Question orale n°797 : Surmortalité liée à la pollution industrielle

15ème Législature

Question de : Mme Audrey Dufeu (Pays de la Loire - La République en Marche)

Mme Audrey Dufeu Schubert appelle l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la surmortalité liée à la pollution industrielle. L'Agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire a rendu publics ses chiffres pour l'année 2017. La circonscription de la députée affiche une surmortalité en matière de cancers et de maladies cardiovasculaires. Il est enregistré, en effet, 22 % de cancers de plus que dans le reste de la région, et qui tuent le plus souvent des moins de 65 ans. Ces chiffres, alertants, ont poussé Mme la députée à s'interroger sur leur origine. Sa circonscription, composée de Saint-Nazaire et ses environs, est entourée d'industries polluantes, telles que Yara, site pétrochimique dont la préfecture a montré qu'il ne respectait pas les normes environnementales fixées, et la raffinerie de Donges. L'Agence régionale de santé (ARS), dans son projet pour 2018-2022, souligne que « la façade atlantique enregistre moins d'épisodes de pollution », en raison de la force des vents. Cependant, les résultats sur sa circonscription interrogent sur la réalité du constat de l'ARS. Bien entendu, cette surmortalité est multifactorielle, cependant, l'importance des industries polluantes sur sa circonscription et les chiffres de l'ARS poussent à s'interroger sur son rôle dans la surmortalité des Nazairiens, des Dongeois, des Savenaisiens du territoire. Mme la députée sait le travail effectué par Mme la ministre des solidarités et de la santé et Mme la ministre de la transition écologique et solidaire afin de réduire les émissions polluantes ainsi que prévenir leurs effets néfastes sur la santé. Cet exemple montre qu'il y a encore beaucoup à faire, notamment sur la façade atlantique où il convient de s'interroger sur les modalités de mesures de la pollution en raison des vents, et de leurs effets sur la santé des habitants de ces zones. Ainsi, elle lui demande quelles mesures peuvent être envisagées par son ministère, en lien avec le ministère de l'environnement, afin de limiter l'impact sanitaire des activités industrielles polluantes et endiguer la surmortalité en matière de cancers et de maladies cardiovasculaires qui touchent ce territoire.

Réponse en séance, et publiée le 27 novembre 2019

SURMORTALITÉ LIÉE À LA POLLUTION INDUSTRIELLE
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour exposer sa question, n°  797, relative à la surmortalité liée à la pollution industrielle.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Ma question s'adresse à la ministre des solidarités et de la santé, même si j'ai bien noté que ce n'est pas elle qui me répondrait aujourd'hui.

L’agence régionale de santé – ARS – et l'observatoire régional de la santé – ORS – des Pays-de-la-Loire ont rendu publics les résultats de deux études menées sur l'état de santé des habitants de la communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire – CARENE – et du territoire nazairien.

Trois villes de ma circonscription, Saint-Nazaire, Trignac et Montoir-de-Bretagne, affichent une surmortalité importante en matière de cancers et de maladies cardiovasculaires. La surmortalité avant 65 ans, c'est-à-dire une surmortalité prématurée, y est supérieure de 28 % à la moyenne nationale. Ces chiffres sont alarmants et inquiétants : les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour en comprendre la cause et l'origine.

Selon les études, la consommation excessive d'alcool et de tabac explique en partie cette situation sanitaire dramatique. Mais d'autres déterminants de santé sont également pointés, comme la pollution liée aux activités industrielles du territoire. Quels sont les liens de causalité avec la situation épidémiologique locale ? Certains de ces facteurs se cumulent-ils ou se potentialisent-ils ? Pour le comprendre, nous devons approfondir la finesse des connaissances scientifiques.

C'est pourquoi, le 11 septembre dernier, j'ai alerté le Premier ministre ; au nom des citoyens, des acteurs associatifs locaux et des professionnels, mais aussi au nom de la transparence, je réclame que des études épidémiologiques complémentaires puissent être croisées avec les données existantes. Pour travailler en priorité sur cette situation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, raison pour laquelle je tenais à vous alerter, l'ORS doit disposer de moyens de recherche renforcés.

Je connais le souhait du Gouvernement de faire de la prévention une pierre angulaire du système de santé de demain. Vous avez tout mon soutien, mais il est désormais nécessaire d'accélérer cette démarche localement, dans ma circonscription. Quels moyens de concertation et de coordination pourront-ils être adoptés localement ? Quel budget spécifique pourra-t-il être déployé dès 2020 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la députée, je vous remercie pour votre question, qui traduit l'inquiétude, que je connais, des habitants de votre circonscription. À la demande de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire, l'observatoire régional de la santé et le registre des cancers de Loire-Atlantique ont rendu récemment deux études montrant que l'état de santé des habitants de l'agglomération nazairienne s'améliore mais, comme vous le dites avec raison, reste nettement plus défavorable que la moyenne nationale.

Une réunion a été organisée par la sous-préfecture de Saint-Nazaire le 10 septembre dernier, avec la participation active de l'ARS, de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DREAL – et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE – avec pour objectif de partager avec les acteurs concernés – élus, associations, industriels et professionnels de santé – les conclusions de ces études. Je crois savoir que vous étiez présente à cette réunion.

Les causes de cet état de santé sont, comme vous le savez, complexes à identifier. De multiples facteurs, de nature génétique, comportementale, environnementale ou professionnelle, qui se cumulent et interagissent tout au long de la vie, peuvent être en cause.

Pour y remédier de façon globale, un plan d'action coordonné va être déployé dans les prochains mois dans le champ de la promotion de la santé, des risques professionnels et de l'environnement. L'ARS va proposer un nouveau contrat local de santé élargi à l'ensemble du bassin nazairien et de nouvelles actions de prévention des addictions, notamment au tabac et à l'alcool, seront lancées sur l'ensemble de l'agglomération.

De même, des initiatives seront prises pour améliorer le dépistage, le repérage, le diagnostic et la prise en charge des principales pathologies, tout particulièrement les cancers. En complément de ces actions, l'ARS a demandé à Santé publique France d'évaluer la pertinence et la faisabilité d'une étude épidémiologique qui permettrait de quantifier la part des pathologies attribuables à la pollution atmosphérique.

La DREAL poursuit, quant à elle, ses études visant à affiner la connaissance de la qualité de l'air ambiant au voisinage des principaux sites du secteur. Les industriels produisant les principaux rejets atmosphériques seront incités à mettre en place les meilleures techniques disponibles au plan européen. Le recensement des sites et sols pollués sera poursuivi. Sur ces sites, des investigations environnementales seront obligatoires pour tout projet d'aménagement, en vue de s'assurer de la compatibilité du projet avec l'état des terrains.

Le plan climat-air-énergie territorial, en cours d'approbation, devrait également permettre des avancées en matière de lutte pour la qualité de l'air.

Comme vous le soulignez, une action résolue et coordonnée est nécessaire pour améliorer la santé des habitants de l'agglomération de Saint-Nazaire. C'est ce que nous nous évertuons à faire. De nouvelles réunions d'échange pour les mois à venir, dans un format large associant tous les partenaires concernés – institutions, élus et citoyens –, à l'instar de la réunion qui s'est tenue le 10 septembre, seront organisées sous la coordination du sous-préfet de Saint-Nazaire, en tenant compte de l'évolution, d'ici là, de la situation et des connaissances.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour votre réponse, qui apporte certains éléments dont je n'avais pas connaissance. À une situation exceptionnelle, nous devons en effet apporter des réponses exceptionnelles. Il est réellement urgent de déployer un plan d'action concret quant à la prévention primaire et secondaire. Selon moi, cela doit aller bien au-delà du simple contrat local de santé, dont le portage politique dépend souvent de l'acculturation sanitaire dont font preuve – ou non – les élus concernés.

L'échelle d'une coordination préfectorale, dont je me réjouis d'apprendre qu'elle va avoir lieu, est la seule à pouvoir répondre à l'urgence, qui demande non seulement de rassembler des acteurs qui peuvent avoir pour tutelle l'ARS ou une instance environnementale, mais aussi d'associer à cette démarche – ce qui n'était pas le cas à la réunion du 10 septembre dernier – la police nationale et la gendarmerie, qui ont également un rôle majeur à jouer dans les territoires, notamment pour ce qui concerne l'alcool.

Données clés

Auteur : Mme Audrey Dufeu (Pays de la Loire - La République en Marche)

Type de question : Question orale

Rubrique : Pollution

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2019

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