15ème législature

Question N° 790
de M. Joachim Son-Forget (Non inscrit - Français établis hors de France )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Nucléaire et transition écologique

Question publiée au JO le : 11/06/2019
Réponse publiée au JO le : 19/06/2019 page : 6099

Texte de la question

M. Joachim Son-Forget interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le nucléaire dans la transition énergétique. L'écologie et la transition énergétique représentent des enjeux majeurs de la société mais ne sont qu'effleurés ou contournés et ne répondent plus aux enjeux économiques, sociétaux et écologiques auxquels on se frotte aujourd'hui. D'après le classement Environnemental performance index publié en 2018 par Yale, la Suisse a été, en l'espace d'à peine deux ans, propulsée de la seizième à la première place. Au programme d'un tel exploit, il n'y a pas de fermeture de voies de circulation ou encore d'arrêt complet du nucléaire. Il s'agit d'un objectif de long terme fixé dès 2001 et dont l'échéance a lieu d'ici un an. 20 ans. Deux décennies ! C'est vingt présidents de la confédération Suisse qui se sont succédé. C'est également quatre présidents français et presque deux fois plus d'alertes aux particules en Île-de-France dans l'année 2019. C'est le temps qui a été nécessaire pour une telle révolution. Au programme, une baisse de la production du nucléaire, une hausse des énergies renouvelables. En effet, actuellement la Suisse produit 60 % d'électricité grâce à ces centrales hydroélectriques et plus que 35 % d'électricité issue de ses centrales nucléaires. La France a également développé ce concept d'objectif à long terme, en prévoyant d'abaisser à 50 % la production d'énergie nucléaire en 2035, bien loin des Suisses et un objectif encore plus éloigné des Allemands qui ont opté pour une sortie maladroitement rapide du nucléaire à l'horizon 2022 et qui en est à un taux de production d'électricité provenant du nucléaire de 22 %, pour se retourner vers le charbon, un choix pour le moins discutable. Les préoccupations sont grandissantes et les objectifs de long terme ne répondent pas aux enjeux. Ainsi, il voudrait s'attarder sur cette problématique, la problématique de l'écologie pragmatique, c'est-à-dire ne pas sortir du nucléaire du jour au lendemain mais réfléchir à des alternatives durables, sécurisées, et bien évidemment réalisables. La bonne question n'est pas de savoir si le « nucléaire est dangereux » mais s'il est plus ou moins dangereux que le charbon ou encore l'hydraulique, le charbon qui a pris la place du nucléaire en Allemagne et, s'il est faux d'affirmer que le charbon induit une hausse des émissions de CO2, les études de WWF ne mentent pas, les particules fines dégagées par la production sont à l'origine de 23 000 décès prématurés en Europe centrale principalement dans les pays producteurs d'électricité à base de charbon. Concernant l'hydraulique, une rupture de barrage, l'un des accidents les plus meurtriers qui a coûté la vie 170 à 230 milliers de personnes en Chine en 1975, de quoi noyer les espoirs d'énergie propre et sécurisée dans l'immédiat. Le nucléaire est l'objet de tous les fantasmes, en particulier les catastrophes qu'il a pu occasionner mais pour rester objectif les 5 000 cas de cancer et les 31 morts directs répertoriées par les Nations unies et causées par Tchernobyl font pâle figure face aux bilans des autres modes de production énergétique. Et si au contraire le nucléaire sauvait des vies ? Il a été prouvé par Michael Shellenberger, distingué du prix Heroes of environnement par le Times que l'utilisation d'énergie a permis de sauver au minimum deux millions de vies en empêchant la combustion de la biomasse et des combustibles fossiles. Envers et contre tout la production d'énergie nucléaire a fait plus de bien à la société qu'elle n'a pu causer de mal. Alors pourquoi s'arrêter là quand on peut continuer les recherches qui permettraient de combler certaines lacunes qui ont pu causer des catastrophes qui restent gravées dans les mémoires. Pour reprendre les termes de Nordhaus et Shellenberg eux-mêmes repris par Pinker qui résument comme suit les conclusions des calculs d'un nombre croissant de climatologues : « Il n'existe pas de trajectoire crédible vers une réduction des émissions mondiales de carbone sans expansion considérable de l'énergie nucléaire. C'est la seule technologie à faible intensité carbonique dont nous disposons aujourd'hui ayant la capacité avérée de générer de façon centralisée de grandes quantités d'énergie électrique ». Ainsi, il souhaite savoir s'il pense judicieux de diminuer la part d'énergie nucléaire au profit d'énergies plus coûteuses, moins sécurisées et moins efficientes. Il lui demande par ailleurs si un investissement dans la rénovation des centrales, la recherche sur le développement du nucléaire et les mesures de sécurité ne permettrait pas de faire un pas vers une production énergétique plus maîtrisée.

Texte de la réponse

ÉNERGIE NUCLÉAIRE


M. le président. La parole est à M. Joachim Son-Forget, pour exposer sa question, n°  790, relative à l'énergie nucléaire.

M. Joachim Son-Forget. L'écologie et la transition énergétique constituent des problèmes majeurs de notre société qui ne sont pourtant souvent qu'effleurés ou contournés, et les politiques menées dans ces domaines ne répondent plus aux enjeux économiques, sociétaux et écologiques auxquels nous sommes confrontés.

D'après le classement Environmental Performance Index publié par Yale, notre voisin helvétique a été en l'espace d'à peine deux ans propulsé de la seizième à la première place pour la santé environnementale. À l'origine d'un tel exploit, il n'y a pas de fermeture de voies de circulation ou encore d'arrêt complet du nucléaire, mais un objectif a été fixé dès 2001 et son échéance aura lieu dans un an. En vingt ans, vingt présidents de la Confédération helvétique se seront succédé, de même que quatre présidents français. À une autre échelle, le nombre d'alertes aux particules en Île-de-France a doublé cette année. Au programme de la Suisse : une baisse de la production d'énergie nucléaire et une hausse des énergies renouvelables, comme ce qui est proposé en France. Le mix énergétique suisse actuel, c'est 60 % de l'électricité produite dans les centrales hydroélectriques et 35 % dans les centrales nucléaires. La France a également développé ce concept d'objectif à long terme, en prévoyant d'abaisser à 50 % la production d'énergie nucléaire à l'horizon 2035. C'est bien loin du mix suisse, pour des raisons d'échelle comme pour des raisons géographiques, mais c'est aussi un objectif encore plus éloigné de celui de nos voisins allemands, qui ont opté pour une sortie maladroite et trop rapide du nucléaire à l'horizon 2022, pour se retourner vers le charbon, un choix pour le moins discutable.

Je voudrais m'attarder sur l'idée d'écologie pragmatique : ne pas sortir du nucléaire du jour au lendemain, mais réfléchir à des alternatives durables, sécurisées et, bien évidemment, réalisables. La bonne question n'est pas de savoir si le nucléaire est dangereux, mais s'il est plus ou moins dangereux que d'autres sources d'électricité à grande échelle comme le charbon ou l'hydraulique.

Le charbon a pris la place du nucléaire en Allemagne et, s'il est faux d'affirmer qu'il induit une hausse des émissions de CO2, les études ne mentent pas, notamment celles du WWF : elles mettent en évidence que le dégagement de particules fines est à l'origine de 23 000 décès prématurés en Europe centrale, principalement dans les pays producteurs d'électricité à base de charbon.

Quant à l'hydraulique, il pose des problèmes d'ordre environnemental mais aussi en matière de sécurité : souvenons-nous qu'une rupture de barrage survenue en Chine en 1975 fut l'un des accidents les plus meurtriers de l'histoire, avec des centaines de milliers de victimes ; il faut aussi déplacer des populations – de quoi noyer nos espoirs d'énergie propre.

Le nucléaire est l'objet de tous les fantasmes, en particulier à cause des catastrophes qu'il a pu occasionner. Cependant, pour rester objectif, les 5 000 cas de cancer et les 31 morts directs répertoriées par les Nations unies à la suite de l'accident de Tchernobyl font pâle figure face au bilan des autres modes de production énergétique. Et si, au contraire, le nucléaire sauvait des vies ? Il a été prouvé par Michael Shellenberger, distingué comme « héros de l'environnement » par le magazine Time, que l'utilisation d'énergie nucléaire a permis de sauver au moins 2 millions de vies en empêchant la combustion de biomasse et de matériaux fossiles. Envers et contre tout, il faut dire que la production d'énergie nucléaire a fait beaucoup plus de bien à notre société qu'elle n'a pu causer de mal. Alors pourquoi s'arrêter là quand on peut continuer les recherches susceptibles de combler certaines lacunes ayant causé des catastrophes qui restent certes gravées dans nos mémoires ?

Je citerai ici Steven Pinker : « Nordhaus et Shellenberger synthétisent ainsi les calculs d'un nombre croissant de climatologues : "Il n'existe pas de trajectoire crédible vers une réduction des émissions mondiales de carbone sans expansion considérable de l'énergie nucléaire. C'est la seule technologie à faible intensité carbonique dont nous disposons aujourd'hui ayant la capacité avérée de produire de façon centralisée de grandes quantités d'énergie électrique." »

Madame la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, pensez-vous judicieux de diminuer la part de l'énergie nucléaire au profit d'énergies plus coûteuses, moins sûres et moins efficientes ? Nous n'avons pas encore parlé des énergies alternatives, l'éolien et le solaire. Un investissement dans la rénovation des centrales, la recherche sur le développement du nucléaire et les mesures de sécurité adaptées ne permettrait-il pas de faire un pas vers une production énergétique plus maîtrisée et plus propre ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Jean-Paul Dufrègne. Il lui reste peu de temps pour répondre !

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous ne m'avez en effet laissé qu'une minute pour vous répondre, monsieur Son-Forget ; je serai donc succincte.

Vous citez le classement de Yale, en mentionnant que la Suisse y est classée première ; mais vous omettez de dire que la France y occupe le deuxième rang, ce qui, me semble-t-il, valide notre stratégie.

Nous disposons d'une programmation pluriannuelle de l'énergie et d'une stratégie nationale bas carbone qui, vous le savez, ont pour objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans ce cadre, nous avons choisi de porter la part du nucléaire à 50 % de notre production électrique en 2050 : cet objectif a été inscrit dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Parallèlement, nous avons choisi de fermer d'ici à 2022 les dernières centrales à charbon, ce qui, contrairement à ce que vous dites, a évidemment un impact : en revenant au charbon en Allemagne, on y augmente évidemment les émissions de gaz à effet de serre ! À moyen terme, notre objectif est un mix décarboné ; pour cela, nous nous appuierons sur les énergies bas carbone qui seront les plus efficaces à l'échéance 2050.

Plusieurs solutions devront être expertisées, allant d’un scénario 100 % renouvelable à un scénario où le nucléaire reste durablement une source de production d’électricité. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité que soit engagé un programme de travail permettant de disposer, d’ici à 2021, des éléments nécessaires à la décision.