15ème législature

Question N° 779
de Mme Laurence Trastour-Isnart (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > assurance maladie maternité

Titre > Traitement du cancer de la vessie

Question publiée au JO le : 11/06/2019
Réponse publiée au JO le : 19/06/2019 page : 6117

Texte de la question

Mme Laurence Trastour-Isnart interpelle Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la non-prise en charge à 100 % par l'assurance maladie du traitement onéreux pour les personnes atteintes d'un cancer de la vessie métastasique. Si l'on excepte la chimiothérapie qui n'est pas toujours réalisable, le seul traitement contre ce type de cancer est le Keytruda (pembrolizumab). Ce dernier a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais n'est pas inscrit sur la « liste en sus » dans cette indication en raison de son amélioration du service médical rendu (ASMR) IV. Ainsi, les patients ne peuvent accéder à ce traitement car les établissements sont en incapacité de le prendre en charge avec un groupement homogène de séjour. Il serait donc judicieux de réformer la « liste en sus ». Plus largement, cette situation ubuesque met en en exergue la nécessité de réformer au plus vite l'accès des patients aux traitements innovants pour garantir plus d'équité. C'est pourquoi elle lui demande quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre pour permettre aux personnes atteintes d'un cancer de la vessie métastasique en situation d'impasse thérapeutique de bénéficier de ce traitement. Elle lui demande également si le Gouvernement ambitionne de réformer l'accès aux traitements innovants pour répondre correctement et avec humanité à l'ensemble des besoins thérapeutiques urgents.

Texte de la réponse

REMBOURSEMENT DE MÉDICAMENTS ANTICANCÉREUX INNOVANTS


M. le président. La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour exposer sa question, n°  779, relative au remboursement de médicaments anticancéreux innovants.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Monsieur le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, René, qui habite à Saint-Laurent-du-Var, dans ma circonscription, a travaillé et cotisé toute sa vie. À présent retraité, il est atteint d'un cancer de la vessie métastatique. Du fait d'une autre pathologie, il ne peut être traité par chimiothérapie. Depuis deux mois, il ne reçoit plus aucun traitement. Son pronostic vital est engagé.

Or il existe un traitement innovant, qui pourrait allonger son espérance de vie, voire le sauver : le pembrolizumab. Selon la Haute Autorité de santé, ce médicament est indispensable pour traiter un patient atteint d'un cancer de la vessie localement avancé ou métastatique ; il permet d'allonger la survie globale de celui-ci de plus de deux ans.

Pourtant, ce médicament demeure inaccessible, car il n'est pas remboursé par l'assurance maladie, ce qui est absurde, puisqu'il a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché en 2017.

Devant cette situation dramatique, la polyclinique Saint-Jean de Cagnes-sur-Mer, qui s'occupe de René, a décidé, à titre exceptionnel, de prendre en charge son traitement. Son angoisse est derrière lui ; il ne se réveillera plus chaque matin en se disant qu'il est condamné à ne recevoir aucun traitement, en raison d'un système incompréhensible et dramatique, tant pour le corps médical que pour l'ensemble des Français, en particulier les personnes atteintes d'un cancer.

Si, pour René, l'histoire se termine bien, elle se termine mal pour les centaines ou milliers de personnes qui se trouvent dans une situation similaire, car le traitement leur reste inaccessible. Elle se termine mal pour les patients atteints d'un cancer du rein métastatique ou d'un cancer du poumon qui ne peuvent avoir accès à des immunothérapies efficaces, parce qu'elle ne sont pas remboursées alors qu'elles ont reçu une autorisation de mise sur le marché.

Dans un contexte où le service public hospitalier manque de moyens financiers et humains, les établissements de santé ne disposent pas de budgets suffisants pour prendre en charge, comme le fait la polyclinique Saint-Jean, des traitements innovants et coûteux,

Monsieur le secrétaire d'État, faites-en sorte que l'histoire se termine bien pour nos concitoyens atteints d'un cancer, qui pourraient bénéficier de ces traitements. L'autorisation de mise sur le marché et la procédure de remboursement devraient être enclenchées concomitamment, comme cela se pratique déjà en Allemagne.

Ma question est donc double : le Gouvernement fera-t-il en sorte que les personnes atteintes d’un cancer de la vessie métastatique bénéficient de cette molécule ? Compte-t-il ouvrir davantage l'accès aux traitements innovants, afin de répondre avec humanité et bienveillance aux besoins thérapeutiques des Français ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, face à votre question empreinte d'humanité, qui retrace le parcours de vie de René, ma réponse pourra vous paraître technique et froide. Soyez néanmoins convaincue que, du fait notamment de son expérience, la ministre des solidarités et de la santé aborde ces questions non seulement avec expertise mais aussi avec bienveillance et humanité. J'espère en outre apporter des premiers éléments de réponse à votre question.

Vous alertez le Gouvernement sur l'impossibilité pour les patients d'accéder à un médicament anticancéreux, le Keytruda, un pembrolizumab, utilisé dans le traitement de certains cancers de la vessie.

Dans un avis rendu le 21 février 2018, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a considéré que ce médicament apportait une amélioration du service médical rendu mineure par rapport à la chimiothérapie classique. L'évaluation remise par cette commission, qui est composée d'experts scientifiques indépendants, était fondée sur trois points principaux : les patients prenant du Keytruda survivent trois mois de plus que s'ils suivent une chimiothérapie ; les études réalisées n'ont pas étudié – malheureusement – la qualité de vie de ces patients ; un risque plus élevé de décès est observé au cours des deux premiers mois de traitement par rapport à la chimiothérapie.

La commission de transparence a confirmé ces conclusions dans un avis rendu le 5 décembre 2018. Elle a par ailleurs considéré que le Keytruda n'était pas susceptible d'avoir un impact sur la santé publique pour l'indication concernée.

Pour toutes ces raisons, le Keytruda n'est pas éligible à une inscription sur la « liste en sus » des médicaments considérés comme innovants et coûteux, dont le coût est intégralement pris en charge. Dans les autres cas, les médicaments sont pris en charge par la sécurité sociale dans le cadre du paiement forfaitaire lié au séjour du patient.

Sensible aux problèmes rencontrés par les patients et consciente des difficultés d'accès à certains traitements onéreux, la ministre des solidarités et de la santé mène actuellement une réflexion, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, sur l'évolution des modalités d'inscription et de financement des produits de la « liste en sus », au-delà du cas que vous avez évoqué. Une expérimentation a été lancée au sein de quelques établissements de santé, afin de tester un nouveau dispositif visant à faire évoluer les conditions d'utilisation et de prise en charge des médicaments onéreux. En attendant que ce dispositif soit effectif et afin de ne pas interférer avec cette expérimentation, le ministère étudie les solutions qui pourraient être mises en place de manière rapide, temporaire et spécifique afin de répondre à la situation que vous avez décrite, dont on ne peut évidemment se satisfaire.