Situation incertaine de personnes exposées à la pollution minière
Question de :
M. Olivier Gaillard
Gard (5e circonscription) - La République en Marche
M. Olivier Gaillard alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la situation incertaine de certaines familles situées à proximité des sites miniers de la Croix-de-Pallières, en termes de prévention des risques et d'indemnisation, et l'interroge sur les réponses à y apporter. Cela fait 18 ans que la pollution de la mine de la Croix-de-Paillères est identifiée, une pollution résiduelle de très grande ampleur, notamment au plomb, à l'arsenic et au cadmium. Des sommes de grande ampleur ont été dépensées en études et rapports (Geoderis en 2002, Ineris en 2007, bureau ICF Environnement en 2012 et 2013, IGAS en 2016, expert judiciaire en géologie en 2016, ARS en 2018), et l'existence d'un risque réel pour l'environnement et la santé est désormais attesté. C'est une catastrophe sanitaire et environnementale qui oblige à prioriser les actions compte tenu de l'urgence. La santé publique, la mise en sécurité et l'indemnisation des familles exposées sont les premières des priorités. Le lieu de vie de l'une des familles propriétaires à fait l'objet d'un classement déclenchant le constat, par l'ARS, de la nécessité de supprimer l'exposition des occupants permanents du foyer concerné, aux polluants présents dans les sols. En raison de la menace grave pour la santé de cette famille et de ses animaux, la décision a été prise par l'État d'une acquisition amiable de la propriété. D'autres foyers, installés sur le même site industriel de la tuilerie, (ancienne laverie de fer de la mine Joseph), sont exposés dans des proportions moindres selon ces relevés. Pour autant, cela n'exclut ni l'enjeu de santé publique, car un risque pour la santé persiste, ni l'enjeu de la réponse au préjudice qui réside dans la perte de valeur considérables des biens. Quel sort leur sera réservé ? Le principe est que chaque cas individuel sera traité distinctement. Il paraît dans le même temps impérieusement nécessaire d'apporter également des réponses de court terme à la dizaine de familles qui, certes moins exposées, n'en demeurent pas moins exposées quotidiennement et à long terme à une pollution résiduelle d'ampleur. L'inaction vis-à-vis d'elles reviendrait à les assigner à résidence dans une zone frappée d'une pollution certaine et anormale, malheureusement durable, et donc d'un risque anormal, notamment pour la santé, causant une perte de valeur considérable des biens immobiliers. L'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir le risque pour la santé et indemniser les propriétaires concernés, s'impose de toute urgence. Par le passé, ce choix a été fait non loin de là, afin de mettre en sécurité et indemniser les populations touchées par une pollution d'anciennes mines à Saint Laurent-Le-Minier. Les difficultés pour identifier les responsabilités, mobiliser un fonds d'indemnisation, cumulées aux stratégies de défense des entreprises minières concernées, conduisent à des lenteurs des procédures administratives et judiciaires, peu compatible avec l'urgence. C'est pourquoi il lui demande son positionnement concernant la proposition qu'il soumet, tout autant au ministère de la transition écologique et solidaire, qu'au ministère des solidarités et de la santé. Il s'agirait de convenir d'un plan interministériel (environnement, mine et santé) permettant de coordonner la recherche et la mise en œuvre de solutions de mise en sécurité et d'indemnisation des familles qui actuellement n'entreraient dans aucun dispositif existant, à défaut d'un dispositif véritablement efficace d'indemnisation des dégâts miniers, pourtant indispensable pour faire face au présent et à l'avenir. Par ailleurs, il lui demande s'il serait favorable à une réforme du code minier et, dans l'affirmative, à quel horizon se profilerait-elle. L'élargissement de la notion de dégâts miniers, l'amélioration du solutionnement des situations lorsque l'exploitant fait défaut sont autant de champs de travaux à mener qui ont été mis en évidence par un rapport rendu le 18 janvier 2012 conjointement par le CGEDD et le CGIET.
Réponse en séance, et publiée le 19 juin 2019
POLLUTION À PROXIMITÉ DE L'ANCIEN SITE MINIER DE LA-CROIX-DE-PALLIÈRES
M. le président. La parole est à M. Olivier Gaillard, pour exposer sa question, n° 767, relative à la pollution à proximité de l'ancien site minier de La-Croix-de-Pallières.
M. Olivier Gaillard. Dans le Nord-Ouest du département du Gard, des familles vivent à proximité des anciens sites miniers de La-Croix-de-Pallières, dans un environnement contaminé par l'arsenic, l'antimoine, le zinc et le plomb. Leur vie quotidienne en est durement marquée à de multiples niveaux, leur avenir est incertain et leurs attentes sont grandes.
Pourtant, cette pollution résiduelle de très grande ampleur est connue depuis dix-huit ans. Des sommes très importantes ont été dépensées en études et rapports, réalisés par Géodéris en 2002, par l'INERIS – Institut national de l'environnement industriel et des risques – en 2007, par ICF Environnement en 2012 et en 2013, par l'IGAS – inspection générale des affaires sociales – en 2016, par un expert judiciaire en géologie en 2016 et enfin par l'ARS – agence régionale de santé – en 2018. Un risque réel pour l’environnement et la santé est désormais attesté.
C'est une catastrophe sanitaire et environnementale. La santé publique, la mise en sécurité et l'indemnisation des familles exposées sont les premières des priorités.
Le lieu de vie de l’une des familles propriétaires a fait l’objet d’un classement, lequel a conduit l'ARS à constater que les occupants permanents de ce foyer ne devaient plus être exposés aux polluants présents dans les sols. Compte tenu de la menace grave pour la santé de cette famille, l'État a proposé une acquisition à l'amiable de la propriété. D'autres foyers, installés à proximité sur le site industriel de la tuilerie, ancienne laverie de fer de la mine Joseph, sont aussi exposés. Dans tous les cas, vous en conviendrez, l'enjeu de santé publique se pose sur une zone élargie, à appréhender dans son ensemble.
L'autre réalité est bien sûr la perte de valeur considérable des biens situés dans le périmètre. Le principe qui semble s'imposer est le traitement distinct de chaque cas individuel. Il paraît impérieux que la dizaine de familles exposées à la pollution fassent l'objet d'une égale attention et d'un traitement équitable à court terme. Par le passé, ce choix a été fait, non loin de là, afin de mettre en sécurité et d'indemniser les populations touchées par une pollution d'anciennes mines à Saint-Laurent-le-Minier. Des difficultés juridiques se posent pour l'identification des responsabilités, la mobilisation des fonds et la mise en œuvre des pouvoirs de police. Cette situation est incompatible avec l'urgence. L'écueil auquel nous sommes confrontés – l'absence d'un dispositif vraiment efficace d'indemnisation des dégâts miniers – conduit à des procédures judiciaires interminables.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d’État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, j'aimerais connaître la position du Gouvernement sur un éventuel plan interministériel, associant les ministères chargés de l'environnement et de la santé, en vue de coordonner la recherche et la mise en œuvre de solutions de mise en sécurité et d'indemnisation des familles.
La réforme annoncée du code minier présage-t-elle enfin d'une issue de court terme favorable à ce territoire sinistré ? Dans l'affirmative, à quelle échéance et selon quelles modalités ? N'oublions pas que le traitement du dossier de Saint-Félix-de-Pallières fait écho aux problématiques identifiées et aux recommandations formulées par de nombreux rapports, dont celui rendu conjointement le 18 janvier 2012 par le CGEDD et le CGIET – conseil général de l’environnement et du développement durable, et conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvant être présent ce matin, monsieur Gaillard, il m'a chargée de vous répondre.
Comme lui, je suis bien entendu très attentive à la gestion des risques inhérents aux anciens sites miniers, surtout lorsque des terrains pollués sont susceptibles de présenter un risque important pour la santé humaine. Mes services, tant dans l'administration centrale que dans l'administration déconcentrée, sont pleinement mobilisés sur ces dossiers sensibles.
Vous avez évoqué la situation sanitaire des familles installées à proximité des anciens sites miniers de La-Croix-de-Pallières. Je comprends l’inquiétude qu’une telle situation peut engendrer. Néanmoins, pour apporter la solution la plus appropriée, il faut examiner la situation de chaque foyer de manière individuelle.
Vous avez évoqué la situation particulière de la famille dont l’État a décidé, à l'amiable, d’acquérir la propriété. Cette décision fait suite aux différentes campagnes d’investigation réalisées en 2012 et en 2015, lesquelles ont conduit à classer le milieu comme « incompatible » avec les usages de la propriété déclarés par la famille, notamment du fait de teneurs en plomb très élevées dans les sols. Après avoir étudié différents scénarii pour rétablir la compatibilité des sols des terrains avec un usage d’habitation, et au regard de la menace grave pour la santé des occupants des lieux – confirmée par les autorités sanitaires –, un accord de principe a été trouvé avec la famille sur l’acquisition amiable de la propriété. Cet accord découle, d’une part, de la confirmation par l’ARS de la nécessité de supprimer l’exposition des occupants permanents de ce foyer aux polluants et, d’autre part, du fait que l’ancienne laverie de minerai, reconvertie en logement, relèverait aujourd’hui, si elle était encore en activité, de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement. En outre, l’exploitant de l’époque est considéré comme défaillant.
Le cas des autres foyers ne pouvant être assimilé à celui de la famille précédente, leur traitement doit être différencié. Ces foyers ont fait l’objet d’investigations de Géodéris, expert de l'après-mine de l’État, au second semestre de 2016. Les concentrations en plomb mesurées dans leurs propriétés sont très inférieures à celles enregistrées dans la propriété de la famille précédente, ce qui a conduit l’ARS à ne pas émettre de recommandation sanitaire particulière, et Géodéris estime peu probable que les contaminations qui les touchent aient une origine minière.
L’ensemble des conditions ayant justifié un accord de principe avec la première famille ne sont donc pas réunies pour ces autres foyers, et il n’existe pas de dispositif mobilisable, tant au titre du code de l’environnement que du code minier. En décembre 2016, le CGDD – commissariat général au développement durable – et l'IGAS préconisaient de recourir, en tant que de besoin, à la police d’insalubrité pour le relogement éventuel des personnes concernées. La mise en œuvre de cette police par les autorités sanitaires est une piste qui n’a pas encore été explorée à ce jour.
Par ailleurs, la situation des familles du site de La-Croix-de-Pallières n’est pas comparable à celle des familles du site de Saint-Laurent-le-Minier. Dans le second cas, l’acquisition amiable n’a en effet concerné qu’une seule habitation, et elle était nécessaire pour la bonne réalisation des travaux.
S’agissant enfin de la réforme du code minier, elle a été annoncée lors du conseil de défense écologique, pour une présentation en conseil des ministres d’ici à la fin de 2019. Son objectif général sera de renforcer la prise en compte des enjeux environnementaux dans la délivrance des titres miniers.
Auteur : M. Olivier Gaillard
Type de question : Question orale
Rubrique : Pollution
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2019