15ème législature

Question N° 794
de Mme Mathilde Panot (La France insoumise - Val-de-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > consommation

Titre > Lutte contre la société de consommation

Question publiée au JO le : 19/11/2019
Réponse publiée au JO le : 27/11/2019 page : 11551
Date de changement d'attribution: 26/11/2019

Texte de la question

Mme Mathilde Panot interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire quant aux approches défendues par le Gouvernement en matière de lutte contre la société de consommation, à l'approche du « Black Friday ». Cette coutume d'un jour de soldes ponctuel, pour Noël, lors duquel les prix sont cassés et qui profite à la fois de la situation des plus pauvres du pays, et de l'idée selon laquelle les biens matériels feraient le bonheur, est relativement neuve en France. Venue des États-Unis, elle a pris une ampleur considérable à partir de 2016. Mme la députée considère que cet événement est singulièrement à contre-temps des nécessités historiques présentes. La production de biens, toujours plus loin dans des conditions sociales et écologiques toujours plus désastreuses, pour leur consommation massive à l'occasion de soldes où l'on devine aisément les marges colossales pratiquées en temps normal, est l'un des problèmes nodaux de la tragédie écologique actuelle. Cette situation revient en effet à consommer massivement des biens produits loin, dont la durée d'usage est très faible au vu de leur piètre qualité, et dont les conditions de production mettraient tout le monde dans l'embarras face aux producteurs, ouvriers exploités à l'autre bout du monde. La société de consommation et le capitalisme ne détruisent pas seulement les sols, la santé et le vivant. Ils crient d'acheter en permanence. Mme la députée rappelle à Mme la ministre que les êtres humains ne sont pas des des machines à acheter prêtes à être stimulées par la publicité mais des êtres de culture, d'imagination et de rêves. Bref, le « Black Friday » est un signe d'un monde dépassé, et pourtant, le voici arrivé en France quarante ans après sa naissance outre-Atlantique. À contre-courant de ce qu'il faudrait faire, la France autorise donc ce jour supplémentaire de soldes. Elle interroge donc le Gouvernement sur l'opportunité de soutenir un tel modèle de consommation. Elle lui demande également de mettre en œuvre un plan de lutte contre le consumérisme et ses artefacts, pour construire une société du bien vivre.

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LE CONSUMÉRISME


Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, n°  794, relative à la lutte contre le consumérisme.

Mme Mathilde Panot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances, alors que le vendredi 29 novembre, le « Black Friday », approche. Cette coutume d'un jour de soldes ponctuelles avant les fêtes de fin d'année, lors duquel les prix sont cassés, profite de la situation des plus pauvres de notre pays et participe de l'idée selon laquelle les biens matériels feraient le bonheur. Cette idée est relativement neuve en France : venue des États-Unis, cette pratique a pris une ampleur considérable à partir de 2016.

Cet événement me paraît être toujours plus à contretemps des nécessités historiques présentes. Il contribue à produire toujours plus de biens, dans des conditions sociales et écologiques toujours plus désastreuses, pour une consommation massive à l'occasion de soldes permettant de deviner aisément les marges colossales pratiquées en temps normal. Voilà l'un des problèmes nodaux de la tragédie écologique actuelle ! Le Black Friday est le symbole d'une surconsommation qui épuise les ressources, d'un gaspillage de biens jetables, d'un monde où les inégalités sociales sont terribles et les conditions de travail bien souvent extrêmement précaires. C'est un modèle archaïque, à l'heure où il faudrait relocaliser et où la jeune génération est la première à dire que le dérèglement climatique n'est pas une menace mais une réalité vécue.

Heureusement, des résistances existent. Des associations, des collectifs de jeunes pour le climat et des désobéissants vous disent tous qu'une autre voie et un autre monde sont possibles. Vendredi prochain, vous le savez, certaines associations vont dénoncer particulièrement le comportement d'Amazon, qui est le pire exemple en la matière. Amazon dissimule au fisc 57 % de son chiffre d'affaires réalisé en France, ses activités sont extrêmement polluantes – en 2018, Amazon Web Services a rejeté 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit l'équivalent des émissions du Portugal – et est en train de construire un monde sans emploi puisque, contrairement au discours de l'entreprise, deux emplois sont détruits pour un emploi précaire créé.

Mes questions sont donc les suivantes : que va faire le Gouvernement face à cette situation ? Pourquoi autorise-t-il le Black Friday ? Va-t-il enfin mettre les industriels au pas au lieu de se contenter de sensibiliser ou d'informer le consommateur ? Va-t-il imposer à Amazon un moratoire sur ses nouvelles installations ?

Dans le contexte actuel, le Black Friday paraît totalement indécent. Lors de cette seule journée, le patron d'Amazon gagne 2 milliards de dollars alors qu'une famille française sur vingt est surendettée, que 400 000 personnes ont basculé dans la pauvreté l'an dernier, portant à 9,4 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et que les Restos du cœur viennent d'annoncer que plus de 50 % de leurs bénéficiaires sont des jeunes de moins de 26 ans et que 39 % ont même moins de 18 ans. Il est donc particulièrement indécent de continuer à suivre ce modèle, qui gave toujours plus certaines personnes et gaspille toujours plus les possibilités de survie de l'espèce humaine. Aussi, je pose à nouveau la question : que va faire le Gouvernement pour mettre enfin les industriels au pas ?

Je terminerai par une citation d'André Gorz : « Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d'être produit ce qui ne privilégie ni n'abaisse personne. Nous pouvons être plus heureux avec moins d'opulence car, dans une société sans privilège, il n'y a pas de pauvres. »

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Madame la députée, je veux bien que vous teniez le Gouvernement pour responsable de l'ensemble des malheurs sur cette terre, mais jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le Gouvernement qui pousse les Français à aller sur Amazon et à faire leurs achats en ligne. Ce n'est pas le Gouvernement qui décide des modes d'achat des Français : ils le font tout seuls.

Dans votre question, vous confondez l'e-commerce et Amazon. Cette entreprise pose des problèmes, notamment fiscaux et éventuellement de concurrence, mais la question globale est celle de l'impact de l'e-commerce, en particulier sur l'environnement. Et sur ce sujet, je vous renvoie aux études réalisées, qui montrent généralement que les effets ne sont pas tout à fait univoques : dans de nombreux cas, l'environnement est mieux respecté lorsque nos concitoyens recourent à l'e-commerce que lorsque chaque famille prend sa voiture pour aller faire ses courses en centre-ville.

S'agissant du Black Friday et de la question plus globale du consumérisme, un certain nombre d'initiatives ont été prises par des acteurs du commerce, qui s'engagent dans de nouvelles approches – vente d'articles de seconde main, dons à des associations, réparabilité des objets, reprise de produits usagés… Dans le même temps, nombre de consommateurs sont de plus en plus sensibles à cette question de l'impact du commerce et de l'e-commerce sur l'environnement, ce qui explique d'ailleurs le succès de certaines entreprises spécialisées dans le commerce durable. Du reste, Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, a invité la Commission de concertation du commerce à formuler des propositions opérationnelles pour un commerce plus responsable et l'adoption de pratiques durables ; des recommandations sont attendues en matière d'écoresponsabilité et d'économie circulaire d'ici février 2020.

J'en reviens au Black Friday. Les ventes réalisées en cette période sont des promotions commerciales, à l'initiative des commerçants – comme peuvent l'être les soldes –, permises par la réglementation. Ces opérations concernent les magasins physiques et sites numériques d'e-commerce. Toutefois, elles doivent se dérouler dans des conditions conformes aux articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation. Les diverses opérations promotionnelles permettent aux commerçants, notamment de centre-ville, de créer une dynamique commerciale. Juridiquement, la limitation des périodes de promotion pourrait être considérée comme une restriction à la liberté du commerce, liberté constitutionnellement garantie.

Le Gouvernement n'est pas forcément favorable à la surconsommation, madame Panot. Son objectif est de sensibiliser les Français, mais au bout du compte, il revient à nos concitoyens de choisir le mode de consommation qu'ils veulent privilégier.

Mme Mathilde Panot. Madame la présidente ! Je souhaite répondre à M. le secrétaire d'État !

Mme la présidente. Je suis désolée, madame Panot, mais les six minutes consacrées à votre question sont écoulées.