Question de : Mme Bérengère Poletti
Ardennes (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Bérengère Poletti appelle l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les conséquences du projet de loi ELAN pour la filière architecture. Si cette réforme vise à répondre à la demande croissante de logement en France, avec pour priorités de construire « plus, mieux et moins cher », « pour répondre aux besoins de chacun » et « améliorer le cadre de vie », l'absence d'ambition claire et affirmée de son volet architectural remet en cause la qualité de logements proposée aux Français. Avec des bailleurs sociaux nouvellement autorisés à constituer des filiales, prestataires de service intervenant dans le champ concurrentiel, la question de leur exonération de plusieurs règles de la commande publique inquiète à plus d'un titre. S'écartant des dispositions de la loi du 12 juillet 1985, dite loi MOP, l'action du Gouvernement souhaite s'inscrire dans une volonté d'accélération de l'activité de la construction - et de la rénovation - et ce, au détriment de la valeur reconnue de l'urbanisme français mais surtout de sa qualité ! En témoigne d'abord la fin de l'obligation de recourir au concours d'architecture pour la passation des marchés de maîtrise d'œuvre en vue de la construction des logements sociaux, qui pourtant, tout en stimulant l'innovation, favorise une démarche exemplaire de qualité architecturale et urbaine. Est également rendu facultatif le contrôle par le concepteur de la bonne exécution de la construction introduit par le titre II de la loi MOP, et qui fixait en toute transparence depuis 1985 les engagements aux maîtres d'œuvre et donnait les moyens de veiller à la bonne réalisation aux maîtres d'ouvrage. Mais l'élargissement du parc immobilier et le choc de l'offre traduits dans ces mesures ne doivent pour autant pas aller à l'encontre de la cohérence de l'acte de construire mieux et surtout moins cher dans le cadre d'une recherche de durabilité des bâtiments. C'est pourquoi elle lui demande comment le projet de loi ELAN entend prévenir cette menace pour la qualité de l'urbanisme français.

Réponse publiée le 25 décembre 2018

Depuis 1977 et l'adoption de la loi n° 77-2 sur l'architecture, la qualité de l'architecture, élément indissociable du cadre de vie, est reconnue en France comme étant d'intérêt public. L'article 1er de cette loi, qui n'est pas affectée par le projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), en pose les grands principes qui sont à réaffirmer aujourd'hui. « L'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s'assurent, au cours de l'instruction des demandes, du respect de cet intérêt. En conséquence, les maîtres d'ouvrage sont tenus de faire appel au concours des architectes ». C'est donc aux architectes que la loi a confié la responsabilité de la mettre en œuvre en réglementant leur profession et ce principe n'est pas remis en cause aujourd'hui. Les grands objectifs de la loi n° 77-2 sur l'architecture restent éminemment d'actualité : ils doivent être constitutifs de toutes les opérations d'aménagement, de construction et de réhabilitation et évidemment de construction de logements. Il en va de la qualité de vie de l'ensemble des concitoyens et de la responsabilité vis-à-vis des générations futures. Différents outils ont été élaborés pour mettre en œuvre la qualité architecturale, notamment la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (dite loi MOP). Son apport principal a été de définir un processus vertueux de projet dans lequel le rôle, les missions et les responsabilités de chacun étaient bien définis, dans un principe général d'indépendance de la maîtrise d'œuvre. Le mode de production du logement a changé. Il est réalisé aujourd'hui en grande partie par des opérateurs privés. La responsabilité de la qualité des logements sociaux repose donc autant sur eux que sur les maîtres d'ouvrage publics. Il est de la responsabilité de tous, au-delà de la loi, de garder comme objectif prioritaire celui de la qualité de la conception et de la réalisation de ce qui sera construit demain dans un cadre à réinventer. Cette responsabilité est celle des architectes mais aussi de ceux qui prescrivent l'architecture : collectivités territoriales et aménageurs, maîtres d'ouvrage privés et publics. Le concours d'architecture comme la mission complète confiée aux architectes lors de la réalisation des logements sociaux restent des modalités qui ont prouvé leur capacité à stimuler l'innovation et la qualité de la conception du logement et ce pendant de longues années. Leur pertinence n'est de ce fait pas remise en cause, certains opérateurs privés ayant recours régulièrement aux concours sans y être obligés. Le projet de loi ELAN supprime l'obligation mais pas la capacité à y recourir. Il sera donc de la responsabilité des maîtres d'ouvrage, mais aussi des collectivités, d'en faire usage. Toutefois, la suppression de deux règles, qui ont régi depuis plus de 30 ans la production du logement social et qui ont su créer un cadre sécurisé de relations entre bailleurs sociaux et architectes, doit s'accompagner de la définition d'un nouveau modèle contractuel, tel que le prévoit l'article 3 de la loi n° 77-2 sur l'architecture, modèle équilibré, garantissant la qualité architecturale et la durabilité des ouvrages construits. Les architectes appellent depuis près d'un an à la définition de ce nouveau cadre. Le ministère de la culture les a entendus. Il a confié le 16 mai dernier à dix professionnels de l'architecture une mission de réflexion afin de réaffirmer les valeurs culturelles, sociales et économiques de l'architecture dans la société. Après avoir auditionné de nombreux acteurs de la production architecturale à Paris et en région, ils doivent restituer leurs premiers constats et leurs premières propositions en début d'année 2019. Elles feront ensuite l'objet d'une concertation avec les parties prenantes de l'architecture. Une seconde mission, à caractère interministériel, doit être conduite prochainement afin de favoriser une commande architecturale de qualité et de réfléchir à de nouvelles modalités de travail entre producteurs du logement et architectes, sur la base des dispositions de la loi ELAN récemment promulguée. Les modalités de travail de cette mission sont en cours de définition entre le ministère de la culture et le ministère du logement.

Données clés

Auteur : Mme Bérengère Poletti

Type de question : Question écrite

Rubrique : Urbanisme

Ministère interrogé : Cohésion des territoires

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 8 mai 2018
Réponse publiée le 25 décembre 2018

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