La décision de la France de privatiser les concessions hydroélectriques
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la décision de la France de privatiser les concessions hydroélectriques. Le 31 janvier 2018, le Gouvernement a fait le choix d'accélérer la mise en concurrence et la privatisation de 150 des 400 plus grands barrages hydrauliques de 2018 à 2022. Après plus de 10 ans de pression permanente et infructueuse de la Commission européenne et d'opérateurs privés, la France a pris la responsabilité d'être le seul grand pays hydraulique européen à céder ainsi aux exigences libérales, sans aucune considération pour les conséquences prévisibles de ces privatisations ni sur le plan de la transition énergétique et écologique, ni sur le plan économique et social. Deuxième forme de production derrière l'énergie nucléaire, l'hydroélectricité représente 12 % de la production électrique française avec 23 500 MW installés, mais surtout près de 70 % de son électricité renouvelable. Avec l'avantage d'être immédiatement disponible pour répondre aux pics de consommation, l'énergie hydraulique relève de l'intérêt national dans le cadre de la recherche d'un mix électrique décarboné, conformément aux engagements pris par la France tant au niveau international avec l'accord de Paris, qu'au niveau national avec la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette décision contrevient donc directement aux objectifs de sécurité d'approvisionnement apportée aujourd'hui par l'entreprise publique EDF, détentrice des concessions de 80 % du parc. Concrètement, la prise de contrôle des barrages par des groupes privés menace la stabilité du système électrique français avec la mise en place d'un mécanisme empêchant EDF, pourtant indéniablement le mieux disant, de postuler sur les renouvellements de concession. Cette exclusion constitue une discrimination économique et écologique d'une extrême gravité à l'encontre de l'opérateur historique. Or la logique de profit à court terme des opérateurs privés les poussera à produire suivant leurs intérêts en fonction des demandes et des prix du marché et non plus en fonction des besoins du réseau. Non seulement ces privatisations entretiendront une nouvelle spéculation sur le marché électrique, au risque de provoquer des coupures et dysfonctionnements majeurs sur le réseau électrique, mais elles auront aussi pour conséquence la hausse des tarifs de l'électricité pour les consommateurs. Enfin, alors que ces grandes installations hydroélectriques sont amorties depuis longtemps, puisque la majorité des barrages ont été construits au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce sont les investissements durables d'EDF dans la sécurité des ouvrages et en faveur de la limitation des impacts environnementaux de leur fonctionnement qui sont remis en cause. La proposition de vente à la découpe du patrimoine hydraulique français révèle l'ampleur des contradictions du Gouvernement en matière écologique et énergétique. En conséquence, il lui demande s'il compte revenir sur cette atteinte sans précédent à la sécurité d'approvisionnement énergétique française, et garantir à l'opérateur historique le maintien de l'exploitation des ouvrages pour répondre à l'intérêt général.
Réponse publiée le 22 mai 2018
La Commission européenne a adressé en octobre 2015 une mise en demeure aux autorités françaises au sujet des concessions hydroélectriques. Elle considère que les mesures par lesquelles les autorités françaises ont attribué à EDF et maintenu à son bénéfice l'essentiel des concessions hydroélectriques en France sont incompatibles avec l'article 106, paragraphe 1er, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lu en combinaison avec l'article 102 de ce traité, en ce qu'elles permettraient à l'entreprise de maintenir ou de renforcer sa position dominante en France sur les marchés de fourniture d'électricité au détail. Le Gouvernement continue de contester le raisonnement selon lequel la possession de moyens de production hydroélectriques entraîne mécaniquement une rupture d'égalité sur le marché de la fourniture d'électricité au détail et le fait qu'il aurait accordé un quelconque avantage discriminatoire à EDF. Le Gouvernement met également en avant les enjeux sociaux, économiques et écologiques majeurs liés à l'hydroélectricité, et en particulier à la gestion de l'eau. Dans le cadre des échanges avec la Commission européenne, le Gouvernement défend une application équilibrée de la loi de transition énergétique, qui a consolidé le régime des concessions et garantit le respect des enjeux de service public de l'hydroélectricité française, grâce à plusieurs outils : le regroupement des concessions dans une même vallée, la prolongation de certaines concessions dans le respect du droit national et européen, l'obligation de reprise des salariés des concessions aux mêmes conditions et la possibilité de constituer des sociétés d'économie mixte (SEM) lors du renouvellement des concessions lorsque les collectivités locales y sont intéressées. À la différence d'autres pays où les installations hydroélectriques appartiennent aux exploitants privés, le régime concessif permet un contrôle fort au travers de la règlementation et du contrat signé entre l'État et le concessionnaire, garantissant ainsi le respect de l'intérêt public. Le principe de mise en concurrence des concessions échues découle du droit européen et national. Le Gouvernement s'y prépare tout en défendant certains principes essentiels, en particulier en s'opposant à toute interdiction de candidater pour EDF et à la remise en concurrence de concessions non échues, et en demandant la prolongation des concessions du Rhône et de la Truyère.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Dates :
Question publiée le 15 mai 2018
Réponse publiée le 22 mai 2018