Rubrique > personnes handicapées
Titre > Territoires 100% inclusifs
M. Guy Bricout appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur l'appel à manifestation d'intérêt intitulé : identification de « territoires 100 % inclusifs » qui inquiète légitimement les personnes handicapées adultes et les familles dont les enfants sont porteurs d'un handicap. L'expression « territoires 100 % inclusifs » évoque une forme de normalisation dans l'accompagnement des personnes différentes. Les associations qui revendiquent une certaine expertise rappellent que l'inclusion ne se décrète pas, elle s'accompagne, s'impulse. Elle ne peut s'envisager que de façon très progressive, eu égard au public concerné, et sans déconstruire avant de reconstruire des alternatives ambitieuses, durables et surtout assises sur une solidarité nationale sans faille. Cette vision stratégique qui génère des inquiétudes, société 100 % inclusive, est corroborée par les propos de la secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées, propos tenus dans son rapport d'avril 2019 intitulé : politique du handicap pour une société inclusive. Dans ce rapport la secrétaire d'État affirme que : « la France a longtemps fait le choix d'isoler les personnes en situation de handicap par souci de protection, un bon sentiment qui s'est peu à peu transformé en une mise à l'écart confortable ». Et de surenchérir en posant la question « serions-nous passés du projet noble de protéger l'autre à celui, moins noble, de nous protéger de l'autre ? ». Ces propos culpabilisent les associations de parents qui se sont responsabilisées il y a plus de 60 ans par rapport à une population fragile en revendiquant une solidarité nationale dont cette population était exclue. Les membres de ces associations ont structuré des réponses institutionnelles pour permettre à ces enfants à ces adultes d'accéder à une forme de socialisation, l'école publique obligatoire de Jules Ferry ne voulant pas les accueillir. Ces solutions, les fondateurs des associations ont commencé à les mettre en œuvre en utilisant leurs propres deniers. Dans une note de février 2018, la secrétaire d'État aux personnes handicapées rappelle que la construction d'une société réellement inclusive doit se réaliser par : « une bascule rapide et d'ampleur au profit d'un accompagnement spécialisé si nécessaire en milieu ordinaire ». Pour les familles, l'expression « bascule rapide et d'ampleur » est antinomique d'une nécessaire anticipation raisonnée qui promeut un accompagnement des personnes handicapées mentales sur mesure par rapport à un dispositif standardisé. Alors que le Haut conseil de la famille de l'enfance et de l'âge (HCFEA) dans un rapport adopté le 23 novembre 2018, rappelle que la loi du 11 février 2005 marque une étape majeure « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Mme la secrétaire d'État remet en cause cette loi. Dans son rapport « politique du handicap pour une société inclusive », la secrétaire d'État déclare que : « le recours systématique à la loi ne fonctionne pas, et que notamment 15 ans après cette loi de 2005, les résultats attendus sont en demi-teinte ». Cette affirmation est d'autant plus paradoxale que les associations comptaient sur elle pour faire appliquer cette loi. D'autre part, le fait de réduire le virage inclusif à la fermeture d'établissements sociaux et médico-sociaux, comme l'ont fait certains pays, tend à ne pas mesurer l'impact d'une telle orientation politique alors même que bon nombre de ces pays ont ensuite rouvert les institutions au regard des premiers résultats désastreux d'une telle politique. Dans son rapport, la secrétaire d'État prétend également qu'une des causes de la mise à l'écart des personnes handicapées par la société était son adhésion à des dogmes culturels économiques et politiques, qu'il fallait remettre en question. Elle déclare qu'aujourd'hui la société française serait prête à ce changement. Quelques exemples tirés de l'actualité récente ne confirment pas ce changement. Si la société française est prête à changer comment expliquer que dans le cadre du projet de loi pour une école de la confiance, au Sénat, un amendement a été proposé en ces termes : la scolarisation en milieu ordinaire est un droit dans la mesure où elle favorise les apprentissages et permet de conforter l'enfant, l'adolescent ou l'adulte handicapé dans ses acquis pédagogiques, ce qui consiste à introduire une obligation d'un certain niveau de résultat pour être maintenu en milieu ordinaire de scolarisation. Ceci a conduit la vice-présidente du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) à demander aux députés de revenir en commission mixte paritaire sur la disposition introduite par les sénateurs. Même si cet amendement n'est pas voté, ne reste-t-il pas néanmoins le signe d'une société normative qui priorise une vision utilitariste et rentable de l'enseignement au risque d'être très discriminatoire vis-à-vis des enfants porteurs d'un handicap mental ? Le 21 mai 2019, la commission d'enquête parlementaire sur l'inclusion scolaire des enfants handicapés s'est intéressée au parcours des enfants atteints de troubles du neurodéveloppement en particulier les troubles du déficit de l'attention TDHA et des troubles du spectre autistique. Ce qui a conduit le rapporteur de cette commission à s'emporter contre l'éducation nationale qui n'a pas été capable de fournir à la commission les chiffres de l'inclusion scolaire. D'autre part, les associations regroupant les familles dont les enfants présentent des troubles du déficit de l'attention sont préoccupées par le coût des rééducations qui ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale, alors que, suivant les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), l'accompagnement de leurs enfants passe par des thérapies cognitivo-comportementales, de la psychomotricité et de l'ergothérapie, trois types de prise en charge non remboursés, thérapies qui doivent être mises en place le plus précocement possible. La prise en charge précoce étant une des conditions essentielles à la diminution de la déficience. À noter enfin que la désertification médicale touche en premier lieu les personnes fragilisées. Les associations rappellent que l'inclusion sociale ne dépend pas uniquement du degré d'autonomie, et de la capacité à s'auto-déterminer de la personne différente. L'inclusion sociale dépend largement également de la capacité de la société à accueillir la personne différente pour que sa singularité ne soit plus un handicap, pour reprendre les propos du président initiateur de la loi de février 2005. Aujourd'hui, les associations considèrent que cette vision d'une société 100 % inclusive est irréaliste et risque de provoquer plus d'exclusion de la vie citoyenne que d'inclusion. Il souhaite connaître son analyse à ce sujet.
INCLUSION DES PERSONNES HANDICAPÉES