15ème législature

Question N° 828
de M. Gwendal Rouillard (La République en Marche - Morbihan )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > Union européenne

Titre > Conséquences d'un Brexit pour la pêche française

Question publiée au JO le : 03/12/2019
Réponse publiée au JO le : 11/12/2019 page : 11916

Texte de la question

M. Gwendal Rouillard attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les conséquences pour la pêche française en cas de « Brexit dur », scénario qui pourrait se concrétiser le 31 janvier 2020. En Europe, la consommation de poissons est surtout le fait des pays du sud (Italie, Espagne, France) alors que les captures se font surtout dans les mers du nord. Ainsi, un courant d'exportations du nord vers le sud rend dépendants nombre de pêcheurs français. Par exemple, de nombreux navires du port de pêche de Lorient et de Bretagne vivent grâce à plus de 30 % de poissons provenant des eaux britanniques (mer d'Irlande, ouest et nord Ecosse). Le secteur de la pêche française représente 93 000 emplois et une tonne de poissons crée 36 h de travail. Un Brexit sans accord aurait donc des conséquences désastreuses pour les pêcheurs français et l'économie. Il est indispensable de trouver un accord équilibré entre l'accès au marché commun pour les Britanniques et l'accès aux ressources halieutiques pour les pêcheurs français. À ce titre, il aimerait connaître la position de la France dans cette négociation, son expression au sein des institutions européennes et les mesures prévues par le Gouvernement pour compenser d'éventuelles pertes pour les pêcheurs, les mareyeurs et l'ensemble de la filière des produits de la mer.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES DU BREXIT SUR LA PÊCHE BRETONNE


Mme la présidente. La parole est à M. Gwendal Rouillard, pour exposer sa question, n°  828, relative aux conséquences du Brexit sur la pêche bretonne.

M. Gwendal Rouillard. La France est très engagée dans la négociation du Brexit ; le Président de la République a mis sur le haut de la pile le sujet de la pêche. Mais, à cette heure, nous demeurons inquiets.

J'aimerais rappeler ici quelques chiffres : la Bretagne compte 4 800 marins et 1 200 navires ; 10 % des bateaux bretons sont directement concernés par la question de l'accès aux zones de pêche britanniques, et parmi eux, la moitié réalisent plus de 50 % de leur chiffre d'affaires dans les eaux britanniques.

En ce qui concerne particulièrement le port de pêche de Lorient, ma propre terre, notre navire amiral, c'est la Scapêche : treize de ses bateaux travaillent dans les eaux britanniques, et la moitié du poisson mis aux enchères en provient. J'ajoute, car il faut prendre en considération l'ensemble de l'écosystème, que 60 % de l'activité de la vingtaine de mareyeurs lorientais est liée à l'activité dans les eaux britanniques.

J'arrête ici de donner des chiffres, mais chacun aura bien compris que pour Lorient, pour la Bretagne, pour la France, cette négociation est vitale ; l'inquiétude est donc vive, dans les ports de pêche comme dans toute la filière.

Les enjeux de la négociation sont connus : comment garantir l'accès aux zones de pêche britanniques et le maintien des droits historiques, négociés dans les années 1970 ? Quels seront demain les quotas de pêche ? Le Brexit, c'est potentiellement la fin des quotas de pêche pour nos amis britanniques. Quelles seront les conditions de débarquement des captures des navires français dans les ports britanniques, comme les conditions de transport en France ? Enfin, la question des droits de douane, qui ne concerne pas la seule pêche, est ouverte.

Quelles mesures peut-on envisager, à Bruxelles comme à Paris, pour accompagner la nouvelle stratégie de la pêche française ? Comment soutenir l'ensemble de nos entreprises ? Nous avons soulevé ces problèmes avec votre collègue Didier Guillaume, bien sûr, mais ils concernent également ce beau ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je connais, monsieur le député, votre attachement à la cause des pêcheurs bretons – vous n'ignorez pas que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le partage.

La mobilisation du Gouvernement, notamment du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, du ministre de l'agriculture et de la secrétaire d'État aux affaires européennes, est totale : nous mesurons l'importance de la pêche pour l'activité économique française, et nous savons ce qu'elle représente pour de nombreuses familles.

La sortie ordonnée du Royaume-Uni de l'Union reste le scénario privilégié par le Gouvernement ; c'est pourquoi nous avons accepté une nouvelle extension de la période de négociation jusqu'au 31 janvier prochain, afin de permettre l'aboutissement du processus engagé au Royaume-Uni pour ratifier l'accord de retrait. Celui-ci prévoit une période de transition, jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle le droit européen continuera de s'appliquer au Royaume-Uni, y compris dans le domaine de la pêche, et qui sera mise à profit pour négocier le cadre de la relation future avec le Royaume-Uni.

Il faut le dire, le Brexit, c'est perdant-perdant : perdant pour le Royaume-Uni, perdant pour les États membres de l'Union européenne. Nous devrons rester proches dans de nombreux domaines, dans celui de la pêche notamment, mais aussi dans le domaine militaire, par exemple, parce que nous avons beaucoup à construire ensemble.

Le Gouvernement et l'Union se sont toutefois préparés à tous les scénarios, y compris à celui d'une sortie sans accord, dite « Brexit dur ». Des mesures d'urgence ont été adoptées pour limiter autant que faire se peut les effets négatifs d'une telle éventualité. Ainsi, dans le domaine de la pêche, des règlements européens ont été modifiés pour permettre aux navires européens de continuer leurs activités dans les eaux britanniques, et vice versa – si le gouvernement britannique y est ouvert, et sur la base d'une stricte réciprocité. Par ailleurs, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP – pourra être mobilisé afin de permettre l'indemnisation de la cessation temporaire d'activité, si par malheur de telles situations devaient survenir.

Bien entendu, nous espérons ne pas devoir en arriver là. La sortie ordonnée du Royaume-Uni reste le scénario central.

Enfin, quelles que soient les modalités de sortie, il conviendra, après le Brexit, de négocier les conditions de la relation future à long terme avec le Royaume-Uni. L'une de nos priorités sera de préserver l'accès des pêcheurs français et européens aux eaux britanniques et aux stocks halieutiques car, les chiffres que vous avez donnés le montrent, c'est une question essentielle pour eux. Plus généralement, nous devrons maintenir des règles de concurrence loyale avec le Royaume-Uni.

La défense des intérêts de nos pêcheurs restera l'une des grandes priorités françaises dans les négociations du Brexit. Nous savons pouvoir compter sur vous et sur l'ensemble de la représentation nationale pour être à ce rendez-vous si crucial pour l'avenir de toute la profession.

Mme la présidente. La parole est à M. Gwendal Rouillard.

M. Gwendal Rouillard. Merci de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État.

Je suis convaincu que les intérêts de la France et de la Grande-Bretagne continueront de converger dans de nombreux domaines ; j'espère que la négociation sera concluante.

Je me permets d'insister sur un point : si nous parlons à juste titre des pêcheurs, c'est bien toute la filière, de l'amont à l'aval, qu'il faut prendre en considération. En Bretagne, elle comprend 600 entreprises et 17 000 emplois : un emploi en mer, ce sont quatre emplois à terre. C'est un écosystème auquel je suis très attaché.

Enfin, Lorient dispose d'une station de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer – l'Ifremer – qui participe de cet écosystème : les scientifiques travaillent à bord des navires pour collecter des données sur les traits de chalut, afin de bâtir une pêche durable qui respecte la biodiversité et les stocks halieutiques tout en permettant le développement de l'activité. C'est donc bien d'une approche globale qu'il est question.

Je vous fais bien évidemment confiance pour mener une négociation gagnant-gagnant à Bruxelles. Merci encore, monsieur le secrétaire d'État ; vous êtes le bienvenu à Lorient.