème législature

Question N° 766
de Mme Martine Leguille-Balloy (La République en Marche - Vendée )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > travail

Titre > Qualification des contrats de travail sur les hippodromes

Question publiée au JO le : 11/06/2019
Réponse publiée au JO le : 19/06/2019 page : 6111

Texte de la question

Mme Martine Leguille-Balloy appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur l'insécurité juridique qui pèse sur les sociétés de courses et les prestataires qui emploient dans des laps de temps courts mais répétitifs des salariés sur les hippodromes. L'organisation d'une réunion de courses suppose la présence de personnels qualifiés, qu'il s'agisse par exemple des juges agréés par le ministère de l'intérieur pour contrôler la régularité des épreuves, des vétérinaires qui officient pour le contrôle anti-dopage, du personnel en charge de la prise des paris ou de l'accueil du public. Compte tenu de la nature particulière de cette activité, il est d'usage pour les sociétés de courses de recourir à des contrats de travail de courte durée pour assurer ces missions. En moyenne, selon la catégorie d'emploi concernée, lesdits salariés sont ainsi mobilisés très ponctuellement, entre 5 et 50 jours par an, à des dates variables, pour une durée hebdomadaire variant entre 5 heures et 7 heures 30, ce qui ne permet pas de leur proposer un CDI. À la suite de l'adoption de la loi du 12 juillet 1990 et du décret précisant les secteurs d'activité pouvant recourir à des CDD d'usage, les ministres du travail en poste en 1991 et 1992, M. Jean-Pierre Soisson et Mme Martine Aubry, ont confirmé à la filière hippique dans des courriers et une réponse écrite publiée au Journal officiel que les contrats de travail à durée déterminée pour des activités liées à l'organisation des courses de chevaux et de pari mutuel sur les hippodromes correspondaient à des contrats d'usage au titre des spectacles en application de l'article D. 1242-1 du code du travail. En outre, les emplois concernés satisfont aux sept caractéristiques définies par l'inspection générale des affaires sociales dans son rapport de 2015 sur l'évaluation des CDD d'usage. Plusieurs tribunaux ont cependant considéré qu'en l'absence de mention expresse des courses hippiques à l'article D. 1242-1, ces contrats devaient être requalifiés en CDI. La filière des courses hippiques, déjà particulièrement fragilisée par les difficultés qu'elle doit relever, ne peut supporter le risque de requalification en CDI de l'ensemble des contrats de travail qu'elle a conclus. Elle l'interroge ainsi sur la forme juridique préconisée pour ce type d'emplois.

Texte de la réponse

EMPLOI DANS LA FILIÈRE HIPPIQUE


M. le président. La parole est à Mme Martine Leguille-Balloy, pour exposer sa question, n°  766, relative à l'emploi dans la filière hippique.

Mme Martine Leguille-Balloy. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail. Elle porte sur l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les sociétés organisant des courses hippiques, ainsi que les prestataires employant des salariés dans les hippodromes, pour des laps de temps courts et répétés.

L'organisation de ces courses suppose la présence de personnels qualifiés, tels que les juges agréés par le ministère de l'intérieur pour contrôler la régularité des épreuves et les vétérinaires chargés du contrôle antidopage, ainsi que du personnel assurant la prise des paris et l'accueil du public.

Compte tenu de la nature particulière de cette activité, il est d'usage, pour les sociétés de courses, de recourir à des contrats de travail de courte durée, pour les salariés chargés d'assurer ces missions. Ceux-ci sont mobilisés très ponctuellement, voire très peu – entre cinq et cinquante jours par an en moyenne, selon la catégorie d'emploi concernée –, à des dates variables, pour une durée hebdomadaire variant entre cinq heures et sept heures et demie, ce qui ne permet pas, à l'évidence, de leur proposer un contrat à durée indéterminée.

À la suite de l'adoption de la loi du 12 juillet 1990, un décret a précisé les secteurs d'activité autorisés à recourir à des contrats à durée déterminée – CDD – d'usage. Or les emplois que je viens d'évoquer n'en font pas partie, alors que les ministres du travail en fonction en 1991 et 1992, M. Soisson puis Mme Aubry, avaient confirmé à la filière hippique, dans des lettres ou des réponses écrites publiées au Journal officiel, que les contrats conclus pour les activités de pari mutuel et d'organisation de courses de chevaux dans les hippodromes correspondaient bien à des CDD d'usage.

En outre, les emplois concernés satisfont aux sept caractéristiques définies par l'inspection générale des affaires sociales dans son rapport de 2015 relatif à l'évaluation du CDD d'usage. Malheureusement, plusieurs tribunaux ont considéré que les contrats concernés devaient être requalifiés en CDI, en l'absence de mention expresse des courses hippiques à l'article D. 1242-1 du code du travail, qui définit les bénéficiaires des CDD d'usage.

La filière des courses hippiques, déjà très fragilisée par des difficultés financières, ne peut supporter le risque de requalification en CDI de l'ensemble des contrats de travail conclus. Je souhaiterais donc savoir quelle forme juridique Mme la ministre du travail préconise pour ce type d'emplois.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous prie de m'excuser pour mon retard. Veuillez également excuser l'absence de Mme Pénicaud, occupée ce matin par l'annonce de la réforme de l'assurance-chômage. Elle m'a chargé de répondre en son nom.

Vous le savez, madame Leguille-Balloy, le CDD d'usage est un cas de recours au contrat à durée déterminée. Dans certains secteurs d'activité définis soit par voie réglementaire, soit par convention collective ou accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère intrinsèquement temporaire des emplois concernés.

Le recours au CDD d'usage déroge donc au principe selon lequel le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. Il doit répondre à des besoins ponctuels et immédiats, pour des postes spécifiques et pour une durée limitée. Il ne peut avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Ces règles constituent une garantie essentielle, afin d'empêcher la précarisation de l'emploi des travailleurs salariés.

Lorsque le juge requalifie un CDD d'usage en CDI, il ne remet pas en cause l'emploi en tant que tel, mais la relation de travail unissant un même salarié, constamment réemployé sous CDD d'usage, à un employeur donné. En pareil cas, la relation de travail n'est manifestement pas temporaire, mais traduit au contraire des besoins durables, qu'un salarié en CDI devrait normalement satisfaire. L'objectif visé par la législation est de circonscrire ce type de contrat à des besoins strictement définis.

Afin d'écarter le risque de requalification en CDI, il convient de vérifier que l'activité principale de l'entreprise figure sur la liste fixée par l'article D. 1242-1 du code du travail, qui a été complétée par certaines conventions collectives et accords collectifs étendus.

D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, l'activité de collecte et de gestion de paris dans les hippodromes pour le compte de sociétés de courses de chevaux ne se rattache à aucun des secteurs dont la liste figure dans le décret. Cela ressort notamment d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation daté du 24 juin 2003.

En conséquence, il est préférable que les conditions d'utilisation et l'encadrement du recours au CDD d'usage en vue de pourvoir les emplois en question soient définis en priorité par la négociation collective. Il revient donc aux partenaires sociaux de la branche des hippodromes et centres d'entraînement d'Île-de-France, de Cabourg, de Caen, de Chantilly et de Deauville de définir le cadre du recours au contrat court, afin de fournir une réponse adaptée aux besoins temporaires de main-d'œuvre du secteur, tout en offrant des garanties adaptées aux salariés.

À ce titre, l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail permet d'aménager, par accord de branche étendu, certaines règles propres aux CDD, afin de tenir compte des configurations du secteur d'activité concerné. Sont ainsi ouverts à la négociation les règles relatives à la durée totale du contrat – renouvellements inclus – ainsi que le nombre maximal de renouvellements possibles du contrat. Cette ouverture à la négociation constitue la réponse pertinente au problème que vous avez soulevé, madame la députée.

M. le président. La parole est à Mme Martine Leguille-Balloy.

Mme Martine Leguille-Balloy. Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes certainement informé des difficultés conjoncturelles que rencontre la filière. À l'heure actuelle, il est d'autant plus difficile de négocier que certains employés ont d'ores et déjà obtenu la requalification de leur contrat.

Après l'adoption de la loi du 12 juillet 1990 et du décret susmentionné, deux ministres ont expressément précisé que les emplois ponctuels dans les hippodromes relevaient des contrats d'usage, même s'ils n'ont pas modifié le décret en conséquence.

M. le président. Merci, ma chère collègue…

Mme Martine Leguille-Balloy. Vous avez évoqué les employés chargés de prendre les paris. D'autres sont concernés, notamment les vétérinaires et les juges, qui font un travail très pointu. Également employés ailleurs, ils ne vont pas entrer dans cette discussion.