15ème législature

Question N° 824
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Coupures d'énergie

Question publiée au JO le : 03/12/2019
Réponse publiée au JO le : 11/12/2019 page : 11936

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur les coupures d'énergie et de chauffage. À l'hiver 2019, sept Français sur dix vont retarder le plus possible le moment où ils allument leur chauffage car ils redoutent de ne pas pouvoir payer les factures d'électricité et de gaz. Cela signifie donc qu'ils auront froid. Le 8 octobre 2019, le médiateur de l'énergie sonnait l'alerte sur les niveaux de précarité énergétique dans lesquels sont plongées beaucoup de familles françaises. Sur les six premiers mois de l'année 2019, les coupures d'électricité ont augmenté de 18 % et celles de gaz de 10 %. En 2018, il y avait eu 572 000 coupures sur toute l'année. En 2019, ce chiffre a été atteint dès le mois de septembre. Il lui demande d'expliquer à ces centaines de milliers de familles comment on fait pour vivre sans électricité, ou sans gaz. Ce recul social a commencé lorsque la gestion des réseaux a été confiée à des entreprises privées. En 2004, les marchés ont été ouverts à la concurrence, sur injonction de la Commission européenne. Puis, l'entreprise publique GDF a été vendue à la multinationale Suez. Depuis, les tarifs ont augmenté de 50 %, tant pour le gaz que pour l'électricité. L'accès à l'énergie n'est plus traité comme un droit universel mais comme une marchandise. Pour un actionnaire, un retard de paiement sur des factures n'est pas un problème humain, mais une question comptable. M. le député pense que l'électricité et le gaz sont des biens communs. Ils ne devraient être confiés à un service public unifié de l'énergie. Il n'est pas possible de s'en passer dans la vie ordinaire. Par conséquent, les premières quantités devraient être gratuites et la pratique des coupures pour cause d'impayés, interdite. M. le député sait qu'il n'est pas possible de compter sur Mme la ministre pour faire ces réformes indispensables. Mais il reste l'urgence. Il reste l'hiver qui arrive. Il reste les prix du gaz qui ont augmenté en novembre 2019, ceux de l'électricité qui vont augmenter en janvier 2020. Il lui demande donc de geler les tarifs réglementés pour l'année 2020 pour ne pas rajouter de la misère à la misère. Il lui demande si elle y est prête.

Texte de la réponse

COUPURES D'ÉNERGIE ET DE CHAUFFAGE


Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour exposer sa question, n°  824, relative aux coupures d'énergie et de chauffage.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le secrétaire d'État, voici l'hiver, il fait froid et la nuit tombe plus tôt. Je veux me faire le porte-parole de détresses muettes et souvent cachées. Des gens ont faim. Des gens vivent dans la rue et 2 000 d'entre eux y meurent chaque année. Cet hiver, parmi ceux qui ont un logement, sept Français sur dix retarderont le plus possible le moment où ils allumeront leur chauffage car ils redoutent de ne pas pouvoir payer leur facture. Je sonne l'alerte !

Sur les six premiers mois de l’année, les coupures d’électricité ont augmenté de 18 %, celles de gaz de 10 %. En 2018, 572 000 coupures ont été comptabilisées sur toute l’année ; en 2019, ce chiffre a été atteint dès le mois de septembre. Comment des centaines de milliers de familles vivront-elles, sans électricité ou sans gaz ?

Selon moi, ce recul social a commencé lorsque l'on a privatisé les compagnies qui fournissaient ces biens. En 2004, les marchés ont été ouverts à la concurrence, prétendument pour faire baisser les prix. Puis, nous avons vendu l’entreprise publique GDF à la multinationale Suez. Le résultat est là : les tarifs ont augmenté de 50 %, tant pour le gaz que pour l’électricité. L’accès à l’énergie n’est plus considéré comme un droit universel, mais comme une marchandise. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous venez vous-même de parler des usagers privés d'électricité comme de « clients ».

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. De consommateurs !

M. Jean-Luc Mélenchon. Non ! Jusqu'à présent, nous étions des usagers.

Pour un actionnaire, un retard de paiements sur des factures n’est pas un problème humain, mais une question comptable. Nous pensons le contraire.

L'urgence demeure. L'hiver est là. Les prix du gaz ont augmenté, de nouveau, en novembre. Les prix de l'électricité augmenteront, de nouveau, en janvier. Nous vous demandons de geler les tarifs réglementés pour l'année 2020, car si vous ne les bloquez pas, de la misère s'ajoutera à la misère. Il n'en résultera pas seulement un discrédit politique ; cela répandra aussi de la souffrance.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. Geler les tarifs réglementés ne serait pas une réponse adaptée à la lutte contre la précarité énergétique. En effet, tous les consommateurs ne sont pas concernés par les tarifs réglementés : ils ont la liberté de choisir entre les tarifs réglementés et les offres de marché, qui peuvent être adaptées à leurs besoins. Le médiateur national de l'énergie propose un comparateur d’offres indépendant pour aider le consommateur à choisir celle qui est la mieux adaptée à ses critères et à ses besoins.

Par ailleurs, il est inscrit dans la loi que les tarifs doivent refléter la réalité des coûts supportés par les fournisseurs. Leur gel arbitraire serait inévitablement condamné par le juge et il faudrait refacturer par la suite le différentiel aux consommateurs. Cela s'est déjà produit.

La précarité énergétique est, en revanche, un sujet essentiel, contre laquelle le Gouvernement lutte par différents moyens. Je pense à la trêve hivernale, pendant laquelle toute coupure d’électricité ou de gaz est interdite par la loi Il y a aussi l’élargissement et la revalorisation du chèque énergie en 2019, qui aide désormais 5,7 millions de ménages modestes à payer les factures d’énergie de leur logement – près de 850 millions d’euros sont désormais consacrés à cette aide.

Citons encore le déploiement de dispositifs pour aider les ménages à s’inscrire dans la transition énergétique et à vivre dans des logements moins énergivores, comme le CITE, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui sera transformé en prime pour les ménages aux revenus modestes au 1er janvier 2020 ; les certificats d’économie d’énergie, qui permettent aux ménages modestes de bénéficier d’une prime exceptionnelle pour financer certains travaux d’économie d’énergie ; les aides financières de l’Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ; l’écoprêt à taux zéro simplifié qui est prolongé jusqu’en 2021, ou encore la TVA à taux réduit sur les travaux de rénovation énergétique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le secrétaire d'État, c'est donc la loi sur la concurrence qui a fait augmenter les tarifs sous prétexte de multiplier les fournisseurs et qui nous empêche aujourd'hui de vous demander de bloquer les tarifs réglementés. Pour seule réponse aux gens qui ont froid et qui sont dans le noir, elle nous fait dire : allez voir le médiateur pour avoir un meilleur prix !

Vous avez bien voulu rappeler que les coûts réels de l'énergie devaient être répercutés sur les prix et que le juge condamnerait les fournisseurs qui ne respecteraient pas cette obligation. Or cela ne répond pas, à mon avis, à la question essentielle. Car ces coûts ne sont pas seulement ceux des matières premières : ils comprennent également les dividendes versés aux actionnaires, qui sont du pur parasitage, car nous n'avions pas eu besoin de capital privé pour faire fonctionner les réseaux auparavant ! C'est la raison pour laquelle je suis favorable à ce que l'on fournisse gratuitement les premiers mètres cubes de gaz et les premiers kilowattheures aux utilisateurs. Tous ces réseaux ont été payés par la collectivité, c'est-à-dire par les impôts de ceux qui nous ont précédés ; cela donne des droits à ceux qui y ont accès maintenant.