Question orale n° 776 :
Pollution marine - Pour une meilleure gestion de l'enlèvement des épaves

15e Législature

Question de : M. Éric Pauget
Alpes-Maritimes (7e circonscription) - Les Républicains

M. Éric Pauget appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la présence d'épaves de bateaux, qui polluent les fonds marins et qui impactent les communes, les côtes et le patrimoine maritime. Le département des Alpes-Maritimes et la commune d'Antibes Juan-les-Pins, au cœur de sa circonscription, qui possède le plus grand littoral du département, sont illustratifs de ce phénomène des plus préoccupants. Le sujet est d'importance et une prise de conscience collective des conséquences dramatiques pour l'environnement et des dangers pour la navigation que représentent ces échouages de navires, s'impose. En dehors des ports, l'État est compétent pour connaître de ce problème, le préfet pour le domaine public maritime et le préfet maritime quant à toute épave en haute mer. Ainsi, lors de l'échouage d'un navire, la responsabilité des propriétaires, des armateurs ou des exploitants est engagée, l'État ayant la possibilité de se substituer à ces derniers quant à l'enlèvement des épaves. Cette substitution intervient souvent lorsque les intéressés ne sont pas identifiables ou quand ils sont insolvables. Sans compter que les communes se trouvent, dans ces conditions, dans l'obligation de faire face à la sécurisation des épaves de navires à leurs frais sans pouvoir intervenir sur leur enlèvement. Les procédures sont complexes et financièrement très lourdes pour l'État et les collectivités. Ayant été confronté à ce problème lorsque qu'il était premier adjoint de la commune d'Antibes Juan-les-Pins, il a pris conscience des difficultés rencontrées par les communes pour obtenir des services de l'État, l'évacuation de ces épaves, qui polluent durant de nombreux mois le littoral. Le maire, qui se situe au plus près d'une population et d'un territoire, doit pouvoir agir et répondre à la légitime colère de ses administrés qui voient leur environnement dégradé. Or il ne dispose pas des moyens juridiques d'évacuer ces épaves. Le littoral, est un véritable atout et une richesse qui mérite d'être protégée et préservée de ces pollutions. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures qu'il compte prendre pour d'une part, simplifier les procédures, en instituant notamment un dispositif de conventionnement État-communes, permettant à ces dernières d'agir plus rapidement sur l'enlèvement des épaves, et d'autre part, permettre le remboursement des frais qu'elles engagent pour lutter contre la pollution et assurer la sécurité des citoyens. Il lui demande de lui indiquer, de plus, si le Gouvernement envisage de rendre obligatoire, pour le propriétaire, l'armateur ou l'exploitant, la souscription d'une assurance couvrant notamment ce type de risques, rendant ainsi plus vertueux les comportements.

Réponse en séance, et publiée le 19 juin 2019

ENLÈVEMENT DES ÉPAVES DE BATEAUX
M. le président. La parole est à M. Éric Pauget, pour exposer sa question, n°  776, relative à l'enlèvement des épaves de bateaux.

M. Éric Pauget. Élu azuréen, je souhaiterais évoquer les épaves de bateaux qui polluent nos fonds marins et notre littoral, et leurs conséquences pour nos communes et nos côtes.

Le cas de la commune d'Antibes Juan-les-Pins, qui est située au cœur de ma circonscription et possède le plus grand littoral du département, illustre bien ce phénomène. Une prise de conscience collective des conséquences dramatiques pour l’environnement et des dangers pour la navigation que représentent les échouages de navires s'impose.

En dehors des ports, l'État est compétent pour connaître de ce problème – le préfet pour le domaine public maritime et le préfet maritime pour toute épave en haute mer. Lors de l'échouage d'un navire, la responsabilité du propriétaire, de l'armateur ou de l'exploitant est engagée, l'État ayant la possibilité de se substituer à ces derniers pour faire enlever les épaves. Cette substitution intervient souvent lorsque les intéressés ne sont pas identifiables ou quand ils sont insolvables ; les communes se trouvent, dans ces conditions, dans l'obligation de sécuriser les épaves de navires à leurs frais sans pouvoir intervenir sur leur enlèvement. Les procédures sont complexes et financièrement très lourdes pour l'État comme pour les collectivités.

Ayant été confronté à ce problème lorsque j'étais premier adjoint de la commune d'Antibes, j'ai pris conscience des difficultés rencontrées par les communes pour obtenir des services de l'État l'évacuation des épaves, qui polluent le littoral durant de nombreux mois. Le maire, qui se situe au plus près de sa population, doit pouvoir agir et répondre à la légitime colère de ses administrés qui voient leur environnement dégradé, notamment en début de saison touristique. Or il ne dispose pas des moyens juridiques d'évacuer les épaves. Notre littoral est un véritable atout et une richesse qui mérite d'être protégée et préservée de ces pollutions.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour simplifier les procédures, en instituant par exemple – c'est une piste de réflexion que je me permets de vous soumettre – un dispositif de conventionnement entre l'État et les communes, permettant à ces dernières d'agir plus rapidement pour l’enlèvement des épaves ? Comment entend-il permettre le remboursement des frais engagés par les communes pour lutter contre ces pollutions ? Enfin, envisage-t-il enfin de rendre obligatoire pour le propriétaire, l'armateur ou l'exploitant la souscription d'une assurance couvrant notamment ce type de risques, afin de rendre les comportements plus vertueux ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Votre question, monsieur Pauget, porte sur l’évacuation des épaves.

Le maire est notamment chargé d'assurer la sécurité et la salubrité publiques. Pour les communes riveraines de la mer, ce pouvoir s’exerce sur le rivage jusqu'à la limite des eaux. On peut donc en effet imaginer que le maire puisse être contraint de sécuriser une épave échouée sur le rivage et de prendre, le cas échéant, des mesures de lutte contre la pollution, notamment s'il s'agit d'un pétrolier. De manière classique, la charge financière des mesures prises par le maire au titre de son pouvoir de police municipale pèse sur la commune et non sur l'État. En outre, il appartient à la commune, si elle s'y croit fondée, de demander au responsable du comportement engendrant un trouble à l'ordre public, de lui rembourser les frais engagés en action en responsabilité de droit commun ; il s'agirait en l'espèce du propriétaire, de l'armateur ou de l'exploitant du navire.

Déterminer si, dans ce cas particulier des épaves de navires, les mesures de police prises par un maire doivent être financées par l'État, relève à notre sens de l'opportunité politique. On pourrait faire le lien avec d'autres cas dans lesquels un maire doit intervenir pour sauvegarder l’ordre public alors que la situation ne relève pas de son fait. Parfois, s'agissant par exemple des algues vertes en Bretagne ou des algues sargasses aux Antilles, l'État a payé : pour les algues vertes, il a été déclaré responsable de la pollution et condamné à rembourser les frais engagés par les communes pour le nettoyage ; pour les algues sargasses, il a aidé volontairement les communes à financer les mesures. À l'inverse, en cas de tempête, chute d'arbre ou mouvement de terrain, c'est à la commune qu'il revient de financer les mesures.

Enfin, s'agissant de la couverture assurantielle du risque de pollution maritime, je vous indique que l'Organisation maritime internationale a adopté cinq conventions de responsabilité civile prévoyant une obligation d’assurance du propriétaire du navire, dont quatre sont présentement en vigueur. Elles couvrent respectivement les pollutions par hydrocarbures persistants de cargaison, les pollutions par hydrocarbures utilisés pour la propulsion des navires ou le fonctionnement de leurs équipements, les préjudices subis par les passagers et l'enlèvement des épaves. Un navire entrant dans le champ d'application de l'une de ces conventions doit, s’il bat pavillon d’un État partie ou s'il entre dans un port d'État partie, disposer d'un certificat attestant d'une assurance ou une autre garantie financière en cours de validité pour couvrir les dommages visés par la convention en question. La France est partie à la CLC – convention sur la responsabilité civile – relative à la pollution par les hydrocarbures depuis 1996, à la CLC relative à la pollution par les hydrocarbures de soute depuis 2011, ainsi qu'à la convention de Nairobi relative à l'enlèvement des épaves et à la convention d'Athènes relative au transport par mer des passagers depuis 2016.

Données clés

Auteur : M. Éric Pauget

Type de question : Question orale

Rubrique : Pollution

Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 juin 2019

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