Prolifération du choucas des tours
Question de :
M. Yannick Kerlogot
Côtes-d'Armor (4e circonscription) - La République en Marche
M. Yannick Kerlogot attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur les conséquences de la prolifération du choucas des tours. Le choucas des tours est une espèce d'oiseau de la famille des corvidés présente sur tout le territoire hexagonal, à l'exception du sud-ouest et de la Corse. En Bretagne, cette espèce est très présente et occasionne des dégâts considérables sur les cultures, notamment sur les parcelles de maïs. La profession agricole a pu constater des impacts particulièrement sévères au printemps 2019. De nombreux témoignages d'agriculteurs sont remontés aux chambres d'agricultures et rendent compte d'une prolifération de cette espèce dans la région. Depuis l'arrêté du 29 octobre 2009, le choucas des tours est considéré comme une espèce protégée, ce qui rend impossible le versement d'un dédommagement aux agriculteurs touchés par ce fléau. Certains agriculteurs renoncent à remplir un formulaire de constatation des dégâts car ils savent qu'ils ne seront pas indemnisés. Plusieurs dérogations à l'interdiction de destruction de l'espèce ont été accordées, notamment dans le Finistère. Mais ces décisions restent peu efficaces au regard de l'ampleur du fléau. Aujourd'hui, il n'existe pas de données chiffrées permettant d'évaluer ce problème sanitaire. Pour endiguer cette prolifération, il est nécessaire de connaître précisément le nombre d'individus qui sévissent dans chaque région. Au printemps, le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé le lancement d'un programme d'analyse et de recherche dans le but d'analyser les causes de la dynamique démographique des choucas des tours et d'identifier les solutions les plus adaptées pour limiter les dégâts aux cultures. Il lui demande de lui confirmer le lancement de cette étude. Il souhaite savoir quand les premiers résultats seront délivrés et, par ailleurs, quelles solutions peuvent être mises en place pour permettre l'indemnisation des agriculteurs. Il lui demande enfin si la levée du statut d'espèce protégée pour le choucas des tours peut être envisagée.
Réponse en séance, et publiée le 27 novembre 2019
PROLIFÉRATION DU CHOUCAS DES TOURS
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Kerlogot, pour exposer sa question, n° 802, relative à la prolifération du choucas des tours.
M. Yannick Kerlogot. Je souhaite attirer votre attention sur la prolifération du choucas des tours dans le Finistère et désormais dans les Côtes-d'Armor. Nous manquons d'études scientifiques sur ce phénomène dont nos agriculteurs subissent les conséquences.
En Bretagne, cette espèce occasionne en effet des dégâts considérables dans les cultures, en particulier dans les parcelles de maïs ; ce printemps a permis de le constater encore une fois. En outre, elle investit de plus en plus fréquemment les stabulations, créant des risques sanitaires non négligeables. Enfin, elle niche dans les cheminées, ce qui pose des problèmes de sécurité aux habitants des communes touchées, car ces obstructions entraînent des départs de feu.
Depuis l'arrêté du 29 octobre 2009, le choucas des tours est une espèce protégée. Néanmoins, la destruction de choucas des tours est régulièrement autorisée dans le cadre d'arrêtés préfectoraux dérogatoires. Ainsi, en 2017, une autorisation de prélèvement de 4 000 oiseaux sur deux ans a été accordée pour l'ensemble du département des Côtes-d'Armor. Cette dérogation a pris fin le 1er juin 2019 ; le préfet en a octroyé une nouvelle.
Force est de constater que cette solution, la seule que propose aujourd'hui l'État, n'est plus suffisamment efficace. Avant de prendre ces arrêtés, il serait essentiel de connaître les effectifs des populations de choucas et d'évaluer l'effet des prélèvements sur celles-ci, ainsi que sur les dégâts qu'elles commettent. Or, à ce jour, aucune étude scientifique n'a été menée pour connaître l'évolution de cette espèce ou les causes de son apparente prolifération.
Pour pallier ce manque de données, plusieurs estimations ont été effectuées depuis 2011. En 2018, le conseil départemental des Côtes-d'Armor et la chambre d'agriculture ont réalisé une importante évaluation des populations de choucas. Cette évaluation a été confiée à la fédération départementale des groupements de défense contre les organismes nuisibles, en partenariat avec la fédération départementale des chasseurs. Elle a permis de recenser 2 306 couples de choucas des tours dans une zone comprenant 83 communes et de constater que l'espèce est plus présente dans l'ouest du département.
Si ces enquêtes permettent d'obtenir un aperçu de l'évolution de l'espèce, elles manquent néanmoins de valeur scientifique. En février, le Conseil national de protection de la nature a rendu un avis dans lequel il estime « inconcevable que les laboratoires universitaires compétents de Brest et de Rennes n'aient pas déjà été sollicités pour lancer un programme de recherches en mobilisant les fonds européens, les ministères de l'agriculture et de l'écologie, la région », les départements et les collectivités locales.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous agir sur les services déconcentrés afin d'initier un programme de recherches qui analyse notamment le rapport entre les activités humaines et l'explosion des populations de choucas des tours ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, le choucas des tours est une espèce protégée en France par l’arrêté du 29 octobre 2009 relatif à la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire. À ce titre, sa destruction est interdite sauf dérogation prévue par le code de l’environnement. Cette espèce est également protégée au niveau européen, étant inscrite à l’annexe II partie B de la directive Oiseaux, ce qui exclut tout déclassement de l’espèce à court ou moyen terme.
Dans l’ouest de la France, notamment en Bretagne, la population de choucas des tours a fortement augmenté et occasionne des dégâts aux cultures. Afin de les limiter, des dérogations à l’interdiction de destruction de l’espèce sont accordées dans le Finistère, les Côtes-d’Armor et le Morbihan.
Cependant, cette situation n’est pas pérenne. Une maîtrise à long terme des populations de choucas des tours implique des méthodes raisonnées de prévention et de lutte et devra nécessairement passer par la réduction de l’accès aux ressources alimentaires à l’échelle des exploitations agricoles.
Une étude analysant la dynamique démographique des choucas des tours et identifiant les solutions les plus adaptées vient d’être initiée. Pilotée par le service régional de mon ministère, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, en Bretagne, confiée à l’université de Rennes, elle comporte trois volets : l’estimation de l’abondance, de la répartition et de l’évolution de la population des choucas des tours à l'échelle de la Bretagne, la compréhension des déplacements de ces choucas, en particulier leur utilisation des milieux agricoles, par suivi GPS d’un échantillon d’oiseaux, et l’analyse de leur régime alimentaire, en lien avec son impact sur les exploitations agricoles – à cet égard, la chambre d’agriculture de Bretagne appuiera l’étude en facilitant le recensement des dégâts.
Cette étude devrait être lancée en janvier 2020. À l’issue de la première année, un rapport d’analyse sera rendu. Des recommandations concernant les mesures à prendre, notamment les actions préventives, devraient y figurer.
Auteur : M. Yannick Kerlogot
Type de question : Question orale
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2019