Faune endémique des Pyrénées : protection du grand tétras
Question de :
Mme Muriel Ressiguier
Hérault (2e circonscription) - La France insoumise
Mme Muriel Ressiguier interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la protection du grand tétras dans les Pyrénées. Une bataille se joue au cœur des forêts des Pyrénées... une espèce en déclin est devenue un véritable symbole : le grand tétras. En effet, il est classé « vulnérable », et certaines de ses sous-espèces sont classées « en danger », en France, sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature. On voit sa population décliner à cause de l'altération de son habitat, du dérangement lié aux activités humaines dont le tourisme et la chasse, de certaines pratiques sylvicoles et des premiers effets du changement climatique. Ce coq dit « de bruyère », tout noir avec une touche de rouge au-dessus de l'œil, est un emblème pour les touristes, les passionnés de nature et les scientifiques. Il maintient une faible population dans les Vosges avec 300 individus et dans le Jura où il n'en reste que 200. Les Cévennes hébergent une vingtaine d'individus réintroduits. Et les Pyrénées abritent 90 % de la population nationale avec environ 3 700 têtes en 2013 selon l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Et c'est dans ce massif que tout se joue. Plus précisément dans les départements des Pyrénées-Orientales, de l'Ariège, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques, où l'on trouve une sous-espèce de grand tétras, Tetrao urogallus aquitanicus, endémique aux Pyrénées. L'analyse de seize années de suivi du grand tétras dans les réserves naturelles catalanes fait apparaître une diminution générale du nombre des coqs et un taux moyen de reproduction de 0,82 jeunes par poules, insuffisant pour renouveler et maintenir la population. Ces résultats viennent confirmer le constat réalisé par d'autres observateurs à l'échelle nationale. Ce déclin des populations, s'il n'est pas stoppé, conduira à la disparition de l'oiseau des Pyrénées catalanes, comme cela a déjà été vécu dans les Alpes dans les années 2000. Aujourd'hui, le débat se cristallise sur les éléments démographiques, remis en cause par les chasseurs, qui sont juges et parties, et par les associations écologistes car c'est sur la base de ces chiffres que sont estimés chaque année les quotas de coqs que les chasseurs peuvent prélever. Le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a lancé en 2009 une stratégie nationale de conservation du grand tétras, mais la France est l'un des seuls pays européens à autoriser encore cette chasse (à l'exception de la Suède, où l'animal est encore abondant). La régression dramatique et continue des populations de grand tétras est documentée de longue date. Elle affecte des sous-espèces géographiques qui entretiennent la diversité du patrimoine génétique de l'espèce, et apportent un témoignage précieux sur l'histoire de la vie. Elle lui demande s'il lui semble cohérent que le Gouvernement développe des actions de protection pour sauver le plus gros oiseau des forêts d'Europe, tandis qu'en parallèle il en autorise la chasse. Depuis plusieurs années, des associations de protection de l'environnement attaquent, un par un, les arrêtés autorisant la chasse au grand tétras dans les Pyrénées et les juridictions administratives leur donnent raison parce que la chasse est de nature à compromettre les efforts de conservation de l'espèce. Au vu des données connues aujourd'hui et dans le but de maintenir, voire de faire progresser la population de cette espèce en danger, elle lui demande s'il ne pense pas que sa chasse devrait être suspendue au moins quelques années.
Réponse publiée le 12 février 2019
La préservation du grand tétras est un sujet de préoccupation important pour le ministère de la transition écologique et solidaire, qui reste très mobilisé sur la question de sa sauvegarde à long terme sur notre territoire. La stratégie nationale en faveur du grand tétras validée en 2012 fixe un cadre général pour la conservation de cette espèce et assure ainsi la cohérence des actions. Cette stratégie, d'une durée de dix ans, vise à assurer une meilleure connaissance de l'espèce, une collaboration internationale renforcée, des mesures de conservation et d'amélioration de l'habitat, des actions de préservation de la quiétude de l'espèce, et une sensibilisation accrue des professionnels, des élus et du grand public. Cette stratégie est déclinée par massif, Pyrénées d'une part et Vosges-Jura d'autre part ; ces déclinaisons opérationnelles de la stratégie permettent de prendre en compte les particularités locales dans les limites du cadre préalablement défini. La stratégie nationale d'actions en faveur du grand tétras prévoit que, sur chaque massif, un suivi des populations soit effectué. En effet, les données biologiques, et notamment l'état des populations, sont indispensables dans les décisions de gestion de cette espèce. Les populations de grand tétras sur les massifs des Vosges (moins d'une centaine d'individus) et du Jura (220-290 individus) sont en situation vulnérable ; ces populations sont non chassées. Dans les Pyrénées, la population est évaluée comme stable avec cependant des fragilités sur les marges orientale et occidentale de la chaîne. L'estimation de la population de grand tétras dans les Pyrénées est de l'ordre de 6 000 individus sur le versant français. Le grand tétras est, pour l'essentiel de son cycle de vie, un oiseau forestier, inféodé généralement aux peuplements mâtures d'altitude avec un sous-bois riche en strate herbacée et arbustive. La stratégie pour le grand tétras comprend donc un volet forestier destiné à maintenir ou à rétablir un habitat favorable à cette espèce. Une prise en considération attentive de cette espèce menacée est attendue dans la gestion des massifs forestiers qui hébergent des populations de grands tétras. À cet effet, des guides pour la prise compte du grand tétras dans les aménagements forestiers ont été élaborés. Le grand tétras est par ailleurs une espèce extrêmement sensible aux dérangements et pour laquelle des zones de quiétude doivent être identifiées et préservées. Ainsi, la stratégie en sa faveur recommande que les pistes et dessertes forestières localisées à proximité des sites vitaux pour l'espèce ne soient pas laissées en libre accès à la circulation des véhicules afin de minimiser l'impact de ces infrastructures. En matière de conservation, un programme opérationnel de coopération dans les Pyrénées, entre l'Espagne, l'Andorre et la France en faveur des oiseaux de montagne et en particulier du grand tétras, a été cofinancé par l'Union européenne via INTERREG. Dans le cadre de ce projet, des opérations d'amélioration des habitats du grand tétras sont conduites. Ces interventions représentent en surfaces cumulées près de 10 % de l'habitat de l'espèce. Elles font actuellement l'objet d'une évaluation de leur efficacité. La réduction des facteurs de mortalité anthropique est également un axe important de ce programme de coopération. Les actions visent notamment à limiter les risques de collisions mortelles du grand tétras avec les câbles des remontées mécaniques dans les domaines skiables. Le même type d'intervention est réalisée avec la profession agricole afin de réduire les collisions avec les clôtures pastorales sur les estives et d'installer à large échelle des dispositifs de visualisation. Enfin, le grand tétras fait effectivement l'objet d'un prélèvement limité par la chasse dans certains départements pyrénéens. Les dénombrements réalisés par l'observatoire des galliformes de montagne servent de base chaque année pour définir les niveaux de prélèvement autorisés là où l'état de conservation des populations y est jugé satisfaisant. Parallèlement, un système obligatoire de carnets de prélèvements a été mis en place avec les fédérations départementales des chasseurs et les directions départementales des territoires (déclaration quotidienne des animaux prélevés et bilan a posteriori). Ce suivi des populations et des prélèvements peut donc être assimilé à de la gestion adaptative. Il permet de réajuster les quotas de chasse autorisés sur la base des données de populations actualisées en vue de garantir le maintien du bon état de conservation de l'espèce.
Auteur : Mme Muriel Ressiguier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 15 mai 2018
Réponse publiée le 12 février 2019