15ème législature

Question N° 788
de M. Hervé Saulignac (Nouvelle Gauche - Ardèche )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Intérieur (Mme la ministre auprès du ministre d'État)
Ministère attributaire > Intérieur (Mme la ministre auprès du ministre d'État)

Rubrique > immigration

Titre > projet de loi pour une émigration maîtrisée et un droit d'asile effectif

Question publiée au JO le : 05/04/2018
Réponse publiée au JO le : 05/04/2018 page : 2424

Texte de la question

Texte de la réponse

PROJET DE LOI POUR UNE IMMIGRATION MAÎTRISÉE ET UN DROIT D'ASILE EFFECTIF


M. le président. La parole est à M. Hervé Saulignac, pour le groupe Nouvelle Gauche.

M. Hervé Saulignac. Monsieur le Premier ministre, nous venons d'ouvrir les débats, en commission, sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif.

Il vous sera bien compliqué de démontrer que ce texte, qui fait l'unanimité contre lui, est équilibré : le Conseil d’État le juge inutile ; le Défenseur des droits considère qu'il maltraite les demandeurs d'asile ; le Conseil national des barreaux pointe un climat de suspicion systématique à l'égard des demandeurs d'asile et une terrible régression des droits ; les associations et les ONG le qualifient de répressif, de déséquilibré et d'inefficace.

Le doute, quand ce n'est pas la réprobation, s'exprime jusque dans vos rangs. Nous savons qu'il y a, dans la majorité parlementaire, des femmes et des hommes qui refusent de se faire les complices d'un texte dont ils ne partagent pas la philosophie, et pour lesquels la longue et belle tradition d'accueil qui a fait la grandeur de la France l'emporte sur toute autre considération. C'est tout à leur honneur.

M. Christian Hutin et Mme Valérie Rabault . Très bien !

M. Hervé Saulignac. Votre projet de loi adresse, enfin, un mauvais signal à l'Europe. C'est pourtant au niveau européen que doit se construire une réponse partagée, dont la France devrait être l'inspiratrice. Les valeurs qui ont fait l'Europe font cruellement défaut à votre projet, sans compter que ses dispositions paraissent heurter nos principes constitutionnels : atteintes aux droits de la défense, durées de rétention exorbitantes.

Monsieur le Premier ministre, à l'évidence, ce projet de loi, dont personne n'ignore la très grande complexité, porte en lui les germes de la désunion. Vous dites vouloir trouver un équilibre entre humanité et efficacité : cette formule, que vous nous servez à l'envi, n'est qu'un artifice de communication.

Mme Émilie Bonnivard. Ça c'est vrai !

M. Hervé Saulignac. Monsieur le Premier ministre, la question n'est pas de savoir si vous arriverez à faire l'unanimité sur ce texte, mais si vous pourrez briser l'unanimité qui s'est constituée contre lui. Comment rassurerez-vous ceux qui redoutent que ce texte ne pose plus de problèmes qu'il n'apporte de solutions ? Comment éviterez-vous un nouveau désordre social, dont la France n'a pas besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, le ministre de l'intérieur a en effet participé hier soir au début de l'examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif par la commission des lois de votre assemblée. Ce texte a été construit par le dialogue, sur le terrain, avec l'ensemble des acteurs de la politique migratoire. Il a également fait l'objet d'une longue concertation… (Exclamations sur les bancs du groupe NG.)

M. Christian Hutin. Le mot « concertation », en langage macroniste, signifie « passage en force » !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Si, il y a bien eu une concertation !

Comme vous l'avez rappelé, la ligne du Gouvernement est claire. Le Président de la République s'est lui-même rendu il y a quelques semaines à Calais pour le rappeler : humanité et efficacité, tels sont nos deux objectifs.

Vous l'avez dit vous-même : il n'est pas facile de trouver le bon équilibre. Nous voulons agir avec humanité, car c'est en effet l'honneur de la France d'accueillir celles et ceux qui fuient les théâtres de guerre, ou qui sont victimes, dans leur pays, de persécutions pour des raisons politiques, ethniques ou religieuses. Mais nous recherchons en même temps l'efficacité, car on ne saurait garantir le droit d'asile sans maîtriser les flux migratoires,…

Mme Laurence Dumont. Cela n'a rien à voir !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. …sans reconduire à la frontière celles et ceux qui n'ont pas vocation à revenir sur notre sol. Les statistiques relatives aux demandes d'asile pour l'année 2017 ont été publiées récemment. Leur nombre a considérablement augmenté : plus de 100 000 personnes ont ainsi demandé l'asile en France l'année passée ; 85 000 personnes ont fait l'objet d'une non-admission.

Il faut aussi maintenir l'équilibre de notre société. (Exclamations sur les bancs du groupe NG.)

Mme Laurence Dumont. Il faut avant tout respecter la convention de Genève !

Mme Jacqueline Gourault, ministre . Il ne faut pas la déséquilibrer, il faut respecter ce qui est acceptable pour elle. Nous savons les dangers que cela représente : je n'ai pas besoin de vous dire lesquels, nous les avons vus encore récemment…

M. le président. Merci, madame la ministre.