Rubrique > énergie et carburants
Titre > Nucléaire et transition écologique
M. Joachim Son-Forget interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le nucléaire dans la transition énergétique. L'écologie et la transition énergétique représentent des enjeux majeurs de la société mais ne sont qu'effleurés ou contournés et ne répondent plus aux enjeux économiques, sociétaux et écologiques auxquels on se frotte aujourd'hui. D'après le classement Environnemental performance index publié en 2018 par Yale, la Suisse a été, en l'espace d'à peine deux ans, propulsée de la seizième à la première place. Au programme d'un tel exploit, il n'y a pas de fermeture de voies de circulation ou encore d'arrêt complet du nucléaire. Il s'agit d'un objectif de long terme fixé dès 2001 et dont l'échéance a lieu d'ici un an. 20 ans. Deux décennies ! C'est vingt présidents de la confédération Suisse qui se sont succédé. C'est également quatre présidents français et presque deux fois plus d'alertes aux particules en Île-de-France dans l'année 2019. C'est le temps qui a été nécessaire pour une telle révolution. Au programme, une baisse de la production du nucléaire, une hausse des énergies renouvelables. En effet, actuellement la Suisse produit 60 % d'électricité grâce à ces centrales hydroélectriques et plus que 35 % d'électricité issue de ses centrales nucléaires. La France a également développé ce concept d'objectif à long terme, en prévoyant d'abaisser à 50 % la production d'énergie nucléaire en 2035, bien loin des Suisses et un objectif encore plus éloigné des Allemands qui ont opté pour une sortie maladroitement rapide du nucléaire à l'horizon 2022 et qui en est à un taux de production d'électricité provenant du nucléaire de 22 %, pour se retourner vers le charbon, un choix pour le moins discutable. Les préoccupations sont grandissantes et les objectifs de long terme ne répondent pas aux enjeux. Ainsi, il voudrait s'attarder sur cette problématique, la problématique de l'écologie pragmatique, c'est-à-dire ne pas sortir du nucléaire du jour au lendemain mais réfléchir à des alternatives durables, sécurisées, et bien évidemment réalisables. La bonne question n'est pas de savoir si le « nucléaire est dangereux » mais s'il est plus ou moins dangereux que le charbon ou encore l'hydraulique, le charbon qui a pris la place du nucléaire en Allemagne et, s'il est faux d'affirmer que le charbon induit une hausse des émissions de CO2, les études de WWF ne mentent pas, les particules fines dégagées par la production sont à l'origine de 23 000 décès prématurés en Europe centrale principalement dans les pays producteurs d'électricité à base de charbon. Concernant l'hydraulique, une rupture de barrage, l'un des accidents les plus meurtriers qui a coûté la vie 170 à 230 milliers de personnes en Chine en 1975, de quoi noyer les espoirs d'énergie propre et sécurisée dans l'immédiat. Le nucléaire est l'objet de tous les fantasmes, en particulier les catastrophes qu'il a pu occasionner mais pour rester objectif les 5 000 cas de cancer et les 31 morts directs répertoriées par les Nations unies et causées par Tchernobyl font pâle figure face aux bilans des autres modes de production énergétique. Et si au contraire le nucléaire sauvait des vies ? Il a été prouvé par Michael Shellenberger, distingué du prix Heroes of environnement par le Times que l'utilisation d'énergie a permis de sauver au minimum deux millions de vies en empêchant la combustion de la biomasse et des combustibles fossiles. Envers et contre tout la production d'énergie nucléaire a fait plus de bien à la société qu'elle n'a pu causer de mal. Alors pourquoi s'arrêter là quand on peut continuer les recherches qui permettraient de combler certaines lacunes qui ont pu causer des catastrophes qui restent gravées dans les mémoires. Pour reprendre les termes de Nordhaus et Shellenberg eux-mêmes repris par Pinker qui résument comme suit les conclusions des calculs d'un nombre croissant de climatologues : « Il n'existe pas de trajectoire crédible vers une réduction des émissions mondiales de carbone sans expansion considérable de l'énergie nucléaire. C'est la seule technologie à faible intensité carbonique dont nous disposons aujourd'hui ayant la capacité avérée de générer de façon centralisée de grandes quantités d'énergie électrique ». Ainsi, il souhaite savoir s'il pense judicieux de diminuer la part d'énergie nucléaire au profit d'énergies plus coûteuses, moins sécurisées et moins efficientes. Il lui demande par ailleurs si un investissement dans la rénovation des centrales, la recherche sur le développement du nucléaire et les mesures de sécurité ne permettrait pas de faire un pas vers une production énergétique plus maîtrisée.