15ème législature

Question N° 825
de Mme Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Ville et logement
Ministère attributaire > Ville et logement

Rubrique > logement

Titre > Le mal logement en Seine-Saint-Denis

Question publiée au JO le : 03/12/2019
Réponse publiée au JO le : 11/12/2019 page : 11923

Texte de la question

Mme Marie-George Buffet alerte M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur le mal logement en Seine-Saint-Denis. Situé en zone tendue, le département de la Seine-Saint-Denis concentre des difficultés importantes en matière de logement rendant le quotidien invivable pour de nombreux habitants. La multiplication des « marchands de sommeil », des ascenseurs en panne rarement réparés ou des logements insalubres sont une préoccupation pour les habitants de la Seine-Saint-Denis. Aussi, elle lui demande quelles mesures il entend prendre.

Texte de la réponse

MAL-LOGEMENT EN SEINE-SAINT-DENIS


Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer la question n°  825 de Mme Marie-George Buffet, relative au mal-logement en Seine-Saint-Denis.

M. Jean-Paul Lecoq. Le fléau que représente le mal-logement dégrade considérablement les conditions de vie des habitants du département de Seine-Saint-Denis, et il ne cesse de croître. Ce département détient le triste record du nombre de logements indignes dans la région francilienne. Vous connaissez parfaitement le sujet : on estime qu’environ 30 000 logements privés, soit environ 7,5 % des résidences principales privées, seraient insalubres, dangereux ou trop petits.

Le Premier ministre a annoncé le 31 octobre dernier le recrutement de cinq inspecteurs chargés du logement indigne en renfort des deux inspecteurs déjà en poste. Si cette mesure permettra d’identifier plus rapidement les logements insalubres, elle devra s’accompagner de moyens supplémentaires pour rénover ou reloger rapidement les habitants concernés.

La Seine-Saint-Denis se trouve en zone tendue et cette situation profite aux marchands de sommeil qui se permettent de louer, dans des conditions inhumaines et au prix fort, des biens à celles et ceux qui n’arrivent pas se loger dans le parc social.

Pour endiguer le phénomène, les villes de Stains, de Saint-Denis et d'Aubervilliers ont instauré depuis le 1er janvier 2019, pour les propriétaires, un « permis de louer ». Il s’agit là d’un pas important, mais les collectivités ne peuvent agir seules. Elles doivent être accompagnées et confortées dans leurs pouvoirs.

Le mal-logement, ce sont aussi les pannes d’ascenseur à répétition que les bailleurs mettent parfois des mois à réparer. Ces pannes récurrentes entravent de nombreux habitants dans leur déplacement quotidien, quand elles n'empêchent certains de sortir de chez eux.

Les récentes mesures prises par le Gouvernement n’ont pas contribué à enrayer la situation. La baisse des cinq euros de l'aide personnalisée au logement, répercutée par les bailleurs, a affaibli leur trésorerie, alors qu’aucune économie n’a été demandée au parc locatif privé.

Monsieur le ministre, quels moyens allez-vous allouer concrètement aux collectivités territoriales et aux bailleurs pour lutter contre le mal-logement en Seine-Saint-Denis ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Monsieur le député, je connais votre engagement, tout comme celui de Mme la ministre Marie-George Buffet dans la lutte contre les marchands de sommeil et le mal-logement, sujet compliqué, préoccupant et qui nécessite une mobilisation générale et transpartisane.

La présence de marchands de sommeil constitue, dans notre pays, un fléau en augmentation – ou du moins il l'était il y a deux ans et demi, lorsque j'ai pris mes fonctions. Depuis lors, grâce à la volonté et à la responsabilité de tous les groupes politiques – je me souviens des débats que nous avions eus ici même avec vos collègues Stéphane Peu et Marie-George Buffet, ainsi qu'avec les parlementaires de la majorité –, nous avons pris trois décisions essentielles.

La première a consisté à renforcer l'arsenal juridique permettant de lutter contre les marchands de sommeil. Ces criminels qui, forts d'un insolent sentiment d'impunité, utilisent la misère de certains pour s'enrichir, ne comprennent que les sanctions financières. C'est pourquoi, dans la loi ELAN – pour une évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – votée il y a un peu plus d'un an, nous avons décidé que des dispositions juridiques identiques pourraient être prises contre eux et contre les trafiquants de drogue.

La présomption fiscale de revenus est un outil efficace. En outre, il est désormais possible de saisir des indemnités d'expropriation, pour mettre un terme à des schémas insensés que nous laissions perdurer jusqu'alors. Nous commençons à voir les premiers résultats de ces mesures. Plusieurs décisions de justice très fortes ont été prises contre les marchands de sommeil depuis le vote de la loi ELAN. Je salue le travail mené avec la chancellerie sur le sujet.

La deuxième décision concerne l'accompagnement de toutes celles et de tous ceux qui, se trouvant sous l'emprise des marchands de sommeil, craignent de les dénoncer. À cet égard, nous menons une double action. Tout d'abord, nous avons obligé les professionnels de l'immobilier, agents immobiliers ou syndics, à dénoncer – le mot dénonciation figure dans la loi ELAN – les marchands de sommeil. Ensuite, nous avons créé une plate-forme d'accompagnement, avec un réseau formidable, que vous connaissez : celui des ADIL ou agences départementales d'information sur le logement. Toute personne sous l'emprise d'un marchand de sommeil pourra joindre, en appelant le 0806 706 806, un interlocuteur qui l'accompagnera. En trois mois et demi, nous avons reçu plus de 3 000 appels, ce qui prouve l'ampleur du phénomène.

Les deux premiers piliers de notre stratégie consistent donc, d'une part, à traquer et à condamner les marchands de sommeil, et, d'autre part, à accompagner celles et ceux qui sont sous leur emprise, mais il y en a un troisième, que vous avez raison de souligner : la rénovation et l'accompagnement des travaux, auxquels il faut consacrer les moyens financiers.

Nous avons donc lancé un grand plan de lutte contre les copropriétés dégradées, où se retrouvent, nous le savons, beaucoup de marchands de sommeil – bien qu'aujourd'hui, ils pullulent également dans les pavillons divisés.

J'ai annoncé à Marseille un plan de 3 milliards d'euros, trois semaines avant le drame de la rue d'Aubagne. J'ai aussi demandé à l'ANAH – Agence nationale de l'habitat – de lutter en priorité contre l'habitat insalubre, ce à quoi nous consacrons plusieurs centaines de millions.

J'en viens à un dernier outil essentiel. Il existait un système complètement fou aux termes duquel les astreintes infligées par les élus locaux – qui étaient très difficiles à mettre en œuvre et que nous avons par conséquent facilitées – étaient versées à mon budget, c'est-à-dire à celui de l'État. Ce n'était évidemment pas de bonne politique. Nous avons donc changé la loi. Depuis le 1er janvier, quand un élu local a le courage de prononcer une astreinte et que ses services vont frapper à la porte d'un marchand de sommeil, son montant est reversé à la municipalité, donc à la collectivité, ce qui lui permet de mener des travaux de rénovation ou d'accompagner et de renforcer son service de lutte contre l'habitat insalubre.

Tels sont les trois blocs sur lesquels je voulais insister. C'est avec beaucoup de détermination que nous menons la guerre – c'en est une – que nous avons déclarée de manière transpartisane aux marchands de sommeil.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans sa question, Mme la ministre Marie-George Buffet a insisté sur l'accompagnement des collectivités qui ont instauré des permis de louer.

M. Julien Denormandie, ministre. C'est une mesure à laquelle je suis très favorable.

M. Jean-Paul Lecoq. Cette disposition originale donne du sens au combat que vous avez décrit. Mme Buffet espère qu'en appui aux municipalités qui ont le courage de prendre ces dispositions, le Gouvernement complétera l'arsenal des mesures d'accompagnement qui existent déjà.

M. Julien Denormandie, ministre. Oui !